L’émergence d’Internet a entraîné dans son sillage une nouvelle forme de rapprochement au judaïsme : la Téchouva sur Internet ! Aux premières loges de cette évolution, Binyamin Benhamou nous livre son avis sur la question.
Binyamin Benhamou, fondateur et responsable de Torah-Box, œuvre depuis deux décennies en faveur du judaïsme, notamment en ayant ouvert le site torah-box.com, initialement pour y proposer des cours de Torah.
Visionnaire, il a rapidement perçu que par le biais d’Internet, il était possible de faire connaître la richesse du judaïsme au plus grand nombre. Avec l’émergence du smartphone, Torah-Box s’est en parallèle développé et est désormais présent sur toutes les plateformes.
En première ligne pour suivre cette évolution, analyser de près ce mouvement de Téchouva sur Internet et témoigner de l’impact de ce média auprès du public, Binyamin Benhamou nous livre son avis sur la question.
Monsieur Benhamou, bonjour. Parlez-nous de l’influence qu’a Torah-Box auprès du public juif francophone.
Je ne suis pas spécialiste d’analyses mais ce que je peux dire, c’est que quand Torah-Box se déplace auprès des communautés, il nous est donné de constater que depuis le rabbin jusqu’au simple Juif dans la rue, depuis les enfants jusqu’aux personnes âgées, tous nous reconnaissent et nous témoignent leur gratitude. C’est sans doute la meilleure indication pour souligner l’impact de Torah-Box dans leur vie.
Avec plus de 533 000 abonnés, notre audience dépasse celle de tous les médias juifs francophones, même ceux qui traitent de "news" et non de Torah et Mitsvot qui exigent un effort... Grâce à Torah-Box, l’accès à la Torah et au judaïsme a été démocratisé.
Quels sont les résultats concrets dans l’évolution spirituelle des personnes qui vous suivent ?
Pour être allé à la rencontre de milliers de Juifs en Israël et à travers la Diaspora, je sais que des jeunes ont décidé par exemple d'aller étudier à la Yéchiva grâce à Torah-Box. Un étudiant au Collel me confiait récemment avoir fait ses débuts dans l’étude sur Torah-Box.
Je pense que nos milliers de vidéos sur tous les aspects de la vie juive ont une influence prépondérante sur l’évolution de milliers de Juifs. On parvient par ce biais à diriger les gens vers l’étude de la Torah, le raffinement de leur caractère, l’amélioration de leurs relations avec leurs proches. On peut dire que parallèlement à l’augmentation de la place que prend Internet dans nos vies, ainsi en est-il de l’impact de Torah-Box auprès des Juifs francophones.
Vous pensez être parvenu à toucher des personnes qui sans Internet, n’auraient pas pu être atteintes ?
Oui, et l'on a beaucoup d’exemples de cela. Une fois, lors d'une conférence organisée en Belgique depuis nos bureaux à Jérusalem, nous avons réussi à rassembler un grand nombre de Juifs dans une synagogue. Le rabbin local, en poste depuis 20 ans, a confessé qu'il ne connaissait même pas la moitié des personnes présentes... Lors d'une autre conférence au Maroc, plusieurs Musulmans sont venus assister à nos cours et, face à notre étonnement, nous ont confié être abonnés à Torah-Box, appréciant particulièrement notre approche de la vie.
Au Canada, un Chalia’h ‘Habad m’a confié qu’un Juif de sa connaissance, qui vivait complètement isolé de toute communauté au beau milieu d’une forêt et qu'il n'avait jamais réussi à rapprocher de la Torah, lui avait dit qu’il était inutile de se soucier de lui sur le plan spirituel puisqu’il était connecté à Torah-Box chaque jour.
Le Grand-Rabbin de Lyon m’a dit un jour : "J’ignore comment vous faites, mais vous parvenez à atteindre des gens qui ont toujours refusé ne serait-ce que de venir à la synagogue."
Je pense qu’en matière de diffusion du judaïsme, Internet, contrairement au contact traditionnel avec un rabbin de communauté, permet de proposer une variété d’approches et d’intervenants, ce qui fait que chacun peut y trouver son compte.
Le contact virtuel avec un Rav est-il suffisant ? Une telle Téchouva qui n’implique pas d’attache à une communauté ou un rabbin n’est-elle pas déficiente ? N'y a-t-il pas un risque qu’avec l’émergence de l’IA, les gens en viennent à se passer de rabbins et à déserter les lieux d’étude ?
