« Hachem dit à Moché : "Lève-toi de bon matin et présente-toi devant Pharaon. Tu lui diras : "Ainsi a parlé Hachem, le D.ieu des Juifs : ‘Renvoie Mon peuple et qu’ils Me servent ! Car cette fois-ci, J’envoie toutes Mes plaies vers ton cœur et contre tes serviteurs et contre ton peuple, de manière que tu saches qu’il n’y a pas comme Moi dans toute la terre'." » (Chémot 9, 13-14)
« Hachem dit à Moché : "Viens vers Pharaon ! Car J’ai alourdi son cœur et le cœur de ses serviteurs, afin que Je place Mes signes-là en son sein. Et afin que tu relates aux oreilles de ton fils et du fils de ton fils comme Je me suis joué de l’Égypte, et Mes signes que J’ai mis en eux ; vous saurez que Je suis Hachem." » (Chémot 10,1-2)
Au début de la Paracha, Hachem dit à Moché que les trois plaies restantes montreront aux Juifs et à leurs descendants qu’Il s’est joué de l’Égypte, afin qu’ils Le reconnaissent et qu’ils voient Sa grandeur et Sa force illimitée. Mais à maintes reprises, dans la Paracha de la semaine dernière, Moché dit à Pharaon que les Plaies avaient pour but que ce dernier reconnaisse Hachem[1]. Pourquoi l’objectif des Plaies a-t-il subitement changé ?
Posons tout d’abord une autre question, plus fondamentale – quel fut le but de la sortie d’Égypte ? Il parait évident que c’était la libération du peuple juif et le don de la Torah, suivi par l’entrée des Bné Israël en Terre Sainte. Cependant, il y en avait un autre – celui d’enseigner au monde l’existence d’un D. unique et tout puissant. Jusqu’alors, toutes les autres nations étaient polythéistes. Chaque peuple servait une autre divinité, pensant que les différents cultes s’opposaient les uns aux autres et sachant que ces dieux n’étaient pas des exemples de moralité, mais seulement des êtres plus puissants. Aussi, les relations entre les hommes et leurs divinités n’étaient pas basées sur une quelconque proximité ou sur l’amour, mais elles étaient plutôt une façon d’« acheter » leurs faveurs et éviter leurs colères et leurs pouvoirs maléfiques.
Quand Hachem envoya Moché parler à Pharaon, ce n’était pas seulement pour que le peuple juif soit libéré, ni seulement pour que Pharaon voie que le D.ieu des Juifs les protège, mais plutôt pour montrer à Pharaon que sa conception de la divinité (ainsi que celle du reste du monde) était complètement fausse, qu’il y avait un D. unique et tout puissant, qui dépasse toute matérialité et Qui souhaite établir un lien avec Son peuple. C’est ce que dit Moché lors de sa première rencontre avec Pharaon : « Ainsi a dit Hachem, le D.ieu d’Israël : "Renvoie Mon peuple, qu’ils Me célèbrent dans le désert !" »[2]. Rav Fohrman souligne que Moché employa le Tétragramme qui indique la Toute-puissance d’Hachem et il parle d’une joie commune entre Hachem et le peuple juif, d’où leur lien étroit. Il ajoute que si Pharaon avait, à cet instant, accepté de laisser partir les Juifs et qu’il avait reconnu l’unicité d’Hachem, les dix Plaies n’auraient pas été nécessaires, puisque les deux objectifs de la sortie d’Égypte auraient été atteints.
Malheureusement, Pharaon ne comprit pas le message véhiculé gentiment et Hachem eut donc recours « au plan B », à savoir convaincre Pharaon, à travers les dix Plaies, qu’Hachem est la seule Puissance, Qui contrôle toutes les « puissances ». Toutefois, après chaque Plaie, Pharaon endurcit son cœur et refusa de renvoyer le peuple juif. Ceci se produisit jusqu’à la septième plaie, au terme de laquelle, la réaction de Pharaon changea. Quand il vit deux forces opposées (le feu et l’eau) coexister lors de la grêle, il s’exclama : « J’ai fauté cette fois. Hachem est le Juste et moi et mon peuple sommes des impies. »[3]
Là aussi, c’est le Tétragramme qui est utilisé. Pharaon montra qu’il avait compris qu’Hachem transcende toutes les forces de la nature, qu’Il contrôle tout. Le « plan B » aurait alors pu atteindre son objectif et il semblerait que les trois plaies suivantes auraient été superflues.
Mais peu après, Pharaon changea d’avis, ignorant obstinément ce qu’il savait être vrai, du fait de son arrogance et sachant ce qu’il allait perdre en abandonnant la partie. Un « plan C » était alors nécessaire – si les Plaies ne convainquaient même plus Pharaon et son peuple, ils n’étaient plus dignes de leur libre arbitre et devinrent de simples « pions » dont les sanctions serviraient à montrer seulement au peuple juif – puisqu’eux-mêmes ne voulurent pas le comprendre – la Vérité. C’est pourquoi, au début de la Paracha, l’objectif des plaies est modifié ; on passe d’une volonté de convaincre les Égyptiens (et les Juifs) de l’existence d’un D.ieu unique et tout puissant à une cible plus restreinte ; le peuple juif et ses descendants.
Parfois, Hachem nous véhicule un message, en douceur. Si l’on n’ouvre pas les yeux et qu’on l’ignore, il sera nécessaire d’envoyer un message moins « agréable » qui aura plus de chances de nous convaincre et de rectifier nos erreurs. Il est souvent possible d’éviter une souffrance si l’on prête attention à la leçon, quand elle est donnée avec indulgence.
[1] Voir Chémot 8,6. Pharaon représente le peuple égyptien.
[2] Chémot 5,1.
[3] Chémot 9,27.