L’histoire suivante est authentique et elle nous a été racontée par des témoins de l’histoire :
De légers coups sont frappés à la porte du Rav Neustadt, Rav de la communauté Kahal ‘Hassidim de Névé Ya’acov (quartier périphérique de Jérusalem). Une femme du quartier était venue exposer sa grande détresse, et attendait désespérément la réponse éclairante du Rav.
« Aujourd’hui, il y a deux ans, cela fait deux ans depuis ce jour », commença la femme, comme si ce qu’elle racontait allait de soi. « Ce soir, ça fera deux ans, ça a été le premier soir où mon Roubi n’est pas rentré à la maison, choisissant d’autres lieux pour mener sa vie ». C’est ce qu’elle réussit à dire, avant d’éclater en pleurs. Après s’être un peu calmée, elle réussit à reprendre le fil de son récit :
« Roubi était un enfant excellent, la fierté de notre maison. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, à un moment donné, il se défit du cadre scolaire dans lequel il étudiait, et se chercha d’autres occupations… L’atmosphère à la maison devint douloureuse et tendue, nous avons observé l’enfant dépérir devant nous, sans pouvoir l’aider… », dit-elle en essuyant une larme. « Et alors, pendant qu’il continuait à tourner mal pendant plusieurs mois de suite, ce soir-là arriva, le 17 Tévet 5762. Il faisait froid, un temps d’hiver au dehors, et nous étions congelés au-dedans… car c’est le soir où Roubi n’est pas rentré à la maison, il n’est pas rentré… Nous l’avons attendu, réveillés, nous avons tenté de comprendre ce qui se passait, nous avions l’habitude qu’il rentre tard, mais il ne nous téléphona que vers deux heures du matin, en nous demandant de ne nous faire aucun souci pour lui, tout allait bien pour lui, il nous annonça qu’il ne comptait pas revenir, et un instant plus tard, il raccrocha.
Je tentai de recomposer le même numéro, mais c’était une cabine publique. À partir de ce jour-là, Roubi coupa les liens, il ne vint pas nous rendre visite, il ne voulait pas entendre parler de sa famille, ni nous reconnaître. De temps en temps, nous recevions des nouvelles de ses voyages dans le monde, ou le bonjour de quelqu’un qui l’avait aperçu quelque part dans une ville étrangère et éloignée, mais il ne souhaitait avoir aucun contact avec nous, il nous fuyait.
C’est déchirant, ajouta la mère en éclatant à nouveau en pleurs, je n’arrête pas de penser à lui, à ce qui lui arrive, où il se trouve, ce qu’il fait et qui se soucie de lui. C’est comme si on m’avait arraché un bout de mon cœur et qu’on l’avait envoyé vers l’inconnu… La honte ne m’intéresse plus, ce que diront les voisins n’est plus un sujet de conversation. Un seul sujet me préoccupe, c’est notre Roubi, un hippie qui nous a filé entre les doigts, qui a troqué un puits d’eau vive pour une vie d’ignorance, de puanteur et de saleté. Je n’arrive pas à supporter ce malheur, que puis-je faire ? »
Le Rav et la Rabbanite écoutèrent attentivement les propos de la maman, une douleur terrible et éprouvante s’échappait de chacun de ses mots et de ses larmes. Ils lui proposèrent de boire et de se calmer, de s’installer confortablement sur le canapé et de se détendre. Quelques minutes plus tard, la Rabbanite lui fit une proposition surprenante : « Le pouvoir de nos sentiments est très grand, et nous ignorons la force et les facultés qui se trouvent en nous. Pour le moment, tes sentiments à son égard sont trop forts à supporter, cela te fait tellement mal, il s’est éloigné de ses parents qui l’ont mis au monde, et les sentiments à son égard oscillent entre la colère et la déception, la détresse et la frustration constantes. Tentons de changer de disque… », déclara la Rabbanite, et se mit à expliquer son idée révolutionnaire :