Il s’agit en effet d’un très grand danger. Un internaute pense connaître son niveau spirituel, il va donc pouvoir opter pour les contenus et les cours qu’il pense lui correspondre. On voit par exemple des personnes en tout début de parcours consulter des cours de Kabbala, n’y rien comprendre et déraper.
Pour notre part à Torah-Box, nous faisons toujours en sorte de rediriger les gens vers les communautés et les rabbins, c’est d’ailleurs un message que s’efforcent systématiquement d’apporter nos conférenciers lorsqu’ils dispensent des cours à travers le monde.
Je me souviens que lorsque nous avons lancé l’idée de proposer sur le site une veillée de cours pour Hocha’ana Rabba, un éminent Rav nous avait fait remarquer qu’il était dommage d’inviter les gens à rester devant leur ordinateur au lieu de se rendre en présentiel au Beth Hamidrach pour goûter la saveur d’une étude qui s’y tient. Nous avions répondu qu’il était bien indiqué que ces cours étaient proposés seulement à ceux qui n’avaient pas de synagogue à proximité.
Une autre solution que nous avons mise en place est la création d'un Beth Hamidrach en ligne, avec des classes virtuelles réunissant 8 participants chaque jour pour étudier la Torah avec un rabbin de Torah-Box. Mais rien ne saurait remplacer le contact réel avec le judaïsme. On a beau créer des vidéos pour expliquer de quelle manière mettre le Talith, tant qu’on n’aura pas vu de ses propres yeux des Juifs le faire de différentes manières, on ne saura pas comment réaliser la Mitsva.
En fait en matière de judaïsme, Internet permet d’apporter un éveil, il constitue un complément, il permet de poser les questions qu’on ne peut ou qu’on n’ose pas poser, mais il est certain qu’au bout d’un certain temps, il est indispensable de se confronter au texte et de créer un lien réel avec un Rav et une communauté.
Comment envisagez-vous l’avenir de la Torah sur le net, avec le développement des nouvelles technologies ?
C’est la question par excellence. L’un des soucis que nous rencontrons, c’est qu’un grand nombre d’érudits et de Rabbanim de langue française ne souhaitent pas prendre part à la diffusion du judaïsme sous cette forme-là. La diffusion de la Torah sur le net a donc souvent lieu par le biais de personnes pas forcément érudites, ce qui fait globalement baisser le niveau. C’est assez dommage.
À Torah-Box, nous essayons sans cesse de nous renouveler et nous mettre à la page afin de continuer à capter l’attention et rester impactants, mission pas du tout évidente, je l’avoue. Les jeunes ont un accès tellement facilité aux nouvelles technologies qu’on est vite dépassés si l'on ne fait pas l’effort de se réadapter en permanence. Rester idéaliste dans la diffusion de la Torah, en attendant que les gens viennent à vous, est aujourd’hui utopique.
À Torah-Box par exemple, nous faisons régulièrement intervenir des Rabbanim érudits qui vont être guidés par des jeunes qui vont pouvoir leur indiquer sous quel angle se filmer, combien de temps parler, etc., afin de créer des formats innovants et efficaces. Le monde érudit a indéniablement besoin de se sophistiquer pour diffuser la Torah, c’est un fait.
En ce qui nous concerne, tous les 6 mois environ, nous devons repenser nos contenus et nos formats pour rester dans la vague. Mais il est certain que ces nouveaux mouvements impliquent de nouveaux dangers qu’il faudra savoir éviter. Et c’est vrai qu’on se pose la question de savoir combien de temps encore nous serons assez attractifs face à des outils d’une puissance cataclysmique comme l’IA par exemple.
Notre atout au final ? Je pense que c’est de savoir rester fidèles au message originel de notre Tradition, tandis que les outils, certes très puissants, que proposent les nouvelles technologies dévient rapidement de la bonne trajectoire, se wokisent et commettent des erreurs impardonnables de Halakha et de Hachkafa.
Le mot de la fin ?
À mon sens, la diffusion de la Torah est un effort auquel tous peuvent et doivent participer. La Torah, c’est elle-même l’avenir, et tout le monde – jeunes comme moins jeunes, érudits et Juifs simples – est invité à apporter sa contribution.
Lorsqu’il est question de Torah, notre responsabilité est immense, essayons donc de travailler avec des intentions pures.