On connaît la boutade de l’écrivain français André Malraux : « Le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas ». La réponse vraie – car divine – à cette boutade est exprimée par le Tout-Puissant s’adressant au prophète Jonas, qui se lamentait de la disparition du ricin qui le protégeait du soleil, et du repentir des habitants de Ninive : « Tu te chagrines à propos de ce ricin, qu’une nuit a vu naître, et qu’une nuit a vu périr, et Moi, Je n’épargnerais pas Ninive, qui renferme des myriades d’êtres humains, incapables de distinguer leur droite de leur gauche ! » (Jonas, 4.10).
On aurait envie, aujourd’hui, dans le désordre actuel, d’entendre cette parole réconfortante du Créateur. La disparition des religions, la fin des idéologies, l’imbroglio qui règne dans les partis politiques de droite ou de gauche, dans le monde entier, devrait éveiller la pitié du Créateur envers l’humanité qui a tenté de se débarrasser de la notion de création. La foi en l’homme, dans les possibilités apparemment illimitées de l’humanité, cette foi est à la source des désordres actuels, et entraîne des conséquences nouvelles, d’un point de vue sociétal.
Apparaît ici un paradoxe : ne pouvant être inscrits dans une quelconque idéologie, ou selon un principe précis, ces débordements sont dépourvus de chef, d’organisation et même de buts clairs. Le désordre devient total : c’est ce qui explique les manifestations des « gilets jaunes ».
Le seul dénominateur commun de ces manifestants est la couleur : le jaune qui se situe entre le rouge – dangereux – et le vert, rassurant car ouvert sur des possibilités plus constructives. La couleur révèle l’intention. D’ailleurs l’apparence extérieure n’est pas moins significative, car le gilet est un habit hybride, ne représentant qu’une utilisation accessoire : c’est un habit utilisé, mais pas absolument utile. Nous voilà en pleine signification : l’absence d’idéologie se traduit par une apparence imprécise, et c’est là son sens réel : le négatif révèle une absence, mais est par là même chargé de sens.
Nous retrouvons, à cette étape, le problème fondamental de l’époque : l’absence d’organisation, le désordre qui peut mener à des catastrophes, le refus de s’inscrire ni à droite, ni à gauche. C’est le problème actuel des partis politiques qui ne se recommandent plus d’une idéologie, car elle n’existe pas. Ce n’est pas non plus le nihilisme, car il exprime un refus total (nihil = rien), mais ici il s’agit de ne pas savoir quoi signifier. L’absence est bien soulignée, mais non clairement. Ne pouvant se rattacher à aucun principe, ni même à un principe négatif, aucune direction n’apparaît possible. Il ne s’agit pas de détruire, ni de construire, mais d’apparaître, ce qui est peut-être l’obstacle le plus difficile à gérer. C’est la réponse de l’Eternel à Jonas, c’est dans ce cas – ni droite, ni gauche – que la pitié céleste doit le plus s’exprimer. Quand on avance sans savoir où on va, on ne recule pas, mais on zigzague. Tel est le problème de notre époque : sans boussole, on ne sait plus où aller ! La « prophétie d’André Malraux » se traduit précisément : « ou ne sera pas ».
Au croyant en une Hachgahah (providence divine), en une Histoire dirigée d’en haut, de remercier le Ciel de nous avoir donné une lumière qui éclaire : la Torah – אורה זו תורה.
La Torah est lumière depuis l’origine de l’Histoire. Basée sur le passé, elle annonce l’avenir, comme l’affirme la prière, la première bénédiction du Chemoné-Essréh : « Il Se souvient des mérites des pères, et amène la délivrance aux enfants ». A l’absence, à l’inquiétude ambiante qui se traduit dans l’univers entier – représentée aussi bien par les errements aux Etats-Unis qu’en Europe, ou en Russie – par l’inquiétant phénomène du populisme, sachons fièrement reconnaître et affirmer un message qui a traversé le temps et l’espace (« ’Olam » traduit ces deux dimensions) et qui doit éclairer l’avenir. Au « jaune » répondons grâce à la pitié de l’Eternel : le תכלית – but (Takhlit) – est le même terme que תכלת – azur Tékhélet) – car c’est là la couleur qui doit nous éclairer, couleur du Trône céleste, de l’Infini qui ne cherche qu’à protéger Sa création.