Vous faites partie de la majorité si vous n’aviez jamais entendu parler de Poway en Californie avant la fête de Pessa’h.
Cette petite localité située non loin de San Diego n’est plus anonyme dans le monde juif. Tout le monde s’en souviendra comme le lieu d’un meurtre insensé d’une femme juive tuée pour le seul fait de sa judaïté.
Le nom de cette ville dynamique de Californie, située dans la plus grande démocratie du monde, a rejoint la longue liste infâme des villes où l’antisémitisme a conduit au meurtre. Ce tout récent acte de haine antisémite a eu lieu un Chabbath, le huitième jour de Pessa’h, dernier jour de la fête de la liberté.
Où que nous sommes, nous ne sommes pas en mesure de célébrer totalement notre fête. Il nous faut vivre dans la crainte et la méfiance. Aucun jour du calendrier n’est protégé des vestiges de la haine irrationnelle qui accompagne notre peuple. Nos poursuivants nous ont trouvé dans les étroits défilés des 9 jours tout comme les périodes des fêtes et des occasions joyeuses.
La famille de assaillant a déclaré : « Notre tristesse fait pâle figure face à la détresse et l’angoisse que notre fils a provoqués chez tant d’individus innocents. Il a tué et blessé des hommes de foi rassemblés dans un lieu sacré, un jour sacré. A notre grande honte, il fait désormais partie de l’histoire du mal perpétré contre le peuple juif depuis des siècles. »
La famille a déclaré ne pas savoir ce qui a motivé leur fils. « Comment notre fils a été attiré par une telle obscurité demeure un mystère terrifiant pour nous. Tout comme nos cinq autres enfants, il a été élevé dans une famille, d’une foi et d’une communauté qui rejettent la haine et enseignent que l’amour doit motiver toutes nos actions. »
Que nous demande-t-on ? Que pouvons-nous faire à cet égard ?
Nous marchons dans la rue et ces yeux nous suivent. Nous sommes dans l’avion et ces mêmes regards de haine nous suivent. Nous ne pouvons nous en débarrasser. Nous allons au parc et retrouvons ces mêmes regards hostiles. Même dans un lieu de justice, rien n’est acquis. Si le regard pouvait tuer, il y aurait peu d’endroits où nous pourrions nous rendre librement.
Nous nous demandons pourquoi. Nous voyons le monde se retourner contre nous, comme c’était le cas à l’époque de la Shoah, et nous nous interrogeons. Nous voyons le parti démocrate dans ce pays se retourner contre les Juifs. Le président américain est le plus amical que nous ayons eu envers les Juifs et Israël, mais on le minimise et ses détracteurs le considèrent comme un haïsseur de tous les peuples. Nous voyons des piliers des média s’engager dans des propos démagogiques antijuifs et nous ne saisissons pas pourquoi.
Pourquoi cette haine ? Pourquoi ces canards ? Pourquoi ces mensonges ? Pourquoi le judaïsme est-il accusé de la vie lamentable de certains ratés ? Comment se fait-il que les stéréotypes soient renforcés et ressuscités ?
Les vies convergent. Des Juifs se sont rendus à la synagogue un jour saint pour célébrer la vie. Un Nazi a pris la même direction pour provoquer la mort. Un peuple ancien, sans animosité envers quiconque et prônant la bonté pour tous, est moqué, vilipendé, haï et chassé en raison des conspirations les plus stupides et anciennes au monde.
Le meurtrier a tiré en direction du rabbin, et une femme s’est interposée entre les deux, épargnant la vie du rabbin et offrant la sienne par un acte éternel de Kiddouch Hachem, de sanctification de D.ieu qui rappelle d’autres cas similaires survenus au fil de l’histoire. Que son souvenir soit une bénédiction.
Le D.ieu qui a créé le ciel et la terre et a choisi les Juifs a fait en sorte que l’arme du meurtrier se bloque. Les enfants ont été épargnés. Les adultes ont pu vivre. Une tragédie a été généreusement minimisée.
Du sang juif a souillé un Pessa’h de plus, tout comme les pogroms d’autrefois et les fausses histoires de meurtre largement répandues dans le monde entier.
Heureusement, à notre époque, les Juifs ont droit de vivre encore un jour, encore un Chabbath et la possibilité de vivre à l’ombre de Hachem.
