Question de Rébecca M. :
"Chalom Rav Scemama,
J’aimerais connaître votre avis sur un différend qui a surgi entre ma fille et moi.
J’ai fait Téchouva avec mon mari peu après notre mariage, il y a de cela 20 ans, et, grâce à D.ieu, nous avons placé tous nos enfants dans des écoles religieuses. Mon aînée vient de terminer son séminaire et elle est encore plus pointilleuse que moi dans le respect des lois juives.
Elle est en âge de se marier, et j’ai fait savoir un peu partout autour de moi que nous cherchons un bon parti pour elle. Mais je n’ai pas obtenu jusqu'à présent la moindre proposition. Je suis certaine que la raison de cet état de choses est son excédent de poids assez important, bien qu’elle soit très mignonne - tout le monde le reconnaît.
J’insiste auprès d’elle pour qu’elle commence un régime sérieux, si elle tient à se marier, mais elle me répond à cela deux arguments :
1) « Toi aussi tu es corpulente et pourtant cela n’a pas empêché Papa de t’épouser », me dit-elle, ce à quoi je réponds que son père m’a connue mince et que je n’ai commencé à grossir qu’après ma deuxième grossesse.
2) « C’est D.ieu qui décide qui sera mon conjoint, et ce n’est certainement pas à cause de quelques kilos supplémentaires que mon parti prédestiné par l’Éternel va m’échapper », me dit-elle.
De mon côté, je suis persuadée d’avoir raison, mais elle n’est pas prête à m’écouter tant que je ne lui apporte pas l’avis d’un Rav, c’est pourquoi je me tourne vers vous.
Merci d’avance pour votre réponse."
Réponse du Rav Daniel Scemama
Chalom Rébecca,
Dans cette discussion avec votre fille, vous avez raison sur un point et tort sur un autre.
Je vais développer ma réponse à l’appui d’un texte de nos Sages du Talmud.
1) La Guémara (traité Nédarim 66a) rapporte un fait :
« Quelqu’un à qui on voulait proposer sa nièce en mariage, avait refusé cette proposition, car il l’avait trouvée laide, et, pour éviter toute tentative de pression sur lui, il avait même prêté serment qu’il ne se marierait jamais avec cette jeune fille.
On a amené cette jeune fille auprès de Rabbi Ichmaël, qui était un des grands Sages de son époque, en lui rapportant les faits.
Il demanda à son entourage d’acheter de beaux vêtements pour cette jeune fille, de lui arranger ses dents qui étaient abîmées, et de tout faire pour l’embellir, cela, évidemment, aux frais de Rabbi Ichmaël. Après cela, le Rabbi montra la jeune fille à son oncle (le prétendant) et lui demanda s’il était prêt à se marier avec elle. L’oncle accepta immédiatement en disant que si on la lui avait présentée déjà la première fois sous cet aspect, il n’aurait jamais refusé. Le Rabbi le délia de son serment et ils se marièrent.
Sur ces faits, Rabbi Ichmaël se mit à pleurer et déclara : "Les filles d’Israël sont belles, mais c’est la pauvreté qui les enlaidit."
À sa mort, beaucoup de femmes l’ont pleuré, car il avait permis aux jeunes filles pauvres de se marier par ses dons et le souci qu’il leur portait. »
Le texte parle de lui-même. On voit clairement que Rabbi Ichmaël va tout faire pour embellir la personne et lui permettre de se marier, et non pas baisser les bras en disant le fatidique : « Tout vient du Ciel, et il n’y a rien à faire, ce n’était pas son "Mazal" ».
Aujourd’hui, les critères esthétiques ont changé et l’excès de poids est perçu comme quelque chose de disgracieux.
Personnellement, j’ai pu voir 90% des jeunes gens à qui j’ai demandé de me citer les principales qualités qu’ils recherchent chez une jeune fille en vue d'un mariage, me mentionner entre autres « qu’elle soit mince ».
