« Et si ton frère devient pauvre, et que sa main décline auprès de toi, tu le soutiendras – étranger ou résident, il vivra avec toi. Ne prends de lui ni intérêt (Néchekh) ni usure (Tarbit), tu craindras ton D.ieu et que vive ton frère avec toi ! » (Vayikra 25,35-36)

La Torah répète l’interdit de prêter ou d’emprunter avec intérêt, quand la transaction est faite avec un autre Juif. À première vue, on n’aurait pas pensé que le Ribbit fasse partie des fautes les plus graves, comme le meurtre ou le vol. Mais ’Hazal et les commentateurs sont très sévères à ce sujet. Le prophète Yé’hezkel avertit[1] que celui qui prêterait avec intérêt ne vivrait pas. Le Malbim explique qu’il ne vivra pas dans le monde futur.

’Hazal vont plus loin. La Guémara[2] décrit la fameuse prophétie de Yé’hezkel, quand il fit ressusciter des gens ayant commis de très graves fautes ou n’ayant pas eu le mérite d’accomplir des Mitsvot. Le Pirké Dérabbi Eliézer[3] précise que le prophète put ressusciter tout le monde, à l’exception d’un homme. Quand il demanda pourquoi cet individu ne pouvait pas revivre, on lui répondit que c’était à cause de ses prêts avec intérêt.

L’histoire suivante nous montre à quel point les Guédolim prirent ce principe au sérieux. Les autorités municipales demandèrent une fois à Rabbi Akiva Iguer pourquoi la ’Hevra Kadicha (société qui s’occupe des enterrements) avait fait payer aux membres d’une riche famille une très grosse somme pour enterrer le père de famille. Il répondit que les Juifs croient en la résurrection des morts et que leur sépulture n’est donc que temporaire. Mais, le défunt ayant prêté avec intérêt toute sa vie durant, il n’allait pas revivre. Son tombeau était permanent et donc plus coûteux !

Pourquoi seule cette faute entraîne-t-elle une conséquence si grave ? Celui qui vient demander un prêt se trouve dans une situation désespérée, l’aider revient à « lui redonner vie », comme le verset l’affirme : « Il vivra avec toi » — c’est-à-dire qu’il sera en mesure de pourvoir à ses besoins. Mais quand on lui prête avec intérêt, on ne le sauve pas, étant donné qu’il devra ensuite rembourser plus que la somme empruntée. Ainsi, mesure pour mesure, le prêteur ne méritera pas la vie lors de la résurrection des morts, parce qu’il n’a pas donné la vie à ce pauvre[4].

Cette réponse semble logique, mais elle ne suffit pas. En effet, plusieurs autres Mitsvot enjoignent d’aider l’indigent (comme la Tsédaka [charité], l’hospitalité, et autres formes de ’Hessed), mais dans aucun de ces cas, celui qui s’empêche d’aider le pauvre en refusant d’accomplir ces commandements n’est puni si sévèrement.

Quand on prête avec intérêt, c’est pire que de ne pas du tout aider le pauvre, parce que l’on empire sa situation on intensifie son « manque de vie ». D’où le mot Néchekh, qui signifie littéralement « morsure ». Quand on emprunte avec intérêt, le préjudice du Ribbit ressemble à la morsure d’un serpent. Celle-ci grossit et s’étend dans tout le corps, elle est très nuisible.

Par ailleurs, le Torat Kohanim[5] affirme : « Quand Hachem fit sortir le peuple juif d’Égypte, Il dit : "Je vous libère à condition que vous ne prêtiez pas intérêt." » Pourquoi fit-Il dépendre la sortie d’Égypte du prêt avec intérêt ? Le Noda Biyéhouda[6] répond que le but ultime de la sortie d’Égypte et de l’entrée en Erets Israël n’était pas le profit des Bné Israël dans le Olam Hazé, mais leur résurrection. La Guémara[7] affirme que celui qui ne meurt pas en Erets Israël souffrira lors de la résurrection des morts, parce qu’il devra rouler jusqu’à la Terre sainte, depuis son lieu de sépulture. C’est la raison pour laquelle Yaacov Avinou insista pour être enterré en Erets Israël. Tout ceci s’applique pour celui qui est digne de résurrection, mais pas pour celui qui prête avec intérêt. De ce fait, ce dernier n’a pas de raison de sortir d’Égypte et d’entrer en Erets Israël, puisqu’il ne méritera pas de revivre, de toutes les façons.

Ainsi, le Ribbit est sanctionné si durement parce que cela revient à causer un tort à quelqu’un qui se trouve déjà dans une situation misérable. Nous devons donc être particulièrement vigilants quant à l’étude et au respect des lois de Ribbit.

Cette idée peut s’appliquer à différents domaines de la vie. Par exemple, si quelqu’un s’engage à donner une certaine somme à un nécessiteux ou à une personne récoltant des fonds pour une noble cause. C’est bien sûr une grande Mitsva, mais parfois l’engagement n’est pas tenu tout de suite et quand la personne qui doit recevoir l’argent revient à la charge, le donateur ne lui répond pas. Ceci peut générer une grande angoisse, plus grande encore que s’il ne s’était pas engagé du tout. Idem pour les autres sortes de ’Hessed – il faut veiller à ne pas causer plus de souffrance à la personne qui est déjà dans le besoin.

Puissions-nous mériter d’appliquer les enseignements du Ribbit à tous les domaines de la vie.

 

[1] Yé’hezkel 18,13

[2] Sanhédrin 92b.

[3] Pirké Dérabbi Eliézer, chap. 32.

[4] Voir Ahavat ’Hessed du ’Hafets ’Haïm, 2ème partie, chapitre 16.

[5] Torat Kohanim, Béhar, Paracha 5, Oth 3, Siman 76.

[6] Ahavat Tsion, Darouch 8.

[7] Kétouvot 111a.