Dans notre paracha de la semaine Métsora, il est écrit : « Voici quelle sera la loi du lépreux le jour de sa purification : il sera amené au Cohen. Le Cohen sortira du camp et verra que la plaie de lèpre a quitté le lépreux. Le Cohen ordonnera que l’on apporte, pour l’homme à purifier, deux oiseaux vivants, purs ; du bois de cèdre, de l’écarlate et de l’hysope… On égorgera l’un des oiseaux… Et l’oiseau vivant, il le prendra ainsi que le bois de cèdre, l’écarlate et l’hysope ; il les plongera avec l’oiseau vivant dans le sang de l’oiseau égorgé, qui s’est mêlé à l’eau vive. Il en fera sept aspersions sur celui qui se purifie de la lèpre, le purifiera et lâchera l’oiseau vivant au-dessus du champ. » (Vayikra, 14:2-4)
Rachi explique, sur le mot : « Purs » :… Parce que les négaïm étaient le résultat du lachon hara, qui provient du bavardage ; c’est pourquoi il était nécessaire [d’apporter], pour sa purification, deux oiseaux qui pépient constamment.
La Thora nous parle de la tsaraat (la lèpre) qui vient sanctionner le lachon hara (mauvaises paroles) ainsi que du processus nécessaire à la purification du lépreux. L’une des étapes est l’offrande de deux oiseaux ; le premier est abattu et le deuxième laissé en vie après la procédure décrite. Rachi, sur la base d’une guemara dans Arakhin, nous interprète le sens de l’utilisation d’oiseaux[1] ; le lachon hara est une faute qui provient de trop de bavardages – les oiseaux gazouillent, donc le fait de les approcher en offrande vient pardonner les discussions qui deviennent du lachon hara. Rav Chlomo Ganzfried[2] soulève quelques questions sur ce processus. Tout d’abord, pourquoi avoir besoin de deux oiseaux – n’aurait-il pas été suffisant d’en apporter un seul ? De plus, pourquoi l’un des deux est-il tué tandis que l’autre reste en vie ?[3]
Il répond en analysant le symbole des oiseaux. Celui qui est tué correspond aux propos qui constituent du colportage. Cela nous apprend que ce genre de paroles n’est absolument pas acceptable. Mais, si un seul oiseau était offert, on aurait pu croire que la seule façon d’éviter le lachon hara est de ne plus parler du tout. La Thora nous informe alors qu’il y avait un deuxième oiseau qui restait vivant ; celui-ci correspond aux paroles positives, comme les Divré Thora (paroles de Thora). Ce genre de propos n’est pas seulement admissible, mais vivifiant. Il le prouve d’un verset dans Michlé : « La vie et la mort sont entre les mains de la parole »[4]. La Thora est appelée « Ets ‘Haïm », l’arbre de vie, les discours positifs comme ceux en rapport à la Thora sont vivifiants.
Nous apprenons de l’enseignement du rav Ganzfried que le silence n’est pas la solution pour éviter de dire des propos malveillants. En effet, il raconte que le ‘Hafets ‘Haïm était très bavard : de quoi parlait-il ? Du respect de la Thora et des mitsvot. Bien qu’il nous soit inconcevable d’imiter parfaitement son exemple et d’atteindre un tel niveau, on peut en tirer une leçon vitale. Certaines formes de discours ne constituent pas, à première vue, du lachon hara, mais aboutissent à de la médisance ou au moins à du avak lachon hara[5]. Par exemple, au cours d’une conversation sur certaines personnes, il est fréquent de mentionner leurs noms, sans pour autant avoir de mauvaises intentions. Très fréquemment, le lachon hara pointe juste après[6].
On demanda à un rav comment éviter de dire du lachon hara. Il répondit qu’il s’efforce de ne jamais parler des autres[7]. C’est peut-être difficile à accomplir de manière infaillible, mais comme dans tous les domaines de la avodat hamidot (le travail sur soi, raffinement de son caractère), on peut s’améliorer par étapes et réduire graduellement le temps passé à parler d’autrui. Et nous apprenons du rav Ganzfried que le fait de se taire complètement n’est pas la manière idéale de progresser. Il faut plutôt tenter d’élever le contenu des propos tenus. Cela ne signifie pas seulement dire des paroles de Thora – il existe de nombreux autres domaines qui peuvent être évoqués à des fins constructives. L’essentiel est de s’efforcer de remplacer la médisance par des mots plus positifs.
Le processus d’expiation de la tsaraat nous apprend donc que le silence n’est pas la solution idéale : le but est plutôt de transformer les paroles qui peuvent être du lachon hara et nous éloigner d’Hachem par un discours qui nous rapproche de Lui.
[1] Arakhin, 16b.
[2] Auteur du Kitsour Choul’han Aroukh ; ce développement est tiré de son livre de hachkafa, Apiryon.
[3] Voir Tallelé Oroth, Vayikra Alef, p. 282-283 pour ses autres questions.
[4] Michlé (Proverbes), 18:21.
[5] Interdit des Sages concernant des « poussières de lachon hara » — paroles approchant la médisance.
[6] Par exemple, les débats politiques qui deviennent bien souvent du lachon hara avéré. Dans cet article, nous parlons principalement des propos visant les personnes que nous connaissons.
[7] Il ne faisait certainement pas référence aux paroles constructives concernant d’autres personnes, mais à de la médisance oiseuse.