Yaïr Lapid, dirigeant du parti Yech ‘Atid, a annoncé au président d’Israël, Rouvi Rivlin, qu’il est parvenu à obtenir la majorité nécessaire pour former un gouvernement. Si tout se passe comme prévu, il aura réalisé l’impossible, celui d’écarter Netanyahou, au pouvoir en Israël depuis plus de quinze ans. Pour cela, il a réuni autour de lui beaucoup de petits partis qui a priori s’opposent radicalement dans leur programme politique : d’un coté Benett (Yamina), Sa’ar (Tikva ‘Hadacha) et Lieberman (Israël Béténou) tous de droite, et d’un autre côté la gauche (‘Avoda), l’extrême-gauche (Merets) et Mansour Abbas (Ra’am) à la tête d’un parti arabe. Mais comment ce gouvernement va-t-il fonctionner avec de tels antagonismes ?
Essayons d’analyser tout d’abord comment Lapid est parvenu à les convaincre de siéger ensemble. Il y avait bien sûr cette volonté commune et obsessive de vouloir évincer Netanyahou à tout prix, mais cela n’est pas tout. En vérité, cela fait plusieurs années que le débat en Israël n’est plus “gauche ou droite”. Depuis l’échec cuisant des accords d’Oslo, l’idéal de la gauche de vivre en paix avec les Palestiniens en créant deux souverainetés a été enterré faute de partenaire du coté palestinien. Aujourd’hui, l’enjeu tourne autour du maintien ou au contraire de l’annulation des valeurs juives fondamentales comme le Chabbath ou le mariage religieux, qui font partie jusqu'à maintenant des fondements de cet Etat. Lapid voudrait séparer la religion de l’Etat comme l’ont fait la plupart des Nations occidentales, reconnaître les conversions des réformés, annuler le repos du Chabbath dans les institutions publiques et de façon générale, faire d’Israël un Etat totalement laïque. Pour réaliser son dessein, il a vite convaincu ceux qui partagent ses vues sur la laïcité (comme Lieberman et la gauche) de se joindre à lui, et pour les autres, il y est parvenu en leur proposant des cadeaux alléchants. C’est ainsi que Benett sera nommé chef d’Etat (à sa place!), malgré le peu de mandats que son parti a obtenu (1/20ème du total des sièges !), oubliant la Kippa qui repose sur son crâne ainsi que l’idéologie sioniste qu’il est sensé représenter ; Abbas, lui, recevra 50 milliards de Chékels pour les besoins de la population arabe.
Si dans les médias on se frotte les mains d’une telle prouesse, le peuple dans sa majorité est loin d‘être rassuré par l'évincement d’un Netanyahou qui a fait ses preuves et qui est considéré comme un des chefs d’Etat les plus compétents du monde. N’oublions pas aussi que les habitants de Tsion sont pour la plupart proches de la Tradition et tiennent aux valeurs juives établies. Mais il y a encore une autre raison d’être soucieux :
Le Talmud (Baba Batra 73b) rapporte un récit incroyable : le Sage Baba Bar Bar ‘Hanna raconte que lors d’un voyage en mer, les passagers aperçurent une île avec de la végétation. Ils y descendirent et commencèrent à allumer un feu afin de cuire un repas. C’est alors que ces hommes ressentirent un tremblement de terre inquiétant et ils retournèrent vite sur leur embarcation. La vision qui s’offrit à leurs yeux était ahurissante : en fait, cet îlot reposait sur le dos d’une énorme baleine et lorsque celle-ci ressentit la chaleur du feu, elle plongea dans les eaux pour se rafraîchir ; si ce n’était la proximité avec leur bateau, ils se seraient tous noyés.
Évidemment, ce texte n’est pas à comprendre au sens littéral, mais comme une allégorie. Les personnages sur l’embarcation représentent les Juifs en exil, après la destruction du second Temple. Cet exil est long et pénible, et la tentation d’y mettre fin et de connaître la tranquillité comme les autres Nations est très forte. Lorsqu’ils aperçoivent un îlot, les Juifs y débarquent et très vite cherchent à s’installer en imitant les mœurs locales. C’est alors que le sol se dérobe sous leurs pieds, car l’Eternel ne les laisse pas réaliser leurs désirs, et seule la proximité de leur embarcation que représentent Torah et Mitsvot leur permettra d’être sauvés.
Tel est notre destin, l’Histoire l’a confirmé, notre salut dépend uniquement de notre attache à notre patrimoine. Ceux qui recherchent une autre alternative risquent de voir leurs rêves balayés par un coup de queue brutal de la baleine sur laquelle ils se sont installés. Et même en terre sainte, ce désir de conformisme aux Nations peut s’exprimer. Que D.ieu nous protège !