Hier, j'ai pris l'avion. Ça me permet de sortir de mon petit cocon de temps en temps. J'habite Jérusalem, dans un quartier plutôt très pratiquant du judaïsme, alors je vous livre mes impressions depuis l’avion. Désolé si je suis un peu direct, c'est ma nature, mais surtout mon ressenti.

Autour de moi, à bord, des passagers d’apparence distinguée : des hommes, chefs d’entreprise, des mères actives et expérimentées. Et pourtant, leur programme dans l'avion semblait bien léger : un film après l’autre, une "série" comme on dit de nos jours, pleines de violence et de débauche pour le coup, enchaînant les divertissements comme des moutons suivant le troupeau de la vie. Aucun but, aucune direction. Leur voyage en l'air se rythmait au gré des messages de l’hôtesse de l’air. Le repas est servi ? Les voilà qui mangent automatiquement, sans attendre une seconde, pour reprendre leur film. Ils essayent et lancent tous les programmes de divertissement proposés par El Al. S’il n’y avait eu que des dessins animés, ils les auraient regardés. Et si l’hôtesse leur distribuait de la drogue, ils en prendraient tout aussi machinalement. Comme si la vie elle-même n’était qu’une suite d’instants vides, à remplir sans but ni réflexion.

Puis mon regard s’est posé sur un jeune Juif religieux, assis un peu plus loin. C’était frappant, car il était entouré de gens comme ceux que je viens de décrire. J’ai voulu le prendre en photo, mais j’avais un peu honte de paraître ridicule ; beaucoup m’avaient reconnu. Son programme à lui, ce jeune Juif, était clair et résolu : des lignes et des pages d’enseignements de Torah défilaient sous ses yeux, minute après minute, heure après heure. Du texte rude et exigeant, pourtant. Quand le repas est arrivé, il n’a pas levé les yeux, n’a pas interrompu sa lecture. Rien ne dictait sa vie à part sa propre volonté. Son programme n’a pas changé depuis 3 000 ans, depuis le don de la Torah. Connaître pour se parfaire, une discipline millénaire. Plus personne ne lit même un... bouquin de développement personnel ?

Quelle leçon sur l’importance de se fixer une discipline dès la jeunesse ! On raconte d'ailleurs que le frère de Rabbi 'Haïm de Volozhin, Rav Zalmélé, était un jour sur son lit de mort, et tout le monde avait remarqué comment il se tordait de douleur. Mais il continuait malgré tout à partager des enseignements de Torah tant que sa vie n’était pas terminée !

Parfois, quand vous allez dans des maisons de retraite, vous voyez des gens âgés qui sont encore bien portants. Ils se trouvent dans un cadre plaisant, il y a de l’herbe, des bancs, et qu’est-ce qu’ils font ? RIEN ! Ils attendent de mourir, surtout s’ils n’ont aucun visiteur. Ils considèrent la vie derrière eux, ne savent plus quoi faire et ne peuvent plus satisfaire leurs désirs, souvent des choses physiques et assez vaines.

Et puis, vous en voyez d’autres, il y en a beaucoup comme ça dans mon quartier, qui ont toujours leur Talmud posé devant eux, étudiant et révisant, avec le sentiment que ce n’est jamais suffisant. Dans d'autres milieux, cela pourrait être une autre forme de développement personnel.

Il faut commencer à s’y mettre dès maintenant. Un homme âgé qui ne lâche rien, c’est qu’il a déjà pris cette habitude un peu plus jeune, et il a fait de la Torah son bonheur et sa consolation toute sa vie. D’autres personnes âgées, au contraire, n’ont rien fait dans leurs trente dernières années à part écouter la radio, la désinformation, les nullités et le vide de tous ces chroniqueurs télé qui parlent pour plaire, sans aucune recherche de vérité.

On prend de l’âge. Ne nous laissons pas emporter par les modes éphémères qui nous distraient, nous dispersent et, lentement mais sûrement, nous éloignent de nos valeurs profondes. La vie dans ce monde est courte, elle passe très vite — demandez à vos grands-parents. Ce monde est un vestibule, dommage de le prendre pour un endroit éternel. Le monde futur et éternel nous attend, et nous en profiterons d’autant plus si nous avons mieux rempli nos poches ici-bas.

P.S : Qu’on soit bien clair : je ne vise personne en particulier ici. Je parle d’une réalité que je constate, et convenez qu’il y a mieux à faire dans la vie que de rester plongé dans une illusion de distractions vides. Si mes mots vous touchent ou vous dérangent... Dites-moi, quelle série vous suivez en ce moment ? 😊