"Vous avez dit bousculés ?? Cri du coeur après Méron..."
Nous étions allés nous coucher sereins, bercés par les images en direct de joies, de feux magiques, de danses, de rassemblements (enfin...!), heureux de Lag Ba’omer à Méron où est inhumé depuis des siècles notre saint ancêtre le Tana Rabbi Chimon Bar Yo'haï. Nous avions tous, juste avant, fêté à notre façon, en famille ou entre amies cette Hiloula (anniversaire du décès) avec des bougies et autour de mets raffinés et préparés le cœur en fête. La nuit nous fut douce et agréable.
Au petit matin, mon téléphone en main, le fil d’actualités me sembla irréel. Tragédie en Israël : 45 morts et 150 blessés. PARDON ?? Un instant, je n’ai pas exactement compris, dites-moi que je rêve, que c’est faux. Puis, la vidéo apparaît laissant découvrir (en partie) le drame : bousculade meurtrière, mouvements de foule avec clairement des centaines de gens tentant de survivre à l’écrasement, compressés, entassés, jetés au sol… Sur l’instant je ne saisis pas le déroulement, je suis juste en train d’ingérer littéralement l’énormité du chiffre. 45.
45 personnes. 45 êtres humains. 45 vies.
Chacune, un corps vivant, un visage, un sourire, un être en mouvement, une personnalité, un parcours, des amis, une classe, une Yéchiva, un Kollel, une épouse, un père, une mère et tellement plein de petits riens qui rendent la vie tellement belle… que sais-je, chacun sa pointure de chaussures, son humour, ses lunettes ou non ! Et ses rêves, ses pensées, ses projets. Chacun sa respiration. Sa vie, singulière.
Tout cela n’est plus. Englouti. Volatilisé. Disparu. Toutes ces personnes ne sont plus dans ce monde du vivant.
Que c’est terrifiant… La rapidité de ce départ. La fragilité de la vie. De nos vies si bien organisées, si bien arrangées. Quand nous croyons détenir le contrôle… Quelle naïveté de notre part…
Mais bien plus terrifiant encore. 45 personnes décédées. De quoi au juste ? Plus j’y pense, plus je tremble. Ni armes à feu, ni armes blanches, ni voiture bélier, ni virus. Non. Rien de tout cela. Il n’y avait rien. Seulement des gens dans un passage étroit, sans issue. Alors ? Qu’est ce qui a causé la mort ? Ce sont les gens eux-mêmes qui, mus par la pression, tombaient et s’empilaient les uns sur les autres provoquant inexorablement l’étouffement de ceux qui étaient plus bas. Bien entendu qu’ils n’avaient pas d’autre choix que d’être projetés en masse les uns sur les autres, compte tenu de l’affolement brusque et de l’impossibilité de bouger. Néanmoins, ce qui s'est passé concrètement est que les gens se sont fait tuer par d’autres gens. Et cela me terrifie.
Ils sont morts tués, asphyxiés par d’autres. Qui essayaient sans doute de les laisser vivre. Sans aucun doute. Mais le malheur était là. Le décret. Pas moyen d’y échapper. Les gens sont morts de cette façon, piétinés par d’autres.
Alors, des juifs ont donc tué en ce Lag Ba’omer 5781/2021 ? Évidemment, culpabilité.... aucune.
Cette question me taraude étrangement. Et les termes employés aussitôt par tous les médias résonnent avec un goût amer. Être bousculé ? Piétiné ? Écrasé ? Ces mots ne semblent pas si inconnus.
Nous savons que ce qui se passe dans le monde du réel est le reflet d’une réalité spirituelle. Cette mort est bien la symbolique d’une notion qui nous est familière en réalité. Et nous la fuyons sans cesse, car trop difficile à regarder en face. Cependant, en ce 30 avril 2021, plus d’alternative.