« Je te conseille, à partir d’aujourd’hui, chaque jour, de trouver une heure calme dans la soirée, et de lui écrire une lettre émouvante où tu le complimentes sur les aspects positifs de sa personnalité. Il est vrai que ce n’est pas facile, car l’image de lui qui vient à l’esprit met en valeur ses côtés négatifs, qui font mal. C’est un sentiment négatif qui se forme, mais on peut tenter de se souvenir d’expériences de l’enfance qui créent la nostalgie, ou d’une qualité qu’il n’a pas perdue… »
La femme la regarda, surprise, et la Rabbanite poursuivit : « Et alors, écris-lui simplement une lettre. Par exemple : "Mon cher Roubi ! Tu te trouves au loin, mais je sais qu’au fond de ton cœur, tu as une étincelle de nostalgie par rapport à tes parents, au foyer où tu as grandi. Tu étais un garçon aimé et qui aimait tellement la famille, qui aimait les autres, et il ne fait aucun doute que ce sentiment ne t’a pas totalement quitté… ", ou encore : "Mon cher Roubi ! Je sais que tu es un enfant obstiné, mais je me souviens très bien de toutes les fois où cette obstination t’avait conduit à l’excellence et à des performances étonnantes. Roubi ! Tu as un pouvoir d’obstination béni, gravé dans ton sang, et certainement tout ce à quoi tu aspires, tu réussis à l’obtenir !" »
Les yeux de la femme s’écarquillèrent, elle avait tant de mal à croire qu’elle pouvait exprimer ses sentiments positifs vis-à-vis de Roubi, mais la Rabbanite lui donna des explications, cita des exemples abondants, illustra comment trouver en Roubi des points de lumière, et l’enjoignit à les mettre par écrit. « Écris-lui une lettre, chaque jour. Complimente-le, adresse-toi à lui avec chaleur, amour, comme une mère à son fils chéri. Bien entendu, il ne lira ni, ne recevra les lettres, mais toi - c’est toi qui vas les lire chaque jour ; relis-les plusieurs fois… »
Le premier jour, elle mordit le stylo, et réussit à peine à écrire trois mots : « Mon cher Roubi. » Des sentiments douloureux la submergeaient, elle avait du mal à lui écrire, elle n’arrivait pas à écrire plus que cela, et elle ne fit que lire ces trois mots-là, à plusieurs reprises, encore et encore et encore. Quelques jours plus tard, elle ajouta un compliment authentique, de sa plume : « Mon cher Roubi ! Je suis sûre que tu souris encore à tes amis ! » Elle signa de son nom et relut la lettre à plusieurs reprises…
Dans une grande enveloppe brune, les lettres s’accumulaient l’une après l’autre, un trésor de papiers bouleversant le cœur et l’esprit, du cœur d’une maman aimante et languissante, qui attendait son fils bien-aimé, parti au loin. Les premières lettres étaient courtes, mais, peu à peu, elles s’allongèrent, de plus en plus… Ses lettres ne la soulageaient pas, au contraire. Elles augmentaient le sentiment de douleur et de tristesse. Mais, malgré tout, elles transformèrent la déception en nostalgie, la frustration en désir, et la colère en aspiration ardente de le revoir… Ceci dura plusieurs mois, du milieu du mois de Tévet jusqu’au mois de Nissan. Une fois le mois de Nissan entamé, avec les préparatifs brûlants à l’approche de la fête de Pessa’h, la mère continua à écrire une lettre quotidienne de compliments à Roubi, même au prix de minutes précieuses des préparatifs de la fête…
Onze mots qui donnent des frissons : « Maman ? C’est Roubi. Je peux rentrer à la maison pour Pessa’h ? »
C’était le soir de la Bédikat ‘Hamets. Après de nombreux préparatifs et un nettoyage complet, la recherche du ‘Hamets s’acheva et les préparatifs en vue de la soirée du Séder commencèrent. Ce soir-là, la mère s’assit aussi pour écrire une lettre, où elle complimenta Roubi sur son sens de l’esthétique, qui l’avaient aidée pendant ses préparatifs à l’approche de la fête de Pessa’h. Ce soir-là, le téléphone interrompit le silence. « Maman ? C’est Roubi. Je peux rentrer à la maison pour Pessa’h ? » Il parla ainsi simplement, brièvement, avec ces quelques mots clairs et tranchants.
