La Paracha Béchala'h est particulièrement riche en enseignements : depuis la traversée de la mer jusqu’à la guerre contre 'Amalek, en passant par la fameuse Chira (le chant entonné par les enfants d’Israël à leur sortie d’Égypte), ou encore la description de la nourriture providentielle qui nourrira les enfants d’Israël dans le désert durant quarante ans.

Les passages de notre Sidra s’intéressent également à différentes occurrences aux relations entre les hommes, au sein du peuple. C’est ainsi que les versets nous rappellent que les périodes de difficulté peuvent engendrer des réactions de nature totalement différentes : soit la méfiance et la discorde comme lors de l’épisode des « cailles », ou bien une détermination à rester unis et à faire confiance aux dirigeants comme lors de la traversée de la mer.

À cet égard, nous pouvons porter notre analyse sur un des derniers passages de notre Paracha : la guerre contre 'Amalek. Les versets nous décrivent deux fronts dans cette guerre : la guerre physique (menée par Yéhochou'a et son armée) d’une part, et la prière d’autre part (accomplie par Moché Rabbénou, et soutenue par Aharon et 'Hour). « Yéhochou'a fit ce que Moché lui avait dit et combattit 'Amalek, tandis que Moché, Aharon et 'Hour montaient au sommet de la colline. Chaque fois que Moché levait la main, Israël l'emportait, mais chaque fois qu'il baissait la main, 'Amalek l'emportait.

Les mains de Moché devenaient lourdes ; on prit une pierre, on la plaça sous lui et il s'assit dessus, tandis qu'Aharon et 'Hour, un de chaque côté, soutenaient ses mains ; ainsi ses mains restèrent fermes jusqu'au coucher du soleil. » (Chémot 17, 10-12)

À la lecture de ces versets, nous comprenons que la victoire est une œuvre collective : lorsque ceux qui combattent sont soutenus par ceux qui prient [Moché Rabbénou qui lève la main (mais aussi les yeux et le cœur) vers Hachem] et que tous agissent de concert, dans l’unité, alors la victoire est entre les mains des enfants d’Israël et la bénédiction repose sur eux.

Nous retrouvons ainsi une règle bien connue de notre tradition : lorsque les hommes ne recherchent que leur propre intérêt et font prévaloir leur égo, ils peuvent faire obstacle à la Présence divine ; en revanche, lorsque les hommes recherchent le consensus, la fraternité et l’unité, ils permettent à la Présence divine de résider parmi eux.

À cet égard, les sages du Midrach donnent une belle image qui permet de mieux comprendre l’enjeu de cette unité. « Un faisceau de roseaux, un homme ne parvient pas à briser l’ensemble, alors que chaque roseau (pris séparément) même un jeune enfant peut le briser. De même, il se trouve qu’Israël ne peut pas être délivré tant qu’il ne forme pas un ensemble uni. » (Midrach Tanhouma, Nitsavim 1).

L’union de la collectivité donne une force toute particulière à chaque individu alors que l’isolement fragilise. Ce supplément de force qui est donné à chaque individu lorsqu’il est associé à ses frères provient précisément de la Présence divine qui règne dans une collectivité unie et renforce chacun des membres.

Notre tradition va plus loin. Non seulement, l’unité est souhaitable mais cette recherche d’unité doit également inclure les « fauteurs ». Le traité Kéritout nous dit ainsi « Rabi Hana a dit au nom de Rabbi Chimon 'Hassida : « Tout jeûne auquel ne participent pas des pêcheurs d’Israël n’est pas un véritable jeûne » » (Traité Kéritout, 6b). Et nos maîtres de nous rappeler que parmi les 11 aromates qui composent l’encens offerte au Temple, une d’entre elles n’avait pas une bonne odeur, mais cette mauvaise odeur était neutralisée par l’ensemble des ingrédients. À nouveau, nous mesurons combien l’unité du peuple est une condition indispensable à l’agrément des prières. Il en va de même des 4 espèces secouées à Souccot et qui ont vocation à incarner quatre types de Juifs, y compris celui qui ne pratique, ni n’étudie. Et pourtant sa présence est indispensable le jour de Souccot, réuni avec les autres espèces, pour accomplir la Mitsva et rappeler ainsi l’unité du « Klal » Israël, quelles que soient les différences de niveau d’observance.

Ainsi, chaque individu doit s’efforcer de s’inclure dans un groupe, de vivre parmi ses frères, même s’il est lui-même Tsadik et méritant. Cette appartenance à un groupe lui permet de bénéficier du jugement global de la collectivité et lui évite probablement un examen indépendant et isolé de sa situation. C’est le sens notamment, comme le rappelle Rav Shmoulevitch, de la réponse de la Chounamite au prophète Elicha alors qu’il lui propose d’intercéder pour elle auprès d’Hachem, elle lui répond « Je vis au milieu de mon peuple », c’est-à-dire « je ne demande pas à attirer l’attention sur moi, je ne souhaite pas me singulariser, je partage le jugement global de mes frères ».

La vie en collectivité permet donc à l’homme d’atteindre un niveau auquel il ne peut pas prétendre individuellement. La confrontation à l’altérité, aux différences de sensibilité, d’approche, de raisonnement oblige l’homme à appréhender la complexité de la nature humaine, à sortir de son « égo » pour s’ouvrir à de nouveaux horizons.

Or, lorsqu’il parvient à vivre en harmonie avec autrui, en dépit des différences, il reconnaît la légitimité de chaque être humain, l’égale dignité des hommes et couronne ainsi la Création de D.ieu.

Puisse l’Éternel nous permettre de parvenir à instaurer cette unité au sein du ‘Am Israël, de triompher de nos ennemis afin de pouvoir vivre en paix dans ce monde et assister à la venue Machia’h.