Forts de l’exemple de leur Patriarche Avraham, les Juifs se sont toujours illustrés par leur extraordinaire capacité à faire preuve d’abnégation dans l’accomplissement des Mitsvot, tel un fil conducteur tout au long de leur longue histoire. Passons en revue quelques exemples marquants.

Yossef en Égypte

Le récit de Yossef Hatsadik, s’il est bien connu, n’en reste pas moins un exemple parmi les plus édifiants de cette faculté appelée la Messirout Néfech.

Vendu par ses frères alors qu’il n’est qu’un jeune homme, arraché à son père bien-aimé et à sa patrie, Yossef se retrouve esclave pour le compte d’un dignitaire égyptien nommé Potiphar. L’épouse de ce dernier, une femme belle, riche et puissante, s’éprend de Yossef et tente par tous les moyens de le séduire. Son harcèlement comprend la persuasion et la menace, elle change de toilette plusieurs fois par jour pour le faire céder. Mais Yossef tient bon, héroïquement. L’image de son père face à lui, il ira jusqu’à accepter d’être faussement accusé par la femme puis jeté dans les geôles égyptiennes, le tout afin de ne pas fauter. Même au cours de son séjour de 12 ans en prison, la femme de Potiphar ne lâche pas prise ; elle lui rendra visite chaque jour, brandissant la promesse de le faire libérer si seulement il accepte de succomber à ses avances !

La fin de l’histoire est bien connue : Yossef ne cèdera pas, il finira par être libéré et élevé au rang de vice-roi d’Égypte.

Le glaive de Palti, gendre du roi Chaoul

Le roi Chaoul accorda la main de sa fille Mikhal à Palti Ben Laïch. Cependant, Mikhal avait déja auparavant contracté une union avec le roi David et avait donc un statut de femme mariée, ce qui la rendait interdite à Palti. Le roi Chaoul pensait à tort que l’acte de Kidouchin avec David n’était pas licite du point de vue de la loi juive (Sanhédrin 19b) ; c’est ainsi qu’il accorda un logement au nouveau couple. Palti, sachant que Mikhal lui était interdite, planta son glaive entre son lit et celui de Mikhal, symbolisant ainsi le châtiment qui s’abattrait sur lui s’il l’approchait. Palti ne transgressera jamais la loi et ce durant de nombreuses années, alors qu’il vivait continuellement avec Mikhal. C’est là la Messirout Néfech d’un couple afin de ne pas fauter.

Lorsque les jeunes d’Israël défièrent les Romains

Le Talmud dans le traité Guitin 57b rapporte qu’après la destruction du Second Temple, les Romains capturèrent 400 jeunes garçons et jeunes filles de grande beauté pour les envoyer à Rome, où ils seraient forcés de se livrer à la débauche. Ces jeunes gens, réalisant le sort qui les attendait, décidèrent de se jeter à la mer pour échapper à ce dessein, préférant la mort à la déchéance morale. Ils moururent en sanctifiant le Nom divin.

Sous le feu de l’Inquisition

Le décret de l’Alhambra, promulgué en 1492 par les monarques Ferdinand d’Aragon et Isabelle la Catholique, ordonne l’expulsion d’Espagne de tous les Juifs qui refusent de se convertir au christianisme. Préférant l’exil et l’abandon de leurs biens à la conversion forcée, environ 200 000 Juifs quitteront l'Espagne, laissant derrière eux une histoire millénaire de contribution à la culture, à l'économie et aux sciences. C’est la fin de l’âge d’or du judaïsme espagnol.

Plus tard, les Conversos (ceux qui avaient choisi de rester en épousant faussement le christianisme) sont de nouveau persécutés pour être restés fidèles secrètement à leur foi ; plusieurs récits rapportent les cas de ces Juifs menés au bûcher par les Inquisiteurs, se laissant mourir plutôt que d’abjurer publiquement leur judaïsme. Ce sont les tristement célèbres autodafés. 

