Question d’Avraham L.

Bonjour Rav Scemama,

Je suis Ba’al Téchouva depuis quelques années, je vis en France et j’aimerais à l’avenir faire mon Alyah en Israël. Cependant, je me pose des questions auxquelles j’aimerais obtenir des réponses avant un tel engagement.

1) Y a-t-il une Mitsva aujourd’hui d’habiter en Israël, et si la réponse est positive, faut-il s’empresser de l’accomplir, comme toute Mitsva ?

2) Indépendamment de la Mitsva, y a-t-il de nos jours d’autres avantages d’ordre spirituel à venir vivre en Israël ?

3) Le fait que le gouvernement et une bonne partie du peuple qui y vit soient laïques a-t-il des conséquences sur la sainteté de cette terre ?

4) La Torah écrit que la terre vomit ses habitants quand ils commettent des fautes graves. Faut-il redouter un tel décret face au comportement de certains individus qui, en Israël, font la guerre au Chabbath et à la Torah ?

Je vous remercie d’avance pour votre réponse.

Réponse du Rav Daniel Scemama

Bonjour Avraham,

Je vais essayer de répondre à vos questions le plus clairement et brièvement possible - car elles demanderaient de longs développements -, en essayant de traduire fidèlement la pensée de nos Maîtres.

1) Il est certain qu’il y a aujourd’hui une Mitsva d’habiter en Israël, mais cette Mitsva est particulière et elle dépend de beaucoup de paramètres.

Tout d’abord, pendant des siècles, il n’était pas possible de l’accomplir à cause des dangers que cela représentait et de la difficulté d’assurer sa subsistance en Israël. Cela n’a pas empêché le peuple hébreu de prier pour espérer y revenir et qu’il y a eu quelques individus qui sont parvenus à y résider, souvent pour venir y mourir.

Il y a plus de 200 ans, le Gaon de Vilna et le Ba’al Chem Tov ont pressenti que, dans le Ciel, on allait permettre dans un avenir proche aux Juifs de revenir sur leur terre, et ont envoyé des élèves créer les premiers noyaux de l’installation juive en Israël. Des communautés à Jérusalem, Tibériade, Tsfat et Yafo ont éclos. Plus tard, d’autres Juifs sont venus s’installer courageusement dans le pays, tout en sachant que la subsistance était très difficile et, dans la plupart des cas, vivaient de dons de la Gola (Juifs de la diaspora). Ce n’est qu’après la Shoah, lorsque les nations ont approuvé la décision du retour des Juifs en Israël pour y fonder un État, que la Alyah a pris de l’ampleur, et aujourd’hui, on peut considérer que la moitié des Juifs du monde résident en Israël. J’ai rapporté cet historique pour illustrer pourquoi la Mitsva d’habiter en Israël n’a été véritablement envisageable qu’à une époque assez récente.

Nos Maîtres mentionnent une autre raison qui nous dispense de la Mitsva : si, pour diverses raisons, il nous était impossible d’accomplir certaines Mitsvot, comme celles qui ont un rapport avec la terre (Chémita, ‘Orla, Troumot et Ma’asserot, etc.), nous sommes dispensés de la Mitsva de Yichouv Erets Israël (cf. Tossefot Ketouvot 110b), à plus forte raison s’il y a un risque, pour nous comme pour notre progéniture, de s’écarter de la Torah. Israël est considéré comme le palais du Roi (D.ieu) et il est important d’avoir un comportement en conséquence.

Habiter en Israël est une grande Mitsva, mais elle n’est pas comparable à la Mitsva des Téfilines (par exemple) qui, si l'on a omis de l’accomplir, est considérée comme une faute. Vivre et faire les Mitsvot en Israël donne une autre dimension à notre service Divin et à notre relation avec D.ieu. Nous y sommes en proximité avec l’Éternel et profitons de tous les bienfaits essentiellement spirituels de cette terre bénie. Ainsi, “l’air d’Erets Israël amène la sagesse et l’intelligence”, elle purifie l’homme de ses fautes, le libère des influences spirituellement négatives qui planent dans les autres pays du monde, etc.

Cette Mitsva dépend, comme nous l’avons mentionné, à la fois de la possibilité d’accomplir Torah et Mitsvot, mais aussi de pouvoir y vivre concrètement (subsistance, logement, communauté, écoles adéquates, etc.). C’est pourquoi, avant de s’engager, il est nécessaire de faire une étude du projet sous tous ses aspects afin de pouvoir le réaliser de façon optimale.

2) Vous faites bien de poser cette question, car, effectivement, il y a de nombreux aspects positifs d’ordre spirituel au fait de vivre en Israël à notre époque, indépendamment de la Mitsva. On y a créé des villes et des quartiers religieux dans lesquels l’accomplissement de la Torah est facilité, et la qualité de vie pour un pratiquant est importante.

On y trouve tout ce qu’un Juif religieux recherche : des synagogues et maisons d'étude à chaque coin de rue, des Talmudé Torah, Yéchivot et Collelim, des Mikvés, des magasins proposant tout ce qui est nécessaire selon la loi juive (alimentation Cachère, vêtements Tsni’out - pudiques - et sans Cha’atnez, téléphones et Smartphones protégés, etc.), des centres culturels hommes-femmes séparés et correspondant à l’esprit de la Torah, des organisations d’entraide, de prêts d’argent sans intérêt, et, bien sûr, beaucoup de grands Rabbanim et d’érudits en Torah.

L’atmosphère du Chabbath et des jours de fête est tout à fait spéciale et procure aux habitants un bien-être palpable. Ce sont des lieux où vol et déviation dans les mœurs sont pratiquement inexistants, et il n’y a évidemment aucune affiche non pudique. Malgré la densité d’habitants importante et la simplicité de ces lieux, il fait bon d’y vivre, comme le prouvent les enquêtes effectuées par le gouvernement.

3) La Kédoucha (sainteté) de la terre d’Israël n’a jamais disparu, ni quand elle était habitée par des païens, ni quand elle est peuplée de Juifs éloignés de la Torah. L’Admour de Tsanz, le Rav Halbershtein, compare la terre sainte à un Séfer Torah : même si celui-ci tombe dans les mains d’idolâtres ou d’impies, il conserve sa sainteté.

4) Nous ne sommes pas responsables des égarements de certains Juifs qui auraient choisi délibérément de se détacher du judaïsme. Le principe énoncé par nos Sages, comme quoi nous sommes tous garants l’un envers l’autre (“Israël ‘Arévim Zé Lazé”) ne concerne que ceux qui sont engagés par ce que la Torah nous ordonne, et qui trébuchent parfois.

De plus, les laïcs vivant en Israël ne sont pas véritablement responsables de leur conduite, car ils ne connaissent rien de leur patrimoine, et le Rav 'Ovadia Yossef encourageait tous ceux qui en avaient la possibilité de les rapprocher du judaïsme avec amour. D’ailleurs, il y a en Israël des centaines de milliers de Ba’alé Téchouva, mouvement qui ne fait que prendre de l’ampleur. Il faut aussi rapporter les nombreux miracles qui se sont déroulés en Israël, ce qui prouve bien l’amour de D.ieu pour Son peuple et Sa protection particulière à cette terre.

Beaucoup de Hatsla’ha Avraham et que l’Éternel vous guide dans vos choix.