La langue hébraïque implique une signification apparemment contradictoire entre deux acceptions du terme « Bé’hira » – בחירה – choix. Il s’agit, d’une part, d’une intervention de la Transcendance, qui est exprimée, par exemple, dans la bénédiction sur la Torah : « בחר בנו » (Ba’har Banou) – c’est-à-dire ici il est question d’un « choix » d’en haut vers le bas, et, d’autre part, du choix de la créature, c’est-à-dire du libre-arbitre, du bas vers le haut. Il apparaît donc que le choix s’exprime à double sens. Le Talmud nous explique que lorsque D.ieu s’est révélé à Moché Rabbénou, Il ne lui a montré que le nœud arrière de Ses Téfilines, et conclut que l’Eternel met des Téfilines, et qu’est-il écrit dans ces Téfilines ? « Qui est comme Ton peuple Israël ? ». Si le peuple d’Israël dit : « L’Eternel est Un », alors le Tout-Puissant répond : « Qui est comme Israël ? ». Il y a un dialogue permanent entre le Créateur et le peuple juif, et c’est à ce niveau qu’il faut comprendre le double sens du « choix ». A un « choix » d’en bas répond un « choix » d’en haut.
Mais ici intervient un obstacle : comment accepter que la liberté de choix de la créature réponde toujours au choix du Créateur ? Ainsi, quand Erets-Israël a été partagé à l’époque de Yéochoua, il fallait d’une part que la tribu la plus nombreuse reçoive le territoire le plus grand, et à l’inverse, la tribu la moins nombreuse devait recevoir le territoire le plus petit. De plus, il fallait tirer au sort le choix des territoires. Cela apparaît contradictoire : que se passerait-il si le sort ne correspondait pas à l’importance des tribus ? Ici intervient le verset de Michlé (16.33) : « On agite le sort dans l’urne, mais l’arrêt qu’il prononce vient de l’Eternel ». Il revient à l’homme d’agir – le mieux possible – c’est la « Hichtadlout », l’effort du fidèle qui doit s’inscrire dans une option qui mène à la sainteté, à la spiritualité, et c’est D.ieu qui décidera quel doit être le résultat. Nous retrouvons ici le sens du sort, qui n’est autre que l’effet de la volonté du Créateur, en fonction de critères qui dépendent de toutes sortes de facteurs, personnels ou publics. En effet, il ne faut jamais oublier qu’il y a Quelqu’un qui dirige l’Histoire.
Il est évident qu’il ne s’agit en aucun cas dans cette chronique de s’immiscer dans l’arène politique, mais il convient de savoir lire, et de donner une direction. Dépassons l’actualité, mais relevons clairement que la démocratie est en train de perdre ses qualités qui consistaient à donner la voix au peuple (« démos » en grec veut dire « peuple »). Aujourd’hui, les sondages, les médias, les réseaux sociaux exercent une influence profonde, et il existe un risque de perdre sa « liberté ». C’est à ce niveau que le fidèle doit comprendre qu’il s’intègre dans une société où le sort donne l’impression que c’est d’en bas que vient la direction. Les diverses idéologies qui ont orienté les choix dans le passé semblent essoufflées, et ce qui était « droite » ou « gauche » ne correspond plus à la réalité. Il ne s’agit pas uniquement d’Israël, mais l’Europe, les Etats-Unis, semblent ébranlés par une ligne de fond, qui risque de conduire l’humanité à une catastrophe. Lisons ce que nous conseillent les Sages : retrouver la voie de la Kédoucha, de la sainteté. Chaque jour, nous répétons deux fois le Chéma’ Israël – שמע ישראל – qui s’achève par le souhait : ויהייתם קדושים (et vous serez saints). C’est l’orientation assurée de l’Histoire, refuser les désordres moraux, tenter de créer une atmosphère d’harmonie. Le Roi David écrit : « L’Eternel est ton ombre, près de ta main droite » (Téhillim 121.5). Le Néfech Ha’Hahaïm conclut : « L’ombre est le reflet de l’homme. Selon ce que tu es, l’ombre te reflètera, que tu ries ou que tu pleures. La présence de D.ieu dans le monde dépend de l’effort réel de l’homme, car c’est Lui qui agira, si l’homme le veut et Le cherche » (Néfech Ha ‘Haïm, Portique 1, ch. 7). Tel est le vrai choix : au-delà des circonstances de l’éphémère, sachons nous dépasser, pour nous référer à une transcendance qui est notre ombre, et alors se lèvera un vrai printemps pour l’humanité.