Une terrible épreuve touche largement notre peuple. Dans la Torah, une telle affliction est nommée Honaat Dévarim - l’abus verbal. Nous connaissons bien les interdits liés au Lachone Hara’ (médisance), mais les interdits liés à la Honaat Dévarim sont moins connus. En réalité, la plupart des gens ne connaissent même pas leur existence.
Un proverbe en yiddish dit : « Azoi vee es crystal zich, azoi Yiddish zich », « le monde juif suit la même voie que celle empruntée par le monde non-juif. » Nul doute que les valeurs culturelles et les mœurs de notre société exercent une influence sur nous. Et un trop grand nombre d’entre nous considérons que critiquer autrui relève de l’humour bon enfant. Nous affublons les gens de surnoms très peu flatteurs. Des comédiens se moquent des autres et nous rions tous. Si la victime de cet abus protestait, elle serait attaquée pour son manque de sens de l’humour ou pour n’être pas un beau joueur.
Certains de ces élèves, ayant souffert de tels abus, ont été conduits jusqu’au suicide. Dans le cadre de mon travail, j’ai malheureusement rencontré des jeunes gens qui étaient passés par les mailles du filet et avaient abandonné la Torah précisément pour avoir été les sujets de ces abus. De tels incidents surviennent non seulement à l’école, mais également dans les colonies de vacances.
Pourquoi prend-on la Honaat Dévarim à la légère, tout en reconnaissant en même temps, au moins en théorie, les conséquences désastreuses du Lachone Hara’ ? Alors que les effets dévastateurs du Lachone Hara’ ont été largement exposés dans des cours et des ouvrages, les effets néfastes d’Honaat Dévarim ont à peine été abordés.
Les enfants américains apprennent tout jeunes cette comptine : « Des bâtons et des pierres peuvent briser mes os, mais les mots ne peuvent jamais me blesser. » Nos enseignements juifs, en réalité, développent l’opposé. Nous sommes d’accord que les bâtons et les pierres peuvent briser les os, mais nous sommes bien plus conscients qu’un langage abusif et blessant peut laisser des cicatrices sur l’âme - des cicatrices qui ne guérissent jamais, qui peuvent même détruire des individus et des familles.
Ces propos abusifs peuvent revêtir diverses formes : ridiculiser, insinuer, et même ce qui est considéré comme de la taquinerie de bon aloi.
Cette terrible faute d’Honaat Dévarim se présente sous diverses formes. Je connais des célibataires qui ont cessé de venir à la synagogue, car ils y rencontraient toujours des gens insensibles qui les attaquaient par des phrases comme : « Il est temps que tu te maries ! » et « Pourquoi ne trouves-tu personne ; il y a un problème ou quoi ? » Les étrangers ne sont pas les seuls responsables de ce phénomène, parfois ce sont des amis bien intentionnés et des membres de la famille.
Certains pourraient avancer que ces gens font leur maximum pour aider des célibataires à trouver leur âme sœur. Mais il faut changer de méthode ! Ceux qui sont réellement sincères peuvent faire une recommandation polie, mais ceux qui n’ont aucune suggestion doivent garder le silence plutôt que de remuer le couteau dans la plaie.
Mais quelqu’un m’objectera sûrement comment savoir s’ils sont encore libres si on ne leur pose pas la question ?
En fait, il y a différents moyens de poser la question. Proposez le parti que vous avez en tête, et si le jeune homme ou la jeune femme est pris(e), il/elle sera ravi(e) de vous en faire part. Mais en aucune circonstance il est permis de les assaillir de questions qui mettent en valeur leur statut de célibataire.
D’autres questions apparemment innocentes sont posées, par exemple, quelqu’un demande à un couple sans enfant ce qu’ils attendent. Le couple désire peut-être un bébé, mais ça ne se produit pas.
A nouveau, il s’agit de commentaires bien intentionnés, mais ils transpercent le cœur comme un couteau. A plus forte raison lorsqu’il s’agit de remarques directement blessantes : demander à une mère dont l’enfant vient de « casser » ses fiançailles des détails sordides, assaillir de questions une mère ayant perdu un bébé, ou fixer du regard un enfant handicapé, provoquant des larmes dans les yeux de sa mère. Je pourrais mentionner mille autre exemples, mais je pense que le lecteur a compris où je voulais en venir.
Il y a plus de Halakhot sur le langage que sur tout autre commandement. Nos lois sont très sévères à ce sujet. Trois fois par jour, à l’issue de la ‘Amida, nous implorons D.ieu de garder notre langue pour éviter de tenir des propos trompeurs. Chaque Juif doit se répéter le psaume 34 : « Quel est l’homme qui souhaite la vie, qui aime de longs jours pour goûter le bonheur ? Préserve ta langue du mal et tes lèvres des discours perfides. »
Il faut enseigner aux enfants, dès leur plus jeune âge, à faire attention au choix de leurs mots, à ne se moquer de personne, car la langue est un outil puissant qui a le pouvoir de tuer.
En effet, D.ieu nous a créés de manière à être protégés d’un mauvais emploi de la langue. Réfléchissez : chaque organe dans le corps est soit externe, soit interne. Par exemple, les yeux et le nez sont externes, le cœur et les reins, internes. La langue, en revanche, est à la fois externe et interne, et est protégée par deux portes : la bouche et les dents. Cela vient nous enseigner qu’avant de l’employer, nous devons fermer ces portes et réfléchir longuement, car une fois les mots échappés de nos lèvres, il n’est plus possible de les ravaler, même si on se confond en excuses par la suite.
J’espère que ces pensées atteindront le cœur de mes lecteurs et que nous penserons tous à deux fois aux mots avant qu’ils quittent nos lèvres.