En chacun de nous sommeille une force capable de réaliser le moindre de nos désirs. Cette force, c’est la volonté.
Lorsqu’un homme veut réellement quelque chose, du plus profond de son cœur, nul obstacle ne saurait se dresser devant lui. La Torah nous révèle quelque chose d’encore plus incroyable : même D.ieu se refuse d’entraver la volonté d’un homme déterminé.
Comment la Torah perçoit-elle cette force prodigieuse qui sommeille en nous ?
Le Talmud [1] rapporte l’histoire de Balak, roi de Moab. Il fit mandater le prophète des nations, Bil’am, afin de stopper les Hébreux qui marchaient en direction de ses terres. Le souverain comprit très vite que le glaive ne lui serait d’aucune utilité, pas plus qu’il ne l’avait été pour Pharaon et sa puissante armée. Il entreprit donc de faire agir les forces obscures. Le plan était que Bil’am maudisse à un moment opportun l’ensemble du peuple d’Israël.
Balak envoya une délégation royale chez le prophète, munie d’importantes richesses. Le faste eut raison de la droiture du prophète qui fut impatient de se joindre au groupe.
Pourtant, dans la nuit, Bil’am reçut un ordre divin explicite lui interdisant de se joindre aux émissaires du roi. Mais Bil’am insista, il voulait y aller à tout prix. Contre toute attente, D.ieu lui rétorqua : « Va donc, mais ne maudis pas le peuple ». Le Talmud tente de comprendre ce revirement de situation et déduit de cet épisode un principe fondamental du judaïsme : « On conduit l’homme dans le chemin qu’il souhaite emprunter. » En d’autres mots, rien ni personne ne peut entraver la volonté d’un homme déterminé. D.ieu Lui-même se charge d’accompagner un homme dans la voie qu’il souhaite prendre, même s’Il la lui déconseille...
Comment comprendre que la volonté humaine soit si puissante au point d’occasionner que le divin la soutienne irrémédiablement ?
La volonté, cette puissance céleste à l’intérieur de soi
Tentons d’en savoir un peu plus sur cette propriété singulière. Pour cela, cherchons au-delà des sentiers battus et posons-nous une question essentielle : qu’est-ce qu’un être humain ? Un corps ? Une âme peut-être ?
Aucune de ces définitions ne caractérise complètement un homme. Le corps, les animaux aussi en possèdent. L’âme, si tant est que l’on sache précisément de quoi il s’agit, les anges en seraient également dotés. Que reste-t-il de nous ? Qu’est-ce qui fait de nous des êtres si particuliers, les créatures privilégiées de D.ieu ?
Notre volonté.
La volonté reflète notre capacité à vouloir le bien ou son contraire, c’est l’expression de notre libre arbitre. Lorsque le texte dit avoir créé l’homme à l’image de D.ieu, c’est précisément à cela qu’il fait référence. Notre point le plus commun avec le Créateur est notre capacité à exercer notre volonté librement.
L’Éternel reste bien évidemment l’unique Maître de toute situation, tout comme Il ne permit pas à l’envoyé de Balak de maudire son peuple. Toutefois, Il ne brime pas l’expression d’une volonté qui émane d’un homme, pourvu qu’elle soit résolue, car elle touche à quelque chose de divin enfoui en lui.
À présent, permettons-nous d’extrapoler cette leçon à notre vie de tous les jours.
Conditionner sa volonté pour évoluer
Ce que la Torah tente de nous faire passer comme message, c’est qu’un homme qui veut mener à bien un projet n’est jamais seul, on veillera d’en haut à ce que son entreprise prenne forme. Le Maharcha, célèbre commentateur talmudique, explique [2] que D.ieu met deux anges à disposition d’un homme décidé, dont la seule mission est de soutenir son projet. Pour le meilleur comme pour le pire…
À y regarder de plus près, cet enseignement a des résolutions infiniment prometteuses ; pour cette jeune fille qui peine à trouver son âme sœur, pour ce jeune homme qui cherche désespérément quoi faire de sa vie... C’est aussi valable pour ceux qui sont victimes d’un profond mal-être ou d’une dépendance accrue. La clef de notre salut se trouve en nous. Nous avons tout pour être maître de notre propre destin et même la garantie de D.ieu…
Alors, pourquoi en sommes-nous toujours au même point ?
Cela tient au fait que nous ne le voulons pas suffisamment, nous n’arrivons pas à le vouloir… mais parfois, c’est encore plus triste, nous ne nous croyons pas capables d’engager une telle volonté, alors que c’est le propre même de l’homme.
Le ‘Hazon Ich écrit dans l’une de ses lettres que tout changement durable accompli dans le domaine de la Torah dépend du niveau de conviction engagé au moment de la prise de décision, la force de volonté. Les personnes qui ont réussi l’exploit de s’extraire d’un monde athée ou laïc pour renouer avec leur judaïsme le savent, ils l’ont voulu plus que tout. Les autres ont échoué à ce carrefour-là précisément.
Le célèbre coach de notoriété internationale Anthony Robbins écrit dans l’un de ses best-sellers : « Prendre une véritable décision, c’est s’engager à obtenir un résultat précis et se refuser toute autre possibilité. » [3]
C’est là que ça se joue : vouloir vraiment, décider.
Il n’est pas dit que la une chose soit aisée, c’est même plutôt l’inverse, mais lorsque l’on prend conscience du soutien divin qui accompagne toute volonté ferme, on y réfléchit à deux fois. « Celui qui s’engage à se purifier se voit bénéficier de l’aide du Ciel », promet le Talmud [4].
Cela doit nous conduire à des questionnements plus pertinents sur nous-mêmes : pourquoi je n’arrive toujours pas à arrêter la cigarette, à entamer mon régime, à faire Chabbath ? Comment pourrais-je en avoir envie ? Autant de questions qui, si elles sont sincères, déboucheront sur de nouvelles prises de conscience sur soi. Dans la liturgie juive instituée par les Sages de la Grande assemblée, nous demandons souvent à D.ieu de nous donner la volonté de Le servir. Comme si la prière était un décapsuleur de volonté. La volonté se façonne et augmente.
Après avoir mis le doigt sur ce qui nous empêche d’avoir une volonté résolue, nous ne sommes plus qu’à un pas de la réussite. L’exercice doit être de vouloir fermement, de tout faire pour entretenir cette volonté et agir en conséquence. D.ieu se chargera du reste.
[1] Traité Makot, p.10
[2] Ibid.
[3] L’éveil de votre puissance intérieure, éd. J’ai lu, p. 51
[4] Traité Yoma, p. 38