L’époque moderne a vu disparaître l’esclavage du paysage social des nations. Ce changement n’a pas toujours été simple à obtenir, et il a parfois fallu se battre pour acquérir la liberté et l’égalité des droits pour tous. Bien qu’il existe encore dans le monde des formes modernes d’esclavage – comme le travail forcé chez des mineurs ou certaines servitudes domestiques, que l’on cherche aussi à faire disparaître – on ne trouve plus aujourd’hui de ventes ni de marchés d’esclaves comme cela existait dans les temps anciens.
La liberté est devenue une valeur sacrée, un principe fondamental sur lequel repose toute société moderne. Mais au nom de cette liberté, on se permet parfois d’empiéter sur le domaine d’autrui, ou sur ses croyances, la frontière étant parfois très mince. Et si, dans l’ensemble, la notion de liberté a été ancrée dans les consciences, il ne s’agit en réalité que d’une liberté physique. En ce qui concerne celle de l’esprit, aucun véritable progrès n’a été accompli. Au contraire, on a régressé.
Nous restons soumis, constamment, à des pressions sociales, médiatiques ou culturelles qui dictent notre manière d’être, de penser, d’agir – et dont il est très difficile de se détacher. L’exemple le plus frappant est celui des réseaux sociaux, qui entraînent avec eux des populations entières vers des idées et des modèles présentés de manière subtile et persuasive. Toute la publicité moderne repose sur ce principe : en présentant un produit de manière astucieuse et répétée, on finit par convaincre l’observateur qu’il a absolument besoin de l’acquérir. Quant à la mode, elle nous impose ses critères, ses formes, ses diktats. Et nous voilà tous affublés du même type de lunettes ou du même style de pantalon, sans même prendre le temps du recul.
Plus grave encore : la société moderne a engendré des dépendances qui emprisonnent l’être humain, parfois de façon invisible. Jeux d’argent, drogues, débauche… autant de pièges dans lesquels tombent des hommes et des femmes jusqu’à perdre tout libre arbitre. Et depuis peu, l’emprise des smartphones a ajouté une nouvelle forme d’aliénation, virtuelle celle-là, mais non moins puissante : elle capte notre attention, accapare notre intérêt, grignote notre temps, et finit par nous détourner de l’essentiel.
Lorsque les Hébreux sortirent d’Égypte, ils accédèrent à la liberté. Mais cet évènement n’était pas seulement l’affranchissement d’un esclavage physique. Il signifiait bien plus : c’était une libération totale, y compris de l’influence d’une civilisation égyptienne alors à son apogée. Une civilisation puissante, brillante, mais profondément immorale et idolâtre, qui avait peu à peu absorbé l’identité des Bné Israël. À tel point que la plupart avaient cessé de pratiquer la Brit Mila, car cette pratique était considérée comme honteuse en Égypte. Les textes rapportent qu’ils étaient descendus au 49ème degré d’impureté spirituelle – le 50ème représentant un point de non-retour.
Chaque année, à Pessa’h, nous commémorons ce miracle fondateur : la sortie d’Égypte. Et même dans les périodes les plus sombres de notre histoire, alors que nos ancêtres vivaient des épreuves peut-être encore plus difficiles que celles d’Égypte, ils ont tenu à respecter cette fête. Car ce qu’ils ont reçu en héritage à ce moment-là, ce n’est pas seulement une liberté extérieure, mais une libération intérieure : celle de l’esprit et de l’âme. Une liberté précieuse, éternelle, et bien plus difficile à acquérir.
À l’approche de Pessa’h, sachons profiter de ces jours pour resserrer nos liens familiaux, mais aussi pour nous reconnecter à notre liberté essentielle : celle de l’esprit.
Pessa’h Cachère Vésaméa’h