Nous promettons de ne jamais renoncer et ne jamais sombrer dans le désespoir. Nous proclamons (dans le Kaddich) : « Yitgadal Véyitkadach Chemé Rabba », nous devons œuvrer pour établir un monde meilleur.
Nous sommes tenus de ressembler à Hachem qui est animé de compassion. Ne perdez jamais de vue la tradition de bonté et de compassion transmise par nos ancêtres. Ne déviez jamais trop loin de la voie de la lumière dans les ténèbres. Faites preuve de gentillesse et de bonté.
A cette période, nous déplorons la perte des 24 000 élèves de Rabbi Akiva. Nous imitons leurs accomplissements et tentons de combler le vide créé par leur absence. Rav El’hanan Wasserman a enseigné qu’un individu prétentieux et égoïste ne peut réussir à un poste de chef. Un leader efficace peut communiquer avec les gens, car il s’identifie à eux, ressent leur douleur et ne se considère pas à un niveau supérieur à eux.
Si vous vous débarrassez de la Sinat ‘Haïm, la haine gratuite, vous vous conduirez avec bienveillance et traiterez votre entourage comme il se doit. Si vous développez votre Ahavat Israël, votre amour pour chaque Juif, vous serez respecté et écouté. Vous pourrez les aider à améliorer leur pratique des commandements, l’étude de la Torah, le sens de la vie et l’acceptation de ce que D.ieu leur réserve.
Rabbi Isser Zalman Meltzer, Roch Yéchiva de la Yéchiva Ets ‘Haïm à Jérusalem, testait un jour les jeunes élèves du primaire. Il posa une question sur l’interprétation d’une Guémara à un jeune garçon. Le garçon donna une réponse incorrecte.
Rav Isser Zalman lui dit : « Je suis sûr que tu voulais dire ceci », dit-il en lui donnant la bonne réponse. Il voulait éviter au jeune garçon l’embarras de s’être trompé devant le Roch Yéchiva.
Mais l’élève était implacable. « Non, ce n’est pas ce que je voulais dire », répondit-il. Il répéta à nouveau la réponse erronée. Patiemment, le Roch Yéchiva fit une nouvelle tentative. « Oui, tu as raison, car c’est ce que tu voulais dire » et il reformula la réponse correcte. Mais l’enfant n’en démordait pas. « Le Roch Yéchiva ne comprend pas ce que je dis », se plaignit-il. Et à nouveau, il répéta la réponse incorrecte.
Alors que ses camarades commençaient à rire, Rav Isser Zalman se leva et s’excusa. « Je dois traiter une affaire quelques minutes et je reviens vite », dit-il.
Le Rebbe de la classe ouvrit la porte pour regarder dans le couloir. Il y découvrit le Gadol Hador, le géant en Torah de la génération, les yeux fermés, qui se parlait à lui-même. Il répétait en boucle : « L’obligation de respecter tout un chacun inclut les enfants. »
Au bout de quelques minutes, Rav Isser Zalman retourna en classe. Il s’assit et avec un grand sourire, se mit à expliquer lentement la Guémara jusqu’à ce que tous les enfants - y compris celui mentionné plus tôt - la comprennent parfaitement et puissent donner la bonne réponse à la question posée.
Le meilleur enseignant n’est pas celui qui a le plus de connaissances, et le meilleur dirigeant n’est pas nécessairement celui qui accumule les meilleures performances. Il est capable de motiver les individus à donner le meilleur d’eux-mêmes. Le meilleur enseignant est celui qui comprend ses élèves, est capable de leur tendre la main, et de les aimer.
Vous pouvez convaincre votre entourage de réaliser des actions positives en faisant appel à leurs espoirs ou en jouant sur leurs peurs. Un homme qui réussit s’assure de parler à la confiance des gens et non à leurs doutes, par des faits réels et non imaginaires. Ils réagissent bien mieux et sont plus susceptibles de relever le défi lorsqu’ils sont traités avec dignité.
Pour les dirigeants et les enseignants, tout comme les parents et les amis, la communication va bien au-delà des mots. Ce qui est prime n’est pas nécessairement ce que nous disons, mais comment nous l’exprimons. Nous pouvons inspirer et motiver autrui lorsque nous communiquons avec amour et empathie. En prenant au sérieux le commandement d’aimer son prochain comme soi-même, nos enfants, élèves, amis et connaissances comprendront qu’ils sont admirés et aimés par des êtres qui ont confiance dans leurs facultés.
