Un fils appelle sa mère juive, et lui demande :
- Maman, comment vas-tu ?
- Ca va mon fils, ca va, enfin je me sens un peu faible…
- Pourquoi maman ?
- En fait, cela fait 23 jours que je n’ai pas mangé !
- 23 jours ! Mais c’est incroyable ! Mais pourquoi ?
- Je ne voulais pas avoir la bouche pleine au cas où tu appelles…
La Paracha Ki-Tissa poursuit la description des règles propres au Michkan, et nous présente ensuite l’ascension de Moché sur le mont Sinaï pour recevoir les tables de la Loi. Cette étape vient ainsi compléter les dix paroles transmises un peu plus tôt à l’ensemble du peuple, et confirmer la relation exceptionnelle unissant les enfants d’Israël à Hachem.
Pourtant, durant ces instants d’une sainteté exceptionnelle, un évènement dramatique va se produire, et il paraît totalement incompréhensible tant il rompt avec l’élévation spirituelle que le peuple semblait avoir atteint. Il s’agit bien sûr de l’épisode du veau d’or qui avait été exigé par une partie du peuple.
Examinons brièvement dans quelles conditions cette initiative a été prise. Moché avait annoncé au peuple qu’il s’absenterait durant 40 jours afin de monter sur le mont Sinaï et y recevoir les tables de la Loi. Toutefois, impatient de revoir leur chef spirituel, le peuple fit le décompte des jours et une fois arrivé à 40, ils constatèrent que Moché n’était toujours pas revenu. Ils furent alors pris d’un doute terrible sur ce qui lui était arrivé. Rachi explique ensuite le raisonnement que fit une partie des enfants d’Israël :
Moché tardait (Bochéch) à descendre : (…) Lorsque Moché monta sur la montagne, il leur avait annoncé : « Je serai de retour après 40 jours, dans les 6 premières heures. » Mais ils croyaient que le jour de son ascension faisait partie du décompte. Or, il avait parlé de journées complètes, à savoir 40 jours avec les nuits qui les précédaient. La nuit qui a précédé le jour où il est monté, à savoir le 7 Sivan, n’en faisait pas partie, de sorte que le 40ème jour tombait le 17 Tamouz. Le 16 de ce mois, le Satan est venu semer la confusion dans le monde en donnant à ce dernier l’apparence de ténèbres, d’obscurité, de brume et de désordre, à un point tel qu’ils se sont dit : « Moché est sûrement mort pour que le monde soit ainsi bouleversé ! » Le Satan leur a alors annoncé : « Moché est mort puisque 6 heures se sont écoulées et qu’il n’est pas arrivé… » C’est ce que nous enseigne le traité Chabbath (89a). (…)
Ce commentaire de Rachi est particulièrement intéressant dans la mesure où il nous rappelle de manière claire et très efficace la façon d’agir du Yétser Hara' (mauvais penchant). Il commence généralement par s’appuyer sur un doute qui naît dans l’esprit de l’homme, ce qui constitue sa première porte d’entrée. Fragilisé par ce questionnement intérieur, l’homme devient vulnérable aux assauts du Yétser Hara' qui transformera ce doute initial en un sentiment d’obscurité profond.
Toutes les certitudes sur lesquelles l’homme a bâti sa vie semblent alors se dérober sous ses pieds, et il devient une proie de choix pour le mauvais penchant. Rav Dessler explique que le Yétser Hara' agit ainsi progressivement dans le cœur de l’homme, à partir d’une première brèche liée au manque d’Emouna (foi), au doute ou encore à l’inquiétude illégitime.
La tradition juive insiste beaucoup sur les dangers du doute qui peut s’emparer de l’homme dans sa vie spirituelle. Nos Sages enseignent en effet que le doute (Safek en hébreu) est intimement lié à Amalek, l’ennemi éternel du peuple juif, qui l’attaque en commençant par le faire douter de sa relation avec Hachem.
Les mots Safek et Amalek partagent ainsi la même valeur numérique, comme le font remarquer nos Sages. Le doute a ceci de dangereux qu’il déstabilise l’homme psychologiquement, le prive de son apaisement et de son Yichouv Hadaat (la capacité d’avoir un esprit posé) nécessaires pour examiner les évènements de la vie avec discernement et intelligence. Le doute bouscule l’esprit de l’homme, le fait trébucher et l’entraîne ensuite dans des épreuves dans lesquelles il n’aurait jamais pu imaginer qu’il succomberait.
