On était en janvier 2014 et j’avais décidé de me renforcer dans la Torah. Je m’étais inscrite dans un séminaire francophone, je me retrouvais avec des femmes qui, bien sûr, n’avaient rien en commun avec moi si ce n’est une appartenance au judaïsme. Je me sentais plus seule que jamais ! Et puis, ce mois terrible de juin 2014, j’étais assise dans un café en centre-ville de Jérusalem quand la nouvelle tomba : 3 jeunes étudiants israéliens avaient été kidnappés par des terroristes alors qu’ils étaient en route pour rentrer chez eux...
Une union spontanée
Instinctivement, je me levai du café et me mis en route pour aller prier au Kotel. Et là, ce fut un choc ! Des milliers d’hommes et de femmes s’étaient massés face au mur et se mettaient à prier spontanément. Il n’y avait plus ni religieux ou non pratiquants, ni israélien ou “étranger”, ni adulte ou enfant… Il n’y avait que des juifs qui priaient avec l’espoir de retrouver les 3 jeunes.
Comme par hasard, j’avais prévu d’assister à un cours de Torah le lendemain et le Rav nous dit : “Quand les terroristes lancent des roquettes, ils ne ciblent pas le quartier religieux de la ville ou celui qui ne l’est pas. Ils visent les juifs sans distinction, car pour eux, un juif est un juif et donc un ennemi à abattre”.
Quelle leçon ! Allais-je devoir apprendre l’unité du peuple juif grâce aux menaces terroristes ?
Puis, il parla… d’encens ! Plus particulièrement des Kétorèt, cet encens particulier qui était utilisé au temps du Temple par le Cohen Gadol lors de son service Divin. “Il faut un ensemble de 11 espèces différentes pour composer les Kétorèt, dont une espèce qui est connue… pour être particulièrement malodorante ! Seulement, sa présence est obligatoire car c’est elle qui permet l’union des autres senteurs et qui donne ce parfum particulier. S’il manque une de ces espèces, on ne peut accomplir notre service Divin. Or, après tout, c’est Hachem qui crée tout, le bon comme le mauvais. Vous serez d’accord avec moi que D.ieu ne fait pas d’erreur, donc si chaque espèce est nécessaire pour composer les Kétorèt, alors chaque juif est nécessaire dans ce monde pour accomplir le projet Divin d’Hachem”.
C’était la révolution dans ma tête ! Je n’avais jamais envisagé les choses sous cet angle…Chacun d’entre nous, avec nos qualités et nos faiblesses, nous étions tous comme les maillons d’une seule chaine ayant le même objectif ! Alors critiquer les uns, ou faire du mal aux autres, ça revenait finalement à se tuer soi-même ! Ce cours avait eu le mérite de nous faire réaliser, à tous les participants du cours, que notre façon de voir les autres était souvent trop négative, et surtout erronée...
De la place pour tout le monde
Finalement, chaque homme, chaque juif quel qu'il soit, est nécessaire sur Terre parce que c’est D.ieu qui l’a mis là… tout comme il m’a mise dans ce monde.
Cette première prise de conscience fut très utile pour calmer mes critiques (qui étaient assez fréquentes, je l’avoue…). Partout dans les rues, sous la tension de la guerre qui commençait, on voyait les gens s’intéresser sincèrement aux autres. Sans se poser la question de leurs choix politiques ou religieux. Tout le monde était solidaire. Cela me permit de comprendre qu’on avait besoin de chacun pour être ensemble et que toute différence était en fait une force ! Tout le monde n’est pas fait pour être médecin ou rabbin et justement, on a besoin de ces différences (imaginez une ville remplie de sages-femmes… quand on aurait besoin d’un pompier pour éteindre un incendie !).
A l’image des fils de Ya’acov : Issakhar et Zévouloun qui s’entraidaient. L’un en étudiant la Torah et l’autre en soutenant financièrement son étude par le mérite de son commerce, on avait besoin de tous pour avancer et réussir.
Moi aussi, à force de m’intéresser aux autres, j’ai fini par observer chez chacun des traits de caractère que je ne possédais pas (encore). Et c’est là tout le secret de la Mitsva d’arriver à aimer l’autre comme soi-même ! Comme le font nos Grands en Torah, ils se focalisent sur le positif chez chacun, ils ne se fient pas aux apparences ou aux préjugés. Ils arrivent à voir en chacun sa Néchama (son âme), et perçoivent l’étincelle divine qui est en eux. Et comme l’enseignent nos Sages, le sage est celui qui apprend de tout homme ! Quelle belle leçon d’humilité… En changeant ma vision des choses, cela m’a permis d’apprendre auprès de chacun, de me renforcer chaque jour et d’améliorer ma façon de voir mon cher peuple, le ‘Am Israël.
Et comme par hasard… dès que la paix est revenue dans le pays, j’ai rencontré lors d’un Chiddoukh un garçon différent de moi et qui m’a plu… comme il était !