Pessa’h approche à grands pas et nous nous trouvons tous affairés aux préparatifs de cette fête (achats, ménage, organisation du Séder), et aussi plongés dans l’étude de ses nombreuses lois. Étonnamment, dans le Choul’han ‘Aroukh (le code de lois juif), les lois de Pessa’h débutent par la nécessité pour chacun de subvenir aux besoins des indigents pour la fête (Kim’ha Dépiss’ha), détail relevant l’aspect essentiel de cette Mitsva. De même, nous mentionnons au début du récit de la Haggada que nous invitons toute personne dans le besoin à s’associer à notre table. Il y a donc dans ce bienfait quelque chose de fondamental associé à l’esprit de Pessa’h, dont il nous incombe de comprendre les raisons.
L’histoire du peuple juif commence en Égypte où il subit un pénible esclavage dont il sera libéré par l’intervention miraculeuse de l’Éternel. De cette expérience, les Hébreux sortiront marqués et grandis à tout jamais. Ils apprendront entre autres à témoigner de la compassion envers les personnes souffrantes telles que les pauvres ou les prosélytes. C’est ainsi que la Torah nous ordonne : “Tu ne vexeras point l’étranger ; vous connaissez le cœur de l’étranger, car vous étiez vous-mêmes étrangers dans le pays d’Égypte” (Chémot 23, 9).
Lorsque les Bné Israël vont recevoir la Torah, ils vont s’élever par sa sagesse et devenir une nation de prêtres. Lorsque l’on plante un arbre, il est nécessaire de s’assurer dès le départ qu’il pousse bien droit ; ainsi en est-il pour le peuple juif : il fallait que ses fondements soient solides et lui permettent de s’élever parfaitement. Ces fondements sont en réalité les valeurs humaines et la sensibilité envers toute personne qui souffre ou qui est en difficulté. L’expérience d’esclaves en terre d’Égypte des Hébreux va forger leur caractère et leur permettre d’acquérir ces qualités. C’est pourquoi nous aussi, chaque année, avant même de commémorer notre liberté et notre élection, il nous est nécessaire de nous préoccuper des indigents.
Dans le même esprit, le ‘Hafets ‘Haïm conseillait à ceux qui souhaitaient fonder des institutions talmudiques de s’occuper en parallèle de bienfaisance, ce qui allait servir de “garantie” pour la réussite du projet-mère. C’est ainsi que le Rav Yossef Kahaneman, directeur de la fameuse Yéchiva de Poniewicz, refusa de fermer l’orphelinat qu’il avait ouvert après-guerre, bien que le poids financier de cette institution l’empêchait de pouvoir assumer celui de sa Yéchiva. Il avait conscience que c’est grâce à ce ‘Hessed qu’il pouvait obtenir le soutien providentiel pour sa Yéchiva.
Dans ce même orphelinat, était une fois arrivé un adolescent rescapé des camps de la mort, qui refusa de se doucher et dormait vêtu de ses habits souillés. Il raconta que durant la Shoah, il s’était une fois déchaussé et dévêtu pour dormir et n’avait plus jamais retrouvé ses biens. Personne ne parvenait à le raisonner, jusqu'à ce que le ‘Hazon Ich, le grand Maître de la génération, vienne en personne lui surveiller ses affaires pendant la douche et se charge aussi de les lui laver ! Lorsque l’on sait combien ce grand Rav était affairé à étudier et à répondre aux très nombreuses personnes qui venaient le consulter, on réalise qu’il s’agissait véritablement d’un acte de bonté incroyable, qui s’inscrit lui aussi dans la conception juive selon laquelle toute élévation spirituelle doit être accompagnée de ‘Hessed.
À la veille de Pessa’h, ce sera donc avec un petit acte de générosité que l’on abordera cette grande fête, de laquelle on puisera la Émouna qui nous accompagnera toute l’année !