Au nez et à la barbe des communistes

Plus récemment, le communisme, avec son cortège de persécutions religieuses étalées sur près d’un siècle, fut en même temps le théâtre d’actes d’un héroïsme inouï de Juifs qui furent prêts à se mettre en danger et même à mourir pour l’accomplissement des Mitsvot.

Rav Its’hak Zilber, dans son livre “Rester juif” paru en français, raconte par exemple comment envers et contre tout, il a réussi à observer le Chabbath et l’ensemble des Mitsvot dans l’enfer soviétique.

Les ‘Hassidé ‘Habad ont pour leur part bravé le danger de mort en continuant à pratiquer la Brit-Mila, à confectionner des Matsot de Pessa’h, à observer les lois de pureté familiale, etc.

Rav Ya’akov Galinsky fut déporté en Sibérie et y survécut miraculeusement, pour avoir bravé l’interdit d’enseigner la Torah.

Les prémices du Yichouv juif en Erets Israël

Le premier noyau de pionniers du Yichouv juif fut composé de certains des élèves du Ba’al Chem Tov et du Gaon de Vilna (XVIIIème siècle) qui, imprégnés des enseignements de leurs maîtres sur la primauté et la sainteté d’Erets Israël, décidèrent de s’installer en terre sainte malgré les innombrables difficultés qu’une telle entreprise impliquait.

En effet, de nombreux voyageurs firent le récit au cours des siècles de l’état avancé de désolation dans lequel la terre d’Israël était plongée ; le sol aride, la pauvreté, la famine, les épidémies régnaient en maîtres et rendaient quasi impossible toute tentative d’installation. Malgré cela, des groupes successifs de Juifs atteignirent Erets Israël depuis cette époque, faisant refleurir la vie spirituelle et matérielle par un labeur acharné et une abnégation hors normes. 

L’incroyable sacrifice de Lala Soulika

Au XIXème siècle vivait à Tanger au Maroc une jeune fille juive du nom de Soulika Hatchuel. Malgré son extrême pudeur, sa grande beauté lui attira les convoitises des Arabes qui tentèrent à plusieurs reprises de la convertir de force à l’Islam pour la marier avec l’un des leurs.

Soumise au chantage, à la persuasion, à la torture si elle refusait de céder, Lala Soulika resta pure et fidèle à sa foi, jusqu’à la fin de sa jeune vie. Elle mourut dans d’atroces souffrances en martyre à l’âge de 17 ans pour avoir refusé d’embrasser l’Islam, ce qui lui aurait permis d’avoir la vie sauve.

Le lieu de sa sépulture à Fez est vénéré aussi bien par les Juifs que par les non juifs, qui savent bien que leurs prières y seront exaucées.

Les Juifs de la Golden Medine

L’ouvrage “Le Patron avant tout” et bien d’autres témoignages rapportent les histoires récurrentes de ces Juifs d’Europe de l’Est fraîchement installés aux États-Unis - qu’ils avaient surnommés la Golden Medine - qui furent confrontés à d’innombrables épreuves spirituelles qu’il leur fallait relever. Ici, le jour de repos hebdomadaire était fixé au dimanche et il était hors de propos d’espérer se voir accorder un second jour d’absence des usines et bureaux des métropoles américaines !

Chaque semaine, le même dilemme se posait pour ces Juifs : abandonner le respect du Chabbath éternel au profit d’un gain temporaire ou bien respecter les commandements divins au péril de sa subsistance ? Si nombreux furent ceux qui hélas succombèrent, des centaines de cas de Juifs courageux qui tinrent bon malgré l’immense difficulté furent rapportés. Semaine après semaine, ils s’absentaient le jour du Chabbath pour se voir notifiés de leur licenciement dès le dimanche ; ils se mettaient alors en quête d’un nouveau travail jusqu’à ce que le même scénario se répète la semaine d’après…

Un Kippour de 3 jours

Hannah et Sarah Tessler sont deux sœurs ayant miraculeusement échappé à la mort à Auschwitz. Il n’en fut hélas pas de même de leurs parents et de leurs trois autres frères et sœurs, qui périrent dès leur arrivée dans le maudit camp.