C’est pourquoi, vous pouvez transmettre à votre fille de ma part qu’elle doit absolument perdre du poids ; cela fait partie de la « Hichtadlout » (l’effort normal que l’on fait en ce monde-ci pour obtenir quelque chose), et qu’elle soit rassurée, son Zivoug ne lui échappera pas à cause de cela…
J’ouvre ici une parenthèse au sujet de cette phrase magnifique : « Les filles d’Israël sont belles, mais c’est la pauvreté qui les enlaidit ». Il est certain que Rabbi Ichmaël, en affirmant que les filles d’Israël sont belles, ne parlait pas seulement de leur aspect physique. Il y a en effet dans le peuple juif, comme chez tous les peuples, des filles belles et d’autres qui le sont moins.
Mais les filles d’Israël ont des atouts de grâce et de beauté qu’on ne trouve nulle part ailleurs : ce sont ces qualités de pudeur, de Yirat Chamayim (crainte du Ciel), de bonté naturelle, acquises de nos Matriarches et transmises de génération en génération, qui font toute la splendeur des « Bnot Israël ».
Mais si l’aspect extérieur est négligé, cette beauté est estompée. C’est pourquoi, Rabbi Ichmaël pleurait, car ces jeunes filles n’en étaient pas responsables.
On déduit du texte que tout doit être mis en œuvre pour mettre en valeur nos filles. Même si les mamans sont parfois dépassées pour les conseiller, il ne manque pas de visagistes, coiffeuses et autres spécialistes qui sauront mettre en valeur leur beauté, car n’oublions pas ce que ce texte du Talmud nous affirme : « Les filles d’Israël sont belles », il faut juste ne pas cacher cette beauté par des négligences dans le paraître.
2) Mais là où vous avez tort madame, c’est que vous pensez qu’une fois mariée et après avoir donné une descendance à son mari, on peut se permettre de se négliger. Il est certain que dans de très nombreux cas, le laisser-aller de la femme provient de l’attitude du mari qui ne s’intéresse pas suffisamment à elle et ne la complimente pas lorsqu’elle se met en valeur. Il décourage chez son épouse tout désir de s’arranger et est le principal responsable du fait qu’elle se fane d’année en année (cf. Guide de la Téchouva, éd. Torah-Box, page 320, note 15). Mais, de vos paroles, je n’ai pas l’impression que c’est ici le cas.
Je vais vous rapporter un texte du Talmud (Ta’anit 23b) qui va montrer le souci de la femme juive de se mettre en valeur pour son mari, même dans des situations où l’on aurait pensé que cela n’est pas nécessaire.
Voici le texte :
« Nous étions en période de sécheresse et les Sages s'étaient rendus auprès d’un grand Tsadik, Aba ‘Hilkia, petit-fils de ‘Honi Haméaguèl, qui était réputé pour ses prières, comme son aïeul, afin qu’il prie pour la pluie. Les Sages s'étaient donc rendus dans sa demeure, mais il était absent, travaillant aux champs jusqu’à la tombée de la nuit.
Nos rabbins observèrent alors que son épouse, au moment approximatif où il devait revenir des champs, s’était parée de ses plus beaux vêtements et bijoux, et partait à sa rencontre pour revenir à ses côtés en traversant la ville. Étonnés de cette attitude, nos Sages interrogèrent Rabbi ‘Hilkia afin de comprendre le comportement de sa femme.
Ce dernier loua son épouse pour cette initiative en disant qu’elle agissait ainsi afin qu’il ne soit pas tenté de porter son regard sur d’autres femmes. Sa femme l’aidait à se maintenir dans un état de pureté élevé pour son service divin. »
Remarquons que cet évènement se situe à une époque lointaine, sur la Terre biblique d’Israël, où toutes les femmes juives étaient pudiques. Notre Sage était le Baba Salé de l’époque, et rien ne l’intéressait si ce n’est Torah, Mitsvot et service de D.ieu.
Que dire de notre époque où l’indécence est de mise et où un Juif pratiquant a beaucoup de mal à protéger ses yeux et son esprit.
La femme juive a donc un rôle fondamental à jouer afin d’aider son mari à respecter cette Mitsva. Il faut qu’elle connaisse les atouts qu’elle possède pour maintenir la Kédoucha (sainteté) dans le couple juif.
C’est pourquoi, il y a ici un appel aux Bnot Israël : de même que c’est grâce à votre mérite que les Bné Israël sont sortis d’Égypte, c’est aussi grâce à vous que l’on pourra connaître rapidement la délivrance de la fin des temps.