« Un homme ne lésera pas son semblable ; tu craindras D.ieu, car Je suis Hachem votre D.ieu. » (Vayikra 25,17)
Rachi explique, sur les mots « Vélo Tonou » : La Torah nous met en garde contre la Ona'at Dévarim – le fait d’offenser son prochain ou de lui donner un conseil qui ne lui sera pas bénéfique.
La Torah nous interdit d’affliger notre prochain. Cela inclut l’offense verbale ou tout autre dommage. Rav Yéhouda estime qu’il est donc interdit de regarder longuement un article dans un magasin, comme si l’on voulait l’acheter, parce que cela donne au vendeur l’espoir vain d’une vente. Quand on pense à la Ona'at Dévarim, ce sont des exemples bien plus flagrants qui nous viennent à l’esprit – de véritables offenses que l’on inflige à autrui, comme une insulte ou une moquerie. La Guémara montre qu’il faut développer une sensibilité bien plus grande à la douleur causée à notre semblable.
L’histoire suivante montre jusqu’où il convient d’aller pour éviter de causer de la peine à son prochain. Rav Moché ’Hevroni (le Roch Yéchiva de ’Hévron qui était également un neveu de Rav Isser Zalman Meltzer) raconta cette anecdote lors d’un Hesped qu’il fit sur son oncle. Durant la Guerre d’Indépendance, il y avait un couvre-feu très strict à Jérusalem. Il était interdit de quitter son domicile de six heures du soir à six heures du matin. Toute personne que l’on voyait dehors était soupçonnée d’espionnage et était susceptible d’être arrêtée, voire fusillée. Une nuit, Rav ’Hevroni entendit frapper à sa porte ; ce n’était nul autre que le Rav Meltzer. Qu’est-ce qui avait poussé son oncle à risquer sa vie, si tard dans la nuit ?
Ce dernier fit un grand sourire et le rassura en lui affirmant qu’il n’avait rien à craindre. Il était venu, parce qu’il n’arrivait pas à comprendre un passage du Rambam et il pensait que le Rav ’Hevroni pourrait l’aider à l’expliquer. Celui-ci réalisa alors l’amour exceptionnel du Rav Meltzer pour la Torah et il proposa une réponse qui satisfit son oncle. Rav Meltzer resta chez son neveu jusqu’à la fin du couvre-feu, continuant à étudier durant toute la nuit, puis il rentra chez lui. Rav ’Hevroni raconta cette histoire pour montrer l’immense amour de son oncle pour la Torah. C’était exact, bien sûr, mais le Rav Meltzer avait entrepris ce déplacement périlleux pour une tout autre raison.
Il écrivit une très grande série de livres sur le Rambam (Even Haézer). Un soir, après une longue période de préparatifs, il fut fin prêt à publier le dernier volume et à l’apporter à l’imprimeur dès le lendemain matin. Soudain, il expliqua à sa femme qu’il ne pourrait pas l’imprimer le lendemain. En réponse à son étonnement, il lui dit : « Mon Séfer comprend une question posée par mon beau-frère, Rav Avraham Cohen (Roch Yéchiva de ’Hévron). Et la réponse à cette question est fournie par le gendre de mon beau-frère, Rav Yé’hezkel Sarna (un autre Roch Yéchiva de ’Hévron). Je viens de réaliser que mon neveu, Rav Moché ’Hevroni n’est pas mentionné dans le Séfer. Je crains qu’en publiant le livre tel quel, ses petits-enfants me demandent : "Comment se fait-il que notre grand-père soit le seul Roch Yéchiva de ’Hévron à ne pas être mentionné dans ton Séfer ?" Cela risque de lui faire de la peine. Même si une seule personne ressent un malaise à cause de mon Séfer, je ne veux pas l’imprimer ! Mieux vaut le mettre dans la Guéniza que de provoquer une telle offense. »
Rav Isser Zalman eut soudain une idée. Il avait une question sur le Rambam, et il avait dix réponses possibles à la question. Il décida d’aller chez son neveu en plein couvre-feu pour lui poser la question. « C’est un grand érudit, argua-t-il. Il trouvera certainement une autre réponse à la question, que je pourrai ajouter dans mon livre ! » C’est ainsi qu’il courut chez Rav ’Hevroni, posa sa question et écouta la réponse. Le lendemain matin, il revint chez lui et écrivit la réponse de son cher neveu !
Nous pouvons tirer plusieurs leçons de cette incroyable histoire. Tout d’abord, même la grande Mitsva de publier un nouveau livre de Torah ne vaut pas la peine d’être accomplie si elle provoque une offense à un autre Juif, quand bien même cette offense s’avère minime.
Deuxièmement, le niveau extrême de sensibilité de Rav Meltzer nous montre le souci qu’il eut de ce qui aurait pu arriver de nombreuses années plus tard. Cela nous apprend à considérer les conséquences de nos paroles ou actions – chacun à son niveau. Par exemple, si l’on parle à quelqu’un qui a une faiblesse dans un domaine ou qui souffre d’une quelconque manière, il convient d’éviter d’évoquer le succès d’autres personnes dans ce domaine, car cela engendrera une certaine douleur à notre interlocuteur.
Puissions-nous tous mériter d’imiter d’une manière ou d’une autre le souci de Rav Meltzer d’éviter de causer de la peine à notre prochain.