Sarah raconte : “Nous travaillions à Birkenau, dans les crématoires. Un jour, nous entendîmes que Roch Hachana venait d’avoir lieu. ‘S’il en est ainsi, c’est bientôt Yom Kippour !’, pensâmes-nous. Mais quand ? Dans le camp, défense était faite aux prisonniers d’échanger le moindre mot entre eux et là-bas, ‘défense’ était synonyme de mort. Malgré tout, le désir d’observer le saint jour fut plus fort et nous parvînmes à convenir secrètement avec d’autres prisonniers qu’ils devaient nous prévenir le jour où Yom Kippour tombait.

Quelques jours plus tard, l’un d’eux me fit un signe, je compris que Yom Kippour tombait ce soir-là. Lors de la distribution quotidienne de pain, nous n’y touchâmes pas. Pourtant le lendemain, un autre prisonnier nous fit savoir qu’il y avait eu erreur et que visiblement Yom Kippour tombait plutôt ce même soir… Ce soir-là, comme la veille, nous nous abstînmes de toute nourriture.

Quelle ne fut pas notre consternation lorsque le lendemain, un autre prisonnier nous fit savoir que lui et ses compagnons s’étaient emmêlés dans leur décompte, et qu’il était possible que Yom Kippour ne tombe que ce soir-là ! Avec des forces qui ne nous appartenaient pas, nous observâmes donc trois longs jours de jeûne.

Selon la loi juive, nous n’étions pas tenues de jeûner, peut-être même nous était-il interdit de jeûner. Mais le désir profond de nous rattacher à notre identité et de triompher des monstres nazis était plus fort que tout…”

Les récits de Juifs ayant héroïquement observé le Chabbath, la Cacheroute, les fêtes au cœur même de l’enfer concentrationnaire sont innombrables.

Ouri Danino : Sauver des vies au péril de la sienne

Comme plusieurs de ses amis, Ouri Danino (25 ans) s’était lui aussi rendu au festival Supernova de Ré’im ce samedi 7 Octobre 2023. Lorsque les terroristes de Gaza débutent leur descente barbare sur les localités frontalières, Ouri et Tomer, l’un de ses amis, parviennent à s’extirper de la scène du massacre, chacun avec sa voiture.

Pourtant, vers 9h du matin, Tomer reçoit un message d’Ouri qui lui dit : “Fuis, moi je fais demi-tour pour aller sauver les autres”.

Ce sera son dernier message. Il s’avèrera qu’en retournant sur la scène du drame pour sauver les amis de Tomer, Ouri se fait tirer dessus puis est pris en otage par les terroristes. Après 11 longs mois passés en captivité, Ouri est lâchement abattu par ses ravisseurs en compagnie de 5 autres otages dans les tunnels de Gaza.

“Jusqu’au dernier moment, je croyais fermement qu’Ouri nous reviendrait vivant, j’imaginais déjà le repas de reconnaissance que nous organiserions, a raconté sa mère ‘Einav. Lorsque les amis de Tomer qu’Ouri a sauvés nous ont dit qu’à un certain moment ils ne l’avaient plus vu et qu’ils pensaient qu’il avait peut-être fui, j’ai tout de suite su qu’il avait été capturé. Impossible qu’Ouri ait fui et ait laissé ses amis en plan. Il ne les connaissait que depuis quelques heures certes, mais ce n’était pas dans son tempérament. Ouri a combattu jusqu’au bout, il a tenu 11 mois dans des conditions impossibles. C’est un héros”, conclut-elle.

Beaucoup d’autres récits datant du 7 octobre concernant des personnes ayant risqué leur vie pour sauver celle des autres nous sont parvenus et viennent à nouveau prouver l’incroyable faculté des enfants d’Israël à faire preuve d’abnégation pour sanctifier le Nom divin. Puisse leur souvenir être source de bénédiction et nous inspirer !

Rav Daniel Scemama & Elyssia Boukobza