Lors de l’épisode de la bataille entre Amalek et le peuple juif dans le désert, le texte de Dévarim (Deutéronome) enseigne qu’Amalek attaqua les Bné Israël par surprise, que l’on traduit en hébreu par « Karékha », et dont la racine est le mot « Kar » signifiant refroidir. Et Rachi d’expliquer qu’effectivement, la méthode du Yétser Hara' est bien souvent de « refroidir » l’élan et la dynamique spirituels des enfants d’Israël en s’appuyant sur la force du doute.
A cet égard, nos Sages enseignent dans le Talmud : « Tout est entre les mains de D.ieu sauf le sentiment de froid et de chaud ». Au-delà de l’interprétation du sens simple invitant chacun à prendre les précautions qui s’imposent pour ne pas être victime des variations de température, les commentateurs y voient une allusion à l’action du mauvais penchant et à la responsabilité de l’homme.
En effet, l’une des stratégies privilégiées du Satan, comme nous l’avons vu, est d’essayer de refroidir l’homme dans ses bonnes intentions, parfois en l’invitant à relativiser l’importance des bonnes actions, d’autres fois en lui conseillant de temporiser puis de reporter l’accomplissement des Mitsvot…
Inversement, lorsque l’homme est confronté à une tentation contraire à l’esprit de la Torah, D.ieu nous en préserve, le mauvais penchant l’incite à s’empresser de suivre ses pulsions. Il lui suggère que ce n’est pas si grave et finalement, il le « réchauffe » avec force pour accomplir son désir sans délai.
La sentence talmudique précitée nous enseigne donc qu’il est de la responsabilité de l’homme de lutter contre ces sentiments de chaud et de froid qu’il peut rencontrer dans sa vie spirituelle. Evidemment, ce n’est pas un travail facile, mais l’homme a la possibilité de triompher de cette épreuve en se souvenant que « D.ieu a créé le remède avant le mal », et que la Torah a été donnée à l’homme précisément pour lui donner la force de lutter contre les stratagèmes du Satan.
C’est aussi la raison pour laquelle seule une minorité du peuple se compromit par la faute du veau d’or. Tous ceux qui étaient avec Hachem ont réussi à triompher de l’épreuve et se sont ralliés à Moché dès son retour au camp.
Comme le rapporte Rav E. Munk, cet épisode recèle une profonde vertu pédagogique pour le peuple car cela lui enseigne non seulement le danger mortifère du doute et du scepticisme, mais aussi la grandeur de la fidélité et de la confiance en Hachem permettant de faire échec aux supercheries du Yétser Hara'. C’est ainsi que Rabbi Yéhochoua ben Lévi peut enseigner dans le traité 'Avoda Zara' : « Les Juifs étaient incapables d’adorer un veau. S’il fut néanmoins érigé en idole, c’est pour montrer la voie qui mène à D.ieu, à tous ceux qui la recherchent ».
Rosenblum est un avocat brillant, mais ce matin un dossier extrêmement complexe se présente à lui. Il ne trouve aucun argument pour essayer d’acquitter son client, accusé d’avoir volé puis saccagé une voiture de luxe.
Il commence sa plaidoirie sur l’absence de preuves formelles de la culpabilité de son client. Puis s’interrompt avant de poursuivre : « Il y a si peu de preuves Messieurs les jurés que vous allez voir dans quelques secondes la voiture prétendument saccagée se garer devant le tribunal ! »
Tous les jurés tournent la tête vers la baie vitrée et attendent la fameuse voiture. Au bout d’une longue minute d’attente, ils se retournent vers l’avocat, et ce dernier de reprendre :
« Vous voyez, vous êtes si peu convaincus, vous doutez tellement de la culpabilité de mon client que vous vous êtes retournés et attendiez de voir la voiture ! »
Finalement, l’accusé est condamné à l’unanimité.
L’avocat s’emporte :« Comment avez-vous pu le condamner alors que vous aviez un si gros doute que vous vous êtes tous retournés vers la fenêtre ! »
« Oui, nous avons douté, et nous nous sommes retournés, reprend le président du jury, mais votre client, lui, ne s’est pas retourné ! » (J. Bobker, Torah with a twist of humor).