Il lui fallut du temps pour se remettre du choc, elle eut même du mal à reconnaître sa voix. Elle répondit : « Oui, avec plaisir », l’air de rien, comme si elle s’attendait à cette question à chaque instant. Ce n’est que lorsqu’elle entendit le son du téléphone décroché qu’elle comprit que la conversation était finie, et le choc et la stupéfaction se transformèrent en attente à se ronger les ongles… Quarante minutes plus tard, on entendit des coups frappés à la porte. Un jeune homme se tenait devant la porte, vêtu un peu avec négligence, affichant un sourire un peu embarrassé, et au coin de ses yeux, des larmes de regret et de nostalgie. Il entra à la maison, se défit du sac qu’il portait sur les épaules, et annonça : « Après avoir visité le monde entier, je suis rentré au meilleur endroit du monde ! »
La maman se tenait au bout du salon, refusant de croire ce qu’elle voyait devant elle. Elle rougit et pâlit tour à tour, son cœur battait la chamade. L’atmosphère était un peu tendue, mais chaque minute qui passa libéra le stress, calma la tension, transforma l’embarras en grande nostalgie entre la mère et son fils bien-aimé, entre un fils qui s’était éloigné et une maman qui se languissait, qui essuyait des larmes de bonheur et de joie, et ne savait pas quoi faire d’elle-même… « Quoi, c’est vrai ? » fut la réaction brève qu’elle réussit à formuler, refusant de croire à ces derniers développements… « Oui, c’est vrai, tout à fait vrai ! », répondit le jeune homme dont les larmes coulaient sur ses joues, se mêlant aux pleurs de sa mère…
Ils restèrent assis de longues heures sur le canapé, et il racontait encore et encore… en partie ce qu’il avait vécu, tout ce qui s’était passé, et il reconnut ses erreurs et demanda pardon du plus profond du cœur. Finalement, il révéla le secret qui l’avait ramené à la maison :
« Je ne sais pas pourquoi, mais ces derniers mois, au milieu de l’hiver environ, j’ai commencé à ressentir que personne au monde ne m’aimait comme maman, que j’aime notre maison plus que tout au monde. J’ai soudain commencé à me languir de ma mère, soudain, j’ai senti que j’étais obligé de rentrer à la maison, de revenir vers elle… Je pensais que c’était un sentiment passager, que ça passerait, mais ce sentiment se renforça de plus en plus chaque jour. Ces dernières semaines, mon cœur éclata, je sentis que je ne pouvais plus le supporter… J’ai ressenti que personne au monde ne m’aimait, que je n'étais désirable nulle part, que personne ne désirait ma proximité, à part ma mère, bien sûr… »
« Cela a été difficile pour moi, tellement difficile, relate Roubi, en essuyant ses larmes, mais finalement, j’ai trouvé le courage et l’audace, et j’ai fait le pas. J’ai téléphoné et je suis arrivé, car personne ne m’aime plus au monde que ma maman, j’en suis sûr ! »
La nuit de la Bédikat ‘Hamets avait laissé le passage au jour avec le soleil qui pointait à l’horizon. Une nouvelle matinée commençait, le vent bougeait délicatement le grand rideau du salon. Et alors, la maman apporta la masse de lettres écrites par ses soins et révéla le secret de l’aimant… « Ces derniers mois, mon cher Roubi, j’ai décidé de me languir. J’ai mis de côté toute la douleur et la déception, et j’ai commencé à ne voir en toi que le bien, à ne penser que du bien de toi, à te complimenter de tout cœur autant que possible. Tu n’étais pas là pour écouter, mais ton âme a entendu, ton cœur l’a ressenti… et maintenant, tu es là ! Car ces lettres ont agi, t’ont relié à nous et t’ont ramené à la maison. Car le lien des cœurs est plus fort que tout lien physique, que toute autre communication. Lorsque j’ai commencé à écrire à quel point tu es bon, à quel point tu es spécial, tu as commencé à penser la même chose, et c’est ce qui t’a ramené à la maison… »
Quelle douleur infinie, un océan de tristesse, de déceptions et frustrations, accompagne les sentiments qui se forment entre parents et enfants, entre enseignants et élèves, entre partenaires d’une affaire, et entre amis, il arrive que les relations interpersonnelles dans la famille s’érodent, entre frères et sœurs, oncles et neveux, voisins et proches… Le cœur crie, pleure, implore et hurle. Les relations se relâchent, les liens sont rompus, le conflit s’envenime, et nous ne voyons pas d’issue au problème. Que fait-on ? Comment stopper cette détérioration, comment modifier la situation ?
