Le spectacle navrant que donne aujourd’hui le monde du gouvernement en Israël invite à réfléchir sur les conséquences de la perte de l’idéologie dans la mentalité israélienne et des fondements de la démocratie en Israël. Le sionisme politique – non fondé sur la tradition du judaïsme – était, à ses origines, marqué à gauche, par l’idéologie socialiste, marxiste. Ce fut alors le développement de l’idéalisme des Kibboutzim, idéalisme oublié aujourd’hui. A droite, c’était le nationalisme laïque de Jabotinsky qui fut à la source du mouvement révisionniste, puis Hérouth et aujourd’hui Likoud. Ces deux directions semblent bien avoir fait leur temps, actuellement. Il reste bien quelques descendants de ces fondateurs qui se trouvent aujourd’hui au Queens, New-York, ou à Los Angeles. Que reste-t-il aujourd’hui de ces idéalismes, souvent bien sincères, mais vidés de leur relation avec les valeurs permanentes de l’héritage d’Israël. Ainsi, on peut voir un homme politique de droite prêt à s’allier à la gauche, pour déstabiliser un homme de droite, appartenant à la même mouvance que lui, uniquement pour des raisons d’inimitié personnelle. Une telle attitude, peut-être plus courante en politique – selon la formule du philosophe Hegel, on ne peut que se salir les mains, mais elle interroge cependant le croyant et doit le faire réfléchir sur le danger de l’éloignement de la Torah, et le refus des valeurs traditionnelles.
C’est ici le sens qu’il nous faut donner à cette sorte de désordre intellectuel qui semble frapper de nos jours l’humanité en général, et qui se ressent, de plus en plus, dans l’atmosphère actuelle, consécutive à la pandémie. Il ne s’agit nullement, dans cette lecture, de « relativiser » les problèmes qui séparent les politiciens en Israël, mais il convient de « généraliser », d’universaliser la situation actuelle. Notre époque, faut-il le relever, est marquée par une double et essentielle démarche singulièrement négative : l’éloignement, l’absence de repères, quels qu’ils soient, d’une part, et, par ailleurs, une angoisse existentielle sur l’avenir de la société des hommes. Cette deuxième démarche est évidemment plus récente, dans la mesure où la pandémie s’est révélée comme un facteur incontournable dans l’histoire universelle. Cette double démarche est amplifiée par la globalisation. Que reste-t-il dans ce néant absolu ? La seule référence est le Moi, car c’est – du moins en apparence – le seul être que l’on devrait connaître. Ce fut la grandeur, le génie de Freud et de Kafka de démontrer que l’homme, se sentant inutile, inopportun, en procès permanent, s’éprouve coupable et doit chercher à analyser son inconscient qui explique bien souvent les réactions de l’activité. La pandémie, le confinement ont amplifié ces réactions. L’absence de référence absolue, pour ceux qui n’ont pas compris le caractère universel de la Révélation a interdit à nos contemporains de se relier à une Valeur absolue.
Dans le « Mikhtav MéEliahou », le Rav Dessler (décédé en 1954), Machguia’h (directeur spirituel) de la Yechivath Poniovitz, étudie, dans un chapitre nommé « Kountrass Habe’hira » (chapitres sur le libre arbitre) les ressorts cachés de l’activité humaine ; il indique que la propension au Mal est première chez l’homme, alors que la tendance au Bien doit être la conséquence d’un effort de l’homme (Voir Kountrass Habe’hira – Mikhtav MéEliahou, Tome 1 p. 111). Or c’est précisément cet effort que se refusent à faire les hommes politiques qui conduisent le pays, et sont prêts à s’allier à des adversaires pour chasser l’actuel Premier Ministre. Il ne s’agit pas, dans ce propos, d’émettre un avis politique, ni même, bien sûr, idéologique. Ce que l’on tient à démontrer, une fois de plus, c’est qu’en l’absence d’une référence transcendantale, le Moi ressurgit et impose sa volonté. Une aversion personnelle remplace l’idéologie et crée le chaos actuel. Il y a, d’ailleurs, peut-être ici un aspect positif, dans la mesure où de telles circonstances prouvent bien que seul le Maître de l’univers dirige l’Histoire. Mais malheureusement, cette preuve n’est pas acceptée universellement, et nombreux sont ceux qui attendent que, la pandémie bientôt jugulée, la direction prochaine de l’humanité soit la planète Mars !! Pour nous, qui savons que notre devoir est de faire connaître le devenir messianique de l’Histoire – malgré tous les obstacles – il nous est interdit d’oublier qu’en définitive, ce n’est pas d’être le Chef du Gouvernement d’Israël qui est important, mais de ne jamais cesser d’être conscient que « Celui qui réside dans les cieux rit (de nos calculs) ; l’Eternel se raille d’eux (de ceux qui cherchent la jouissance) » (Tehillim 2, 4). N’oublions jamais que l’Histoire a une direction et que viendra le jour où l’on reconnaîtra que « l’Eternel règnera sur l’univers à tout jamais » (Chemot 15, 18).