Que s'est-il passé exactement ce 19 Kislev 1798 ?
En quoi cette date marque-t-elle un tournant décisif pour le mouvement ‘hassidique ? Et comment cette fête si particulière est-elle célébrée à travers le monde ? Éclairage avec le Rav Zalman Gurewitz, Chalia’h ‘Habad à Lyon-Villeurbanne, à l'occasion du 19 Kislev (ce vendredi 20/12/24).
Le 19 du mois de Kislev (ou Youd Tèt Kislev) est une date majeure dans la ‘Hassidout. Ce jour est célébré comme le "Roch Hachana de la ‘Hassidout". Que s'est-il passé exactement ce 19 Kislev 1798 ? En quoi cette date marque-t-elle un tournant décisif pour le mouvement ‘hassidique ? Et comment cette fête est-elle célébrée à travers le monde ? Décryptage avec le Rav Zalman Gurewitz, Chalia’h ‘Habad à Lyon-Villeurbanne.
Un peu d’histoire
Remontons environ 300 ans en arrière. C’est à cette époque, au début du XVIIᵉ siècle, que le Ba’al Chem Tov fonda le mouvement de la ‘Hassidout, quelque part dans les plaines de la Podolie.
À cette époque, le peuple juif était divisé en deux catégories, formant chacune une sorte de caste : les Juifs instruits, qui étudiaient la Torah, occupaient des postes importants ou faisaient du commerce ; et les Juifs simples, artisans ou travailleurs de la terre. Si tous étaient pieux, ils constituaient néanmoins deux groupes distincts que rien ne semblait rapprocher. Ils vivaient à part, ne se mariaient pas entre eux et parfois même priaient dans des synagogues différentes. Le fossé était tel que le Ba’al Chem Tov crut déceler un risque de schisme au sein du peuple juif. C’est ainsi que ce géant de la pensée et de la bonté entreprit de revaloriser la ‘Avodat Hachem de tout un chacun, même du plus simple des Juifs : la ‘Hassidout était née.
Le Maguid de Mezeritch, l’un des principaux élèves du maître de la ‘Hassidout, eut à son tour un élève d’un niveau inégalé : Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi (1745-1812), qui devint plus tard le premier Admour de la dynastie ‘Habad. Dans son œuvre principale, le Tanya, celui que l’on surnommait l’Admour Hazaken vulgarise certains concepts jusque-là réservés à une élite et s’emploie à diffuser le message révolutionnaire de la ‘Hassidout au plus grand nombre.
Les ‘Hassidim aiment rappeler que le nom Chnéor (qui signifie littéralement "deux lumières") fait référence au fait que le Ba’al Hatanya brilla aussi bien dans la Torat Haniglé (la face révélée de la Torah) que dans la Torat Hanistar (la Torah ésotérique).
Accusation mensongère et procès expéditif
En plus de son incommensurable érudition, l’Admour Hazaken s’employait également à une activité hautement suspecte aux yeux des fonctionnaires du Tsar : il collectait et envoyait des fonds aux Juifs vivant dans le dénuement le plus total en Erets Israël, alors terre désertique et infertile. Il n’en fallut pas plus à certains pour accuser le Rabbi de trahison envers la Russie tsariste et d’intelligence avec l’ennemi, soit l’Empire ottoman qui régnait alors sur Erets Israël.
Le Rabbi fut brutalement arrêté, accusé, puis emprisonné dans les geôles tsaristes d’une forteresse située sur une île de la Neva, à Saint-Pétersbourg. Il y accueillit quelques jours plus tard ses maîtres, venus lui rendre visite. L’Admour Hazaken les interrogea : "Quelle terrible accusation céleste me vaut un tel châtiment ?" ; ce à quoi les Sages répondirent : "Tu es accusé dans le Ciel d’avoir pris des diamants [les enseignements ésotériques de la ‘Hassidout] et de les avoir traînés dans la boue [rendus accessibles au commun des mortels] !" "Devrais-je stopper mon œuvre ?", interrogea encore le Rabbi. "Non, tu la poursuivras, car elle est appelée à s’étendre jusqu’aux confins de l’univers", répondirent les maîtres dans une phrase depuis restée célèbre.
Le 19 Kislev de la même année, alors que l’Admour Hazaken était plongé dans la lecture du psaume 55 et qu’il prononçait les mots : "Il libéra mon âme saine et sauve", on vint lui annoncer sa libération. Les accusations avaient été démontées, le mensonge dévoilé. L’Admour Hazaken put regagner sa communauté et rejoindre ses disciples. Fort de l’affirmation de ses maîtres, il entreprit de diffuser avec plus de force encore les enseignements de la ‘Hassidout, désormais parfaitement convaincu de la nécessité de sa démarche.
Récits et Farbrengen
"Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les ‘Hassidim de ‘Habad qui fêtent le 19 Kislev, mais l’ensemble des ‘Hassidim, tous mouvements confondus et même au-delà", nous confie Rav Zalman Gurewitz. Lorsqu’on lui demande pourquoi plusieurs figures de la dynastie ‘Habad furent emprisonnées sans que leur libération ne suscite de telles célébrations, il répond : "Certes, mais il s’agit ici à la fois du fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad et du premier Rabbi ayant connu un tel sort. Mais la véritable raison est que cet événement permit à l’Admour Hazaken de comprendre que son œuvre de diffusion de la ‘Hassidout était agréée par le Ciel, ce qui l’amena à la décupler dès sa libération. C’est pourquoi cette date concerne l’ensemble de la mouvance ‘hassidique."
Aujourd’hui, le 19 Kislev donne lieu à d’importantes célébrations en Israël et dans les communautés juives du monde entier. Les Juifs se réunissent pour écouter des récits et des cours de Torah, généralement inspirés de la ‘Hassidout, et pour fêter ce nouvel an particulier autour d’un Farbrengen.
Souhaitons une belle et heureuse année à la ‘Hassidout : puissent ses enseignements éclairés traverser les mers et atteindre les confins de l’univers !