Lui : « J’étouffe, j’ai besoin de prendre l’air avec mes copains. » Elle : « Tu as l’air d’oublier que tu as une femme et des enfants ! » Alors, qui a raison ?
Entre famille et amis
Pour un homme, surtout durant les premières années de mariage, il peut être difficile d’intégrer le passage du statut de personne libre, sans attache, à celui d’homme marié ayant des responsabilités. De plus, le fait pour lui de passer du temps avec ses amis est vécu comme un véritable moment de détente et de décompression, dont il a un besoin quasi-vital. Une femme, quant à elle, considère généralement qu’elle est la seule personne à même d’apporter à son époux la tranquillité d’esprit à laquelle il aspire et elle sous-estime ainsi son besoin de « s’aérer ».
S’il est naturel que la femme souhaite voir son mari passer davantage de temps avec elle plutôt qu’avec ses amis, elle doit en revanche savoir que les moyens qu’elle emploie pour l’éloigner d’eux ont généralement l’effet inverse : à force de critiques et de remontrances, il finit par s’éloigner d’elle…
Bien entendu, si un homme a systématiquement tendance à fuir au-dehors ou délaisse sa famille au profit de ses amis, il est impératif de faire intervenir un Rav pour assainir la situation.
Un serviteur, indispensable ?
Plus d’une fois, on entend des personnes mariées s’interroger : « Si je peux me passer de telle chose, alors elle/lui aussi doit en être capable ! ». A première vue, il s’agit là d’une affirmation logique, non ? D’après celle-ci, vu qu’une femme ressent généralement moins le besoin de « relâcher la pression » que son époux, elle a du mal à concevoir que tel puisse être son besoin à lui.
A ce sujet, il n’est pas inutile de consulter l’avis de la Torah sur la question. La Torah nous ordonne dans Dévarim (15,8) : « Tu prêteras à l’indigent assez pour combler ce qu’il lui manquera ». La Guémara dans Kétoubot (67b) commente ainsi ce verset : « Cela inclut même un cheval à monter et un serviteur pour courir devant lui [l’indigent]. A ce propos, on raconte sur Hillel l’Ancien qu’en faveur d’un certain fils de famille aisée devenu pauvre, il prit un cheval et un serviteur. Le jour où le serviteur ne se présenta pas, Hillel courut lui-même devant ce pauvre sur une distance de trois miles ! ». Or sur ce passage, nos Sages s’interrogent : si le fait de posséder un cheval pour se déplacer est effectivement un besoin réel, il n’en est pas de même du serviteur destiné à « courir devant lui », qui représente un luxe superflu dont la plupart des gens se passent !
Et nos Sages de répondre : si l’indigent était auparavant habitué à recevoir ces marques d’honneur, il s’agit pour lui d’un véritable besoin qu’il nous faut combler par la Tsédaka. Le fait que nous-mêmes puissions nous en passer ne signifie pas qu’il est en de même pour les autres ! C’est là le summum de l’altruisme, tel qu’il est prôné par la Torah.
Or, dans le cadre du couple, la dynamique est exactement la même. Ce qui importe à mon mari ne m’importe pas forcément à moi ; le fait que je puisse m’en passer ne signifie pas que lui doive y renoncer ! C’est pourquoi Maïmonide insiste : « Que la femme honore son mari outre-mesure » ; étant donné qu’une femme se passe assez aisément des marques d’honneurs dont son mari a pour sa part un besoin vital, elle a souvent tendance à les lui refuser. Ce qui constitue une erreur d’appréciation fondamentale.
Les goûts et les couleurs…
Prenons l’exemple courant de la nourriture. Si mari et femme proviennent tous deux d’origines différentes, il est probable qu’ils n’affectionnent pas les mêmes plats… Afin de contenter son mari, la femme prépare généralement les plats qu’il aime et auxquels il est habitué. Or, s’il lui arrive malencontreusement de préparer les plats qu’elle aime elle et que son mari n’aime pas particulièrement, elle risque de s’exposer à son courroux. Dans un tel cas, la femme réagit avec étonnement : « Est-il un petit garçon pour s’énerver au sujet de broutilles ? Je ne cuisine jamais pour moi-même, je n’ai pas le droit de me faire plaisir de temps en temps ? ».
Or, il est essentiel pour la femme de comprendre : il n’est pas ici question de nourriture, mais d’amour-propre ! Son époux est tout à fait capable de consommer un plat même s’il ne l’aime pas spécialement. Par contre, là où le bât blesse, c’est lorsqu’il constate que ses goûts ne sont pas pris en compte. Il va alors extrapoler : on ne le considère pas, il n’a pas la place qui lui revient au sein de son foyer, on fait fi de ses préférences, etc. La femme intelligente comprend alors qu’elle a davantage à gagner à prendre en considération les goûts de son mari, plutôt que de tenter de lui prouver qu’elle a raison !
Voilà pourquoi hommes et femmes doivent faire l’effort de comprendre les besoins de l’autre et de les combler autant que faire se peut. A l’instar d’Hillel l’Ancien qui, malgré son statut de Prince du Sanhédrin, faisait fi de son honneur pour se mettre au service d’un riche devenu pauvre !