Le Tsimtsoum ? Non, ça n’est pas le nom d’un restaurant asiatique !
C’est l’un des concepts les plus connus de la mystique juive. Il a été introduit par le Ari Hakadoch comme il est écrit dans le Ets ‘Haïm : “Avant que ne jaillissent toutes les émanations et soit conçues toutes les créations, il y avait une Lumière suprême qui remplissait toute la réalité, et il n’y avait aucun lieu libre de sa présence mais tout était rempli de la Lumière infinie… Et quand D.ieu voulut créer les mondes… Il rétracta cette Lumière... et il resta alors un espace vide.
D.ieu se serait donc rétracté pour donner la place aux mondes.
C’est cette rétractation qu’on appelle le Tsimtsoum.
Mais ceci est quand même bien étrange.
- Comment peut on dire que D.ieu se rétracte et qu’il s’est formé un espace vide de Lui étant donné que le concept de corporalité Lui est totalement étranger ?
- de quelle nature serait ce vide. N’est-il pas dit dans les prophètes que le monde est rempli de Sa gloire ? N’est-il pas dit dans le Zohar qu’aucun lieu n’est libre de sa présence ?
- N’est-il pas dit également dans les prophètes : “Moi D.ieu Je n’ai pas changé” ? Le concept même de Tsimtsoum semble être en contradiction avec ce principe. Il introduit une idée de changement chez D.ieu.
Pour comprendre tout cela, il faut d’abord faire une distinction entre D.ieu dans Son essence et sa Lumière (de la même manière qu’il faut différencier le soleil, des rayons qui émanent de lui).
L'Essence de D.ieu est la réalité véritable, elle est appelé le Yech Hahamiti, l'existant véritable. Le Rambam écrit "Il (D.ieu) est toujours d'une existence nécessaire et son existence n'est pas quelque chose de nouveau en Lui ni un accident qui lui soit survenu". On ne peut le définir et cerner Sa nature ou son niveau. La seule chose que l'on sait c'est qu'Il est.
Il n'a pas de cause, il est antérieur à toute chose et n'a ni début ni fin. Son essence est simple et non composite.
Il est tout puissant, il marie les contraires, unité et multiplicité, fini et infini pour Lui ne sont pas considérés comme contraires. Ainsi, Il est appelé le "Nimna Hanimnaot" : “l'empêcheur des empêchements.”
Son Essence par définition ne se dévoile pas. Aucune créature quelle qu’elle soit ne peut avoir de rapport avec l’Essence, elle ne peut être perçue. D.ieu peut donc se trouver dans tous les mondes spirituels ou matériel sans que cela ne gène leur existence. On ne parle donc pas de Tsimtsoum pour l’Essence de D.ieu mais bien pour la Lumière qui en émane comme les rayons émanent du soleil. La lumière, c’est le dévoilement, il y a donc lieu de la cacher car quand D.ieu se dévoile, rien d’autre ne peut exister. C’est le Tsimtsoum. Dieu a donc rétracté sa lumière. Mais attention ! Cette rétractation n'est pas à prendre au sens littéral. Elle procède du potentiel divin de la limite. En effet, bien que D.ieu soit surnommé l’infini béni soit il (Ein Sof Baroukh Hou), on ne peut pas dire qu’il n’ait pas la capacité de se limiter car dans ce cas on remettrait en cause Son absolue perfection. La création des mondes n'est donc qu'un délicat équilibre entre le potentiel de dévoilement et de non dévoilement du divin. Si l'on voulait prendre une métaphore, posons nous la question : dans une photo en noir et blanc, qu'est ce qui fait la photo ? Le noir ou le blanc ? Les deux bien sûr. Il en est ainsi pour la création des mondes. Dieu qui se cache, l'obscurité, la lumière qui se voile, c'est aussi D.ieu. Ceci est parfaitement illustré par la fameuse sentence "Hachem Hou Haélokim" (“C’est Hachem qui est D.ieu”) qui semble une vérité de La Palice. Elle renferme en fait le plus grand secret de la mystique. Hachem, le nom ineffable, le nom du dévoilement, c'est Elokim le nom du voile, de l'obscurité, de l'absence. Il n'y a pas de différence. Ce sont deux modalités du divin. C'est pour cela qu'il n'y a jamais lieu de s'émouvoir des épreuves et de la soi disant absence divine. Hachem Hou Haélokim ! Le Tsimtsoum, l'éclipse du divin, c'est aussi le divin !