D’autres sont peut-être supérieurs à nous en termes d’intelligence, d’expérience et de talents diplomatiques, mais si nous sommes vigilants lorsque nous nous adressons à autrui, nous pouvons accomplir bien plus. Nous devons injecter de la passion dans nos actions. Nous pouvons tous aider les autres et leur rappeler leur grandeur. Nous devons être optimistes sur la vie et sur nos propres facultés et communiquer ce sentiment aux autres.
Tout le monde a la capacité d’avoir un impact. Si nous pouvons maximiser nos facultés pour l’étude de la Torah, utiliser les forces conférées par D.ieu pour construire au lieu de détruire, manifester de l’optimisme au lieu du pessimisme ; si nous employons les Brakhot que D.ieu nous a octroyées pour le bénéfice de notre prochain, nous pouvons changer le monde.
La Séfira, le compte du Omer, est une période pour nous consacrer à perfectionner ces facultés afin de progresser dans l’étude et l’enseignement de la Torah.
Lorsque le Tséma’h Tsédek était jeune marié, il séjourna avec sa famille au domicile de son grand-père, le Baal Hataniya. Alors qu’il étudiait, un bébé commença à pleurer. Il était si plongé dans son étude qu’il n’entendit pas l’enfant, et il continua à étudier, ignorant les cris de plus en plus forts.
Le Alter Rebbe (le Baal Hatanya) se trouvait à l’étage dans son bureau lorsqu’il entendit les cris du bébé. Il descendit, prit l’enfant de sa poussette et le tendit à son petit-fils. Le Tséma’h Tsédek s’excusa de n’avoir pas entendu le bébé. « Je suis désolé, j’étais si profondément concentré que je n’ai rien entendu », dit-il.
« Oui, mon cher petit-fils », répondit le Rabbi. « Moi aussi j’étudiais et j’étais tout autant plongé dans l’étude que toi, mais j’ai néanmoins entendu. Retiens ceci : un Juif, quel que soit son niveau, doit entendre les cris d’un autre Juif, indépendamment de son âge, et il doit interrompre ce qu’il fait pour aider celui qui est en pleurs. »
Soyons attentifs aux sons autour de nous. Entendons les cris et cherchons à aider, à réconforter et à apaiser les autres. Voyons leurs sourires et réjouissons-nous avec eux.
Rabbi Israël Goldstein de Poway ne peut plus pointer du doigt, mais il peut prier et chanter, inspirer et guider, tout comme nous.
Après l’attentat, le Rabbi a écrit : « Je me souviens avoir crié : "Am Israël ‘Haï ! Le peuple juif vit !" J’ai dit cela des centaines de fois dans ma vie. Mais je n’en ai jamais senti la réalité plus que ce jour-là. »
Et d’ajouter : « Je pense que tous les événements se produisent pour une certaine raison. J’ignore pourquoi D.ieu m’a épargné. Je ne sais pas pourquoi j’ai dû observer des scènes de pogrom dans le conté de San Diego, comparables à ceux vécus par mes grands-parents en Pologne. Je ne sais pas pourquoi une partie de mon corps m’a été enlevée. J’ignore pourquoi j’ai dû assister à la poursuite acharnée contre une amie proche, une femme qui incarnait la valeur juive de ‘Hessed, poursuivie dans un lieu de culte…j’ignore les plans de D.ieu. Ma seule possibilité, c’est de tenter d’utiliser le temps qui m’est imparti pour faire en sorte que ma vie soit plus précieuse. »
Adoptons également cette perspective. Nous devons exploiter chaque jour comme s’il s’agissait du dernier. Profitons de chaque instant en le traitant à la mesure du trésor qu’il représente.
« Je prie que pour mon doigt manquant me serve de rappel constant… je fais partie d’un peuple qui a survécu aux pires destructions et qui perdurera à jamais ; un rappel que mes ancêtres ont donné leur vie pour que je puisse vivre…et un rappel de n’avoir jamais peur d’être juif. »
Nous ne devons jamais céder à la peur, car le plus grand Protecteur de tous est le Gardien d’Israël, aujourd’hui et pour toujours.
Puissions-nous avoir droit à la Guéoula Chéléma, la Délivrance, rapidement et de nos jours.
Rabbi Pinchos Lipschutz de Yated