Un père de famille, avançant en âge, rassemble ses enfants autour de lui et leur donne quelques grands conseils de vie.
« Vous savez les enfants, cela fait 58 ans que votre mère et moi vivons heureux et paisibles ! »
« Comme on vous admire ! Comment avez-vous réussi un tel exploit ? »
« C’est assez simple. En tant que chef de famille, l’homme doit s’efforcer de prendre en main toutes les questions lourdes et difficiles, et les trancher rapidement ! »
« Vraiment ? Et ça fonctionne bien comme ça ? »
« Oui, bien sûr ! Mais, je dois dire que je suis chanceux, durant ces 58 premières années, je n’ai jamais été confronté à des questions lourdes et difficiles ! »
Nous voici donc au terme du livre de la Genèse et des pérégrinations des patriarches. Au crépuscule de sa vie sur terre, Ya'acov décide de réunir ses enfants afin de les bénir et de leur donner quelques ultimes recommandations. Le premier enfant à se présenter est Yossef, qui vient au chevet de son père avec ses deux fils, Ephraïm et Ménaché.
La première recommandation de Ya'acov à Yossef concerne sa sépulture. Il lui demande en effet de jurer qu’il ne sera pas enseveli en Égypte après sa mort, mais que ses fils le ramèneront en Erets Israël, à ‘Hévron, dans la caverne de Makhpéla où sont déjà ensevelis les autres patriarches.
Yossef promet d’exécuter la volonté de son père. Suite à cela, le texte évoque le fait que Ya'acov, déjà bien fatigué, s’est alors prosterné à la tête de son lit. Rachi donne l’explication suivante :
À la tête du lit (ch. 47.31) : Il s’est tourné vers la Chékhina. On apprend de là que la Chékhina se trouve au-dessus de la tête d’un malade (Nédarim 40b). (…)
Ce verset nous enseigne ainsi l’importance des égards dus aux malades, et notamment la Mitsva de « Bikour ‘Holim », c’est-à-dire rendre visite aux malades. En effet, le verset nous indique ainsi que Ya'acov s’est prosterné à la tête du lit car la Chékhina est présente au-dessus du malade et l’accompagne.
Voilà pourquoi nos Sages enseignent également qu’il est important que le malade prie pour lui-même, car il est entouré par la Présence divine et ses prières ont une résonnance particulière. De même, il est bon que celui qui rend visite à un malade prie pour son rétablissement car là encore, il bénéficie de la proximité de la Chékhina.
Cette Présence divine aux côtés du malade a même des conséquences concrètes pour ceux qui rendent visite aux malades : ils doivent ainsi s’habiller de la même façon que lorsqu’ils se rendent à la synagogue, puisqu’ils vont à la rencontre de la Chékhina.
De même, les visiteurs doivent veiller à ne pas s’asseoir à la tête du lit du malade. Théoriquement, ils devraient même s’asseoir par terre pour ne pas être au-dessus de la Chékhina, mais pour des raisons de commodité, on prend généralement une chaise à côté du malade.
Le soutien que l’on apporte aux malades en leur rendant visite est inestimable. Une Guémara enseigne ainsi qu’un élève de Rabbi 'Akiva était malade et qu’il n’avait reçu aucune visite. Rabbi 'Akiva se rendit donc lui-même chez son élève et nettoya son appartement. L’élève s’exclama :
« Rabbi, vous m’avez redonné la vie ! » Rabbi Akiva lui répondit : « Celui qui ne rend pas visite à un malade, c’est comme s’il le tuait ». En effet, la sollicitude que manifeste l’entourage donne de la force au malade et contrebalance le sentiment de vulnérabilité qu’il ressent.
Toutefois, pour prendre la pleine mesure de ce commentaire de Rachi ainsi que sa véritable profondeur, il convient de s’intéresser à la notion de « Chékhina », la Présence divine, qui est évoquée ici.
Dans son commentaire sur la Paracha Noa’h, le Rav Chimchon Raphaël Hirsch commente longuement cette notion de Chékhina, et il rappelle fort opportunément que la vocation de la Torah n’est pas d’extraire l’homme du monde, mais de faire de ce monde une résidence pour Hachem (« Ikar Chékhina Ta'htonim », l’essence de la Chékhina est de résider dans le monde »), à l’image du temple qui avait pour vocation de « permettre » à D.ieu de résider parmi les hommes (« Vous Me ferez un sanctuaire et Je résiderai parmi vous »).
Faire de ce monde une demeure pour Hachem suppose d’aménager la vie de l’homme pour laisser de la place à D.ieu, et pour limiter sa volonté de conquête et de jouissance. En effet, l’homme est parfois ivre de son sentiment de pouvoir et de maîtrise du cours de sa vie. Il peut aussi avoir la tentation d’orienter sa vie selon un principe de jouissance et de plaisir. Or, ces sentiments font précisément obstacle à la présence de D.ieu sur terre, car l’homme et ses désirs occupent tout l’espace.
À l’inverse, celui qui parvient à mettre une limite à son désir et à son sentiment de jouissance pour accueillir le désir de l’autre est capable de s’ouvrir à autre chose que lui-même, et notamment à la Présence divine (Rav C. Spingarn).
C’est ainsi que nos Sages enseignent : « Si l’homme et sa femme sont méritants, la Chékhina réside parmi eux ». À partir du moment où l’homme et la femme savent limiter leur volonté et leurs désirs, ils peuvent s’ouvrir à l’autre et donc accueillir la Chékhina.
Nous comprenons alors le sens de la présence de la Chékhina à la tête du lit du malade. En effet, le malade éprouve un profond sentiment de vulnérabilité. Il perçoit mieux que quiconque qu’il est au bout de ses limites, que toute sa puissance supposée du temps de sa splendeur ainsi que toute sa richesse n’étaient qu’un leurre, et qu’elles ne lui apportent aucun réconfort durant la maladie.
Cet ébranlement de l’être ouvre l’homme à la présence de D.ieu. Elle peut donc résider auprès de lui, et les prières qui sortent de son cœur brisé ont un impact très fort.
Voilà pourquoi la Mitsva de Bikour ‘Holim est si importante. Elle permet à l’homme de percevoir des moments de vérité où l’homme est face à lui-même, et où les futilités qui le divertissent et l’éloignent de l’essentiel sont balayées. L’homme peut alors y trouver l’énergie de réorienter sa vie vers davantage de sincérité et de proximité envers Hachem.
Puisse Hachem donner à tout le Klal Israël une excellente santé afin que nous puissions Le servir de la meilleure façon possible, dans une quête d’authenticité et avec un sentiment de gratitude pour tout le bien qu’Il nous donne, ainsi que pour tous les moments précieux de bonne santé.
Trois Rabbins discutent entre eux et partagent leur vision des hommages qu’ils souhaiteraient recevoir lorsqu’ils rejoindront le Gan Eden.
« Moi j’aimerais que les gens disent « Quel modèle d’érudit et d’homme de Torah ! » dit le premier.
« Moi, j’espère que mes proches disent : « Quel fils, mari, et père exemplaire ! » concède le deuxième.
Puis vient le tour du troisième qui hésite et dit « Moi, j’aimerais que les gens disent… « Oh, regardez, il vient d’ouvrir les yeux et se relève. »