Nous avons la faculté de changer, cela ne dépend que de nous. Transformons notre esprit, nos pensées. Voyons-le bien, concentrons-nous sur lui, accrochons-nous à lui, uniquement à lui. Oui, même notre voisin qui nous énerve parfois, voyons combien il fait d’efforts dans le domaine du respect aux parents, et reçoit ses parents âgés chaque Chabbath. Même celui qui est assis en bout de table à la synagogue, avec lequel nous aimerions entrer en contact, mais sans succès, voyons à quel point sa prière est agréable et fluide…
Et l’élève assis au bout de la classe, et qui dérange coup sur coup, avons-nous remarqué qu’il a cédé le ballon à un autre enfant ? Il vaut peut-être la peine de le faire remarquer à voix haute, peut-être vaut-il la peine de l’inscrire sur un petit papier et de le lire avant de dormir ? Et la fille dont les résultats scolaires sont en chute libre, et le garçon qui préfère jouer plutôt que d’assister aux cours - essayons de penser qu’ils sont souriants et font plaisir aux autres, à quel point ils ont bon cœur. Et cet ami qui me regarde de haut ces dernières semaines, ai-je oublié qu’il est extrêmement doué ?
Voyons-le bien, pensons positif, concentrons-nous sur le bien qui se trouve chez autrui, il y a tellement de bien chez l’autre. Connectons-nous à ce bien ! Convainquons-nous de sa bonté et du fait qu' il est doté d’une âme particulière et prodigieuse ! La conséquence est claire : dès l’instant où nous nous convainquons qu’untel est vraiment bon, qu’il a une personnalité positive et lumineuse, il est clair que ces idées lui parviendront, il va de soi que son cœur ressentira le changement au même instant, et le résultat positif, nous le ressentirons immédiatement !
Compétition de mots positifs
Dans une famille nombreuse où régnait la joie de vivre, un long conflit triste et continu s’installa entre frères et sœurs. L’atmosphère à la maison devint tendue et peu agréable, et les parents étaient désemparés. Ils s’adressèrent alors à l’un des Rabbanim de la génération, en posant cette question : « Que faire ? Comment remettre la maison sur les rails d’amour et d’union entre frères et sœurs ? » La recommandation donnée fut révolutionnaire : « Pendant la semaine, chaque parent et enfant recherchera des points positifs et des bonnes conduites chez les autres membres de la maisonnée, et les inscrira sur une feuille, pour bien s’en souvenir. Au moment du repas de Chabbath, chaque membre de la famille se lèvera à son tour et dira ce qu’il a trouvé, quel point positif il a relevé dans la conduite de ses frères et sœurs… » La première semaine, cette cérémonie fut quelque peu étrange, mais, au fil du temps, cela devint naturel… Les enfants se faisaient la concurrence pour savoir qui trouverait un point plus positif, qui réussirait à développer une qualité moins évidente…
La compétition sur les compliments devint de plus en plus sophistiquée, et élimina l’atmosphère désagréable, la haine et les désaccords pour faire place à la vérité, à la paix et à l’amour. Si vous voyez dans la rue un enfant qui suit son frère et cherche à le voir accomplir une bonne action, sachez que cet enfant appartient à cette famille, qui a adopté une habitude si saine.
Tentez-le à votre tour, c’est chaudement recommandé, ça marche toujours !
Rav Acher Kovalsky