Est-il si naturel d’aimer son enfant ? Pouvons-nous concevoir des sentiments d'hostilité, de répulsion de la part de parents envers leurs enfants ? - Déroutant ? ! - Terrifiant ? ! Pour un grand nombre d'entre nous, cela pourrait faire penser aux enfants battus, abandonnés, maltraités... Vous imaginez certainement que cela ne concerne que des cas particuliers. Pourtant, cette malveillance, cette inimitié d'un des parents envers l’un de ses enfants est relativement fréquente…

Nous traiterons plus particulièrement du cas de la mère ; ce sont elles, en effet, qui viennent plus fréquemment discuter du problème. Dans la société juive, où la mère occupe une place centrale et prépondérante, approfondir l'idée d'un sentiment antipathique, voire hostile, méchant à l'égard d'un enfant, paraît surréaliste. 

Dès que le parent prend conscience de ce sentiment négatif, il se sent très culpabilisé. Aussi généralement, le parent aura tendance à nier et rejeter la faute sur l'enfant. Et généralement, il se refusera à demander de l'aide. L'enfant, dont les perceptions sont très aiguisées, sentira la faillite du parent. Sa réaction se manifestera soit d'une manière violente, soit par le développement d'une grande dépendance. Ces comportements engendreront chez le parent une plus grande animosité, bouclant ainsi un cercle sans fin.

Comment naissent ces sentiments de répulsion ?

Ils peuvent provenir de diverses causes.

- Il y a des cas, par exemple, où le parent identifie l'enfant avec une personne de son enfance ou de sa vie envers laquelle il entretient des sentiments ambivalents, parfois même hostiles. Par exemple, sa petite fille peut lui faire penser à sa grande sœur qui l'a toujours dominée. Et chaque fois que la fillette fera une petite bêtise, cela réveillera chez la mère une colère disproportionnée.

- Dans des familles où le « Chalom Bayit » - la paix familiale, est très fragile, quand un parent repère chez un enfant un trait de caractère qui ressemble au conjoint, il déversera sur l'enfant toute sa colère. Dans de tels cas, l'enfant épongera toute l’agressivité de ce parent.

L'expérience montre que si le divorce est prononcé, au bout d'un certain temps, c'est précisément cet enfant « repoussé » qui sera sorti le premier de la maison. La mère se justifiera en disant que depuis le divorce, l'enfant a adopté les attitudes déplaisantes de son père. Elle se sentira dépassée et démunie face à cet enfant.

Généralement, la mère n'est pas consciente que ce sont ses remarques et ses projections sur l'enfant, qui réveillent chez l'enfant une volonté de se conformer, de s'identifier au père. C'est la mère elle-même qui encourage un tel comportement chez son enfant.

- Il arrive que l'enfant soit rejeté à cause d'une grossesse difficile, d'un accouchement pénible ou d'une dépression après la naissance. Dans ces cas précis, la moindre difficulté dans le comportement de l'enfant, générera une colère et une attitude négative à son égard. L'enfant représente alors à ses yeux le souvenir de la souffrance qu'elle a vécue pendant cette période de sa vie.

- Ces sentiments négatifs peuvent s'aggraver si le conjoint n’arbore pas de la compréhension ni du soutien. Si le père, par exemple, juge et critique la mère pour son comportement hostile envers l'enfant, la mère, blessée, adoptera alors inconsciemment un comportement vengeur sur l'enfant. Pour compenser la situation, le père peu à peu va essayer de prendre la place affective de la mère, renforçant ainsi la colère et la vengeance chez celle-ci.

- L'expérience montre que les mères qui ont souffert d'une absence affective maternelle, ont des difficultés à prodiguer une affection qu'elles n'ont pas reçue, nous ne parlons pas ici bien sûr d'enfants orphelins.

En effet, pourquoi et comment donner à son enfant ce que le parent n'a jamais reçu ?

Chez ces mères-là, nous remarquons un caractère immature, très souvent, elles n'ont pas résolu leur conflit relationnel avec leur mère. Une partie d'entre elles vont chercher une image d'une mère qui les dédommagera, d'autres se bloqueront avec des sentiments ennemis envers leurs enfants qui leur demandent du dévouement. Les critiques de l'entourage pour réveiller ses devoirs de mère se finissent dans l'hostilité et l'amertume, et la mère se sent incomprise et désemparée.

D'autres mères de ce type essayent de développer leur maternité, mais il demeure chez ces mères souvent un sentiment de rejet vis-à-vis d’un enfant qui présente une difficulté particulière. Par exemple : des parents qui manquent de fermeté auront des difficultés avec une enfant autoritaire et déterminée. Il les renverra à leur faiblesse. La crise naît de l'enfant qui réclame des limites que les parents ne peuvent pas lui donner.

- Il se peut aussi que ce sentiment de répulsion vienne d'une divergence d'orientation. La mère est très intériorisée, la fille est préoccupée par son apparence, la mère traduira ce comportement par un manque de valeur profonde, et repoussera sa fille. Même si auparavant leurs rapports étaient sains, à présent, le conflit est là, et la fille l'animera d'autant plus.

Dépasser ces sentiments négatifs

1. Observations…

- La première année de vie de l'enfant est une année sensible pour tisser les liens mère/enfant. Quel que soit l'état de dépression souvent ressenti après un accouchement ou de maladie de la mère, il faut éviter de séparer la mère de l’enfant. Il est préférable d'utiliser une aide pour soutenir le parent, qui va l'encourager à passer la crise et à s'occuper de l'enfant.

Il ne faut pas laisser à la mère le sentiment qu'elle peut être remplacée.

- Le conjoint doit être tenu au courant de ces sentiments. Il doit certes établir un bon contact avec l'enfant, mais surtout ne pas exercer de surprotection.

- La difficulté demeure pour la fille qui ne peut pas développer son identité en l’absence de rapports sains avec sa mère. Une fille qui a vécu des sentiments hostiles, aura des difficultés à fonder un foyer.

Une fille peut, après une certaine maturité, comprendre sa mère et lui pardonner pour ses diverses attitudes, si la mère montre une volonté de rapprochement et de communication.

2. « Si tu crois qu'on peut endommager, crois qu'on peut [aussi] réparer. » clame Rabbi Na’hman de Breslev.

Cet article certes bouscule l’entendement, il vise à aider la mère à prendre connaissance de ce sentiment-là envers cet enfant précisément, son origine et à se libérer de cette hostilité pour élever son enfant d'une manière équilibrée. Il cherche aussi à obtenir de l’entourage une aide à cette prise de conscience, en particulier du père qui a occupé jusqu'à présent le rôle maternel, qui doit les aider à se rapprocher et à s'aimer.

L’amour qui ne va pas de soi génère des souffrances, les parents se sentent coupables et les enfants dévalorisés. Ces sentiments négatifs ne sont pas inévitables, si la personne concernée accepte de rencontrer une conseillère parentale ou un psychologue qui vont, sans la juger ou lui demander des comptes, la soutenir et l’aider à développer des relations parents/enfants stables et positives.

Avec l’aide du Ciel, et des efforts, ce travail thérapeutique renforcera l’estime de soi de la mère et l’aidera à construire des liens solides avec son enfant…