Voilà 4 ans déjà nous quittait le grand rabbin de France Rav Yossef-’Haïm Sitruk, l’homme qui a réussi l’impossible : redresser le judaïsme français qui se noyait dans l’assimilation et l’amener vers le chemin de la Torah. Afin d’essayer de comprendre le secret de sa réussite, du pari fou qu’il a relevé, certains vont évoquer son charisme, son don d’orateur, sa faculté innée de chef ou encore la paix intérieure de son être qui s’exprimait par un sourire en permanence sur son visage.
Certains vont évoquer le fait que l’époque se prêtait à un retour aux valeurs juives, car si les Juifs issus de la génération des années soixante qui ont quitté l’Afrique du nord pour s’installer en France ont pu conserver une identité juive grâce au folklore et à la tradition qu’ils ont amenés avec eux, leurs enfants avaient besoin de quelque chose de plus authentique qui puise aux sources mêmes du judaïsme et qui leur permette de résister aux appels et aux tentations de l’Occident.
Si ces aspects sont indubitablement vrais, je me permets de rajouter 2 facettes incontournables du “phénomène” Jo Sitruk (comme il aimait signer dans sa jeunesse), qui sont à mettre au crédit de la richesse de sa personnalité et de sa recherche sincère du Emet.
Comme le raconte le Rav dans un livre autobiographique, il n’a pas grandi dans une famille particulièrement religieuse, et c’est par un choix personnel qu’il a progressé dans le judaïsme et qu’il a entamé une carrière rabbinique. Dans son évolution constante, il a toujours choisi la voie de la vérité : son Judaïsme ne constituait pas un “habit” de religieux qu’il aurait adopté et qui aurait pu “coller” avec son rôle de Rabbin.
Le Rav avait su rester lui-même sans nier ses passions de jeunesse comme les voitures, les matchs de football, le plaisir de conduire un bateau, l’humour et les mouvements de jeunesse, cela tout en étudiant la Torah et en fréquentant