Il est trois heures du matin. Esther balance la poussette, espérant endormir son nourrisson et pouvoir aller se coucher… Tout est silencieux, les grands dorment et son mari a déjà plongé dans un repos réparateur.
Tout à coup, un sentiment lourd commence à l’envahir. Une sorte de compassion pour elle-même…
Presque chaque nuit, elle ne dort que trois heures, et le matin – elle doit se lever et vaquer à ses occupations comme d’habitude, sans une once d’aide.
Des larmes mouillent ses yeux et elle se mord les lèvres avec amertume.
Comment tenir bon ?
D’après les convenances du monde superficiel qui nous entoure, le concept élevé de "bonté et don" a pris une appellation différente : "exploitation".
On les entend régulièrement qualifier de "naïf" celui qui donne sans compter, dans la mesure où leur système relationnel est fondé sur l’action de prendre. Donner sans espérer un profit n’a pas de place dans un tel univers.
Notre monde est fondamentalement différent.
Chez nous, la signification du mot ‘vie’ est ‘savoir donner’, acte que l’on désigne par le terme de ‘bonté’.
Rav Dessler guidait ainsi les jeunes couples venus lui demander de les bénir : « Dès l’instant où vous allez donner à l’autre sans attente de retour, sachez que le vrai bonheur est devant vous » - donner sans espérer recevoir est le plus authentique gage de bonheur, cela s’appelle ‘la bonté’. C’est par le pouvoir de cet attribut que la mère construit son foyer.
Qu’est-ce que la ‘bonté’ ?
Eli’ézer, le serviteur d’Avraham, se tient debout près de ses dix chameaux et de ses serviteurs, et adresse à Rivka, une enfant de trois ans, une demande pertinente : « Fais-moi boire… un peu d’eau » (Béréchit 24, 17).
Et Rivka ne répond pas en utilisant la terminologie d’aujourd’hui qui dirait : " je ne suis pas une proie naïve, fais-le toi-même », mais elle satisfait sa demande. Non seulement cela, mais elle abreuve également les dix chameaux, qui boivent une énorme quantité d’eau.
Elle a réussi les deux tests auxquels Eli’ézer l’a soumise concernant l’attribut de bonté : répondre à sa requête et accomplir un acte de bonté qui ne lui avait pas été demandé.
Une question se pose : pourquoi Eli’ézer avait du éprouver également sa capacité à répondre à sa demande ? Voir qu’elle agissait avec une extrême bonté sans en avoir été priée, en donnant à boire aux dix chameaux, ne lui suffisait-il pas ?
‘Haya était la cheville ouvrière de l’association philanthropique ‘Yad vélev’. Personne ne pouvait ignorer sa présence centrale et l’étendue de son travail. Elle était parvenue à s’occuper de chaque détail de la meilleure manière qui soit. Elle avait réussi à élever le niveau d’action, d’attention et la capacité de donner dans toute l’association.
Personne ne pouvait rester indifférent devant l’œuvre prodigieuse qu’elle accomplissait et lors de chaque rassemblement ou réunion, elle était portée aux nues.
Seulement à la maison, lorsque la porte se refermait complètement derrière elle, l’autre visage de ‘Haya se dévoilait…
Il est aisé, pour un homme, de s’exprimer dans de grandes et héroïques actions de bienfaisance – mais il lui est difficile d’accomplir le peu pour lequel il est sollicité. Elle accomplissait ses tâches ménagères sans goût, cuisinait le minimum nécessaire, et quand un des enfants réclamait un peu de son attention, elle répondait avec une impatience non-dissimulée qui lui ôtait toute envie de revenir demander, jusqu’à la prochaine fois…
Beaucoup de femmes ressentent que l’entrain, l’enthousiasme et les forces qu’elles investissent dans leurs actions extérieures disparaissent au sein de leur foyer.
Personne ne décerne un bouquet de louanges à une femme qui s’investit dans la préparation des repas, et lorsqu’elle captive tout le monde avec une histoire intéressante, aucun halo de splendeur ne rayonne autour d’elle.
C’est la raison pour laquelle Eli’ézer a testé notre matriarche Rivka , afin de vérifier si elle pouvait accomplir des actes de bonté routiniers en réponse à une requête qui lui était adressée.
Ce sont ces actes simples de bonté qui établissent les fondations d’un foyer. Donner est beaucoup plus facile lorsqu’on nous regarde. Cependant, la bonté véritable se mesure dans de petits actes accomplis dans la discrétion. La femme a reçu cette vertu. Ce don sans limite est un mérite que la femme possède et qui a réussi à implanter en elle cette capacité à prodiguer aux autres.
Extrait du livre "Une Vie de femme, près d'Hachem", aux Editions Torah-Box