La mort qui a frappé à Méron est la même qui sème la zizanie dans notre peuple et dans l’humanité. Quelle sombre horreur que d’être écrasé par ses semblables et manquer d’oxygène jusqu’à en perdre le souffle et la Vie. Pauvres gens partis se réjouir et célébrer la vie, écroulés au fond d’un couloir sans lumière ni air. Deuil de tous les pays, face à un drame inhumain, celui d’êtres humains ensevelis les uns sur les autres.
Mais ouvrons les yeux. Nous sommes ces victimes. Nous sommes ces gens-là.
Combien de fois, chaque jour, ne prenons-nous pas soin de ne pas “écraser” notre prochain ?? Par notre avis, notre opinion, nos conseils que l’on ne nous a pas demandés !! Combien de fois oublions-nous de ne pas “bousculer” notre conjoint dans ses idées, dans ses projets dans ses ambiances ? Combien de fois n’avons-nous pas “piétiné” sur le territoire d’autrui, sur sa vie personnelle en divulguant certaines informations ou en étant trop envahissant ?? Oui, une bousculade est meurtrière sur le plan émotionnel. Enlever à quelqu’un son oxygène est tellement facile et gratuit malheureusement. Par une simple remarque pas gentille, un regard désapprobateur ou même un signe de tête, l’être humain devient un danger pour l’autre.
Être piétiné, bousculé ou écrasé au sens figuré d’après le dictionnaire peut signifier : abattre, anéantir, dominer. Une personne. Pas un corps. Vous l’avez sans doute déjà vécu au moins une fois. Vous savez combien cela fait mal et combien c’est dur de se relever. Comme ces bras levés des gens à terre que nous voyons sur les images du drame.
Combien on se sent triste et impuissant ! Pourquoi ? Pourquoi ? Nous voulons tous vivre les uns auprès des autres. Nous nous DEVONS de mettre fin à cela.
Depuis des siècles, c’est le même discours, la haine gratuite qui nous mine... Débordons donc d’amour. Gratuit. Sans raison. Sans RAISON. Vous trouvez jolie la chemise de la dame au supermarché ? Dites-le lui ! Comme ça ! Pour vous faire plaisir ! Pour mettre du baume au cœur ! Pour ajouter de la lumière dans ce monde ! Soyons BIENVEILLANTS les uns envers les autres ! Si, si, c’est facile ! Il suffit juste de vous rendre compte qu’il vit au même titre que vous. Et pour cela il a toute sa légitimité. Il est merveilleux, comme vous ! La vie est trop courte pour se laisser aller à tant de mesquineries !
Je fais ma part...
Je vous partage pour conclure ce magnifique conte de Pierre Rabhi : Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !". Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part."
Faire sa part, voilà bien un défi de vie ! Soyons, nous aussi les colibris de l’histoire et ainsi tous nous suivront… Diffusez chacun un peu plus de joie, donnez de l’amour, un câlin, un baiser, un regard, réchauffez le cœur, donnez de l’empathie !! A gogoooooo !! Y a que ça !! Écoutez l’autre, sans jugement !! Écoute et compréhension de ce qu’il vit sans lui asséner vos “... à cause de…, parce que…, tu aurais dû..., tu aurais pu...., dommage !”.
Les 3 mots magiques : JE TE COMPRENDS !
Voilà le remède à notre existence ! Ajoutons à notre vie une action de générosité envers notre entourage, un coup de fil une fois par semaine, un message d’affection à nos proches, un rire avec nos enfants ! Le Coronavirus nous a déjà tellement éprouvés avec ce danger d’être proches les uns des autres, de peur d’une transmission ; là, un degré supérieur a été atteint avec Méron.
Que la proximité ne soit qu’un étendard de paix et d’amour. Soyons unis et aimants les uns envers les autres. Célébrons la vie ensemble avec joie et santé ! Afin que nulle catastrophe ne nous atteigne plus.
Que nos chers disparus, avec qui nous nous sentons connectés plus que jamais, brillent comme des étoiles dans le ciel étoilé ! Que l’amour mette fin à notre exil. Amen !