La Paracha de cette semaine, bien qu'elle continue d'explorer les détails du service du sanctuaire (Michkan) comme initié dans la Paracha précédente, Térouma, nous offre également une occasion unique de réfléchir sur l'amour et le respect mutuel, des valeurs au cœur de la Ahavat Israël. En décrivant les rituels et les vêtements spécifiques du Cohen Gadol, la Torah nous invite non seulement à nous pencher sur la sacralité de ces pratiques, mais aussi à considérer la profondeur de nos relations interpersonnelles.
Un des versets de notre Paracha nous enseigne ainsi : « C'est là que Je me mettrai en rapport avec les enfants d'Israël et ce lieu sera sanctifié par Mon honneur » (Exode, ch 29 v. 43). Dans son commentaire sur ce verset, le grand commentateur médiéval Rachi précise : « Il ne faut pas lire Bikhvodi (« par Mon honneur »), mais Bimekhoubadaï (« par Mes honorés ») », c’est-à-dire que ce sont « Ses honorés », ceux dont l’Éternel est proche, ceux qui Le servent, ou qui Lui rendent visite dans le Temple et qui confèrent son honneur au Michkan.
La sainteté du sanctuaire repose donc sur la conduite de ceux qui le fréquentent et qui y accomplissent le service sacré. Voilà pourquoi, la Torah insiste tant sur toutes ces règles minutieuses qui encadrent la ‘Avoda (le service), les personnes habilitées à s’y rendre, les procédures à respecter, les vêtements à porter, leur composition…
Tout ce cérémonial - auquel on doit bien sûr ajouter les règles de pureté et d’impureté qui conditionnent la possibilité de se rendre au Temple ou non - a pour objectif de réguler la relation du peuple à la Sainteté, d’en faire un évènement rare et solennel et d’éviter la banalisation du sacré.
En réalité, ce dont se méfie la Torah, à travers toutes ces précautions, c’est le sentiment de « familiarité » qui peut s’emparer du fidèle dans sa relation à D.ieu. Cette familiarité a ceci de dangereux qu’elle fausse le regard de l’individu, elle l’amène à tenir pour acquis des privilèges qui doivent se mériter, elle l’incite à se dispenser d’une forme de retenue pourtant nécessaire au respect. La familiarité peut ainsi devenir le chemin le plus court qui mène à l’ingratitude car elle émousse le sentiment de rareté et de privilège qui généralement amène l’homme à exprimer sa reconnaissance et sa joie ; elle banalise le merveilleux.
C’est précisément cet écueil qui peut expliquer, au moins en partie, les réactions de révolte parfois incompréhensibles des Bné Israël peu de temps après avoir vécu des miracles inouïs. La proximité miraculeuse qui régnait entre Hachem et Son peuple se transformait aux yeux d’une partie du peuple en une forme de familiarité, où la mauvaise foi se mêlait à l’ingratitude.
Comme chacun le comprend, ce danger ne guette pas seulement l’homme dans sa relation à Hachem, elle le guette également dans sa relation à autrui et, souvent, aux plus proches. Il suffit de prendre l’exemple de la relation entre les parents et les enfants pour trouver une illustration sur smesure. Les enfants sont bien souvent prompts à oublier tout le dévouement de leurs parents pour leur tenir rigueur du dernier refus ou de la dernière réprimande, et relire toute leur histoire à l’aune exclusive de ce dernier évènement. De même, entre les époux, la proximité quotidienne peut inciter, à tort, à se dispenser des formules de politesse, des égards, et de la patience que l’on témoigne pourtant facilement aux personnes beaucoup moins proches.
La proximité affective permanente qui est une chance est ainsi menacée par sa banalisation. Cette dernière amène ainsi parfois l’homme à occulter la profondeur des sentiments qui le lie à son prochain, pour laisser place à une exigence excessive ou autoriser des expressions de mauvaise foi où l’homme feint de tenir rigueur à son prochain pour ce qui ne sont parfois que des détails.
En lisant notre Paracha, et notamment les détails minutieux relatifs à la tenue du Cohen Gadol, nous pourrions en tirer des enseignements pour nos relations avec nos proches. Par exemple, le soin extrême apporté à la tenue vestimentaire du Cohen Gadol nous rappelle que les habits d’un homme témoigne le respect qu’il manifeste à son entourage, ou encore les clochettes qui tintaient lorsque le Cohen Gadol se déplaçait nous enseigne qu’il est délicat d’annoncer sa venue et ne pas surprendre ses proches, y compris dans son foyer.
C’est ainsi que la lecture de notre Paracha nous rappelle que l'amour du prochain, la Ahavat Israël, repose non seulement sur les sentiments de nos cœurs, mais, en outre, sur un ensemble d’égards matériels et concrets qui permettent de maintenir une juste distance avec autrui, ni trop loin, ni trop proche. Plutôt que de laisser la routine éroder la valeur de nos liens, la Torah nous incite ainsi à redécouvrir le merveilleux dans le quotidien, en célébrant la présence de l'autre comme une bénédiction constante dans nos vies.
Puissions-nous, Bé’ézrat Hachem, avoir le mérite de toujours mesurer la chance que nous avons d’être entourés des personnes qui nous sont proches, de vivre la relation avec autrui sous le signe de la bonté, du respect et de l’affection et ne pas dégrader cette relation par une familiarité inopportune. Puissent ces efforts dans la Ahavat Israël plaider en notre faveur auprès du Maître du monde afin que nous puissions, rapidement, retrouver tous les détails de cette Paracha dans le Troisième Temple, le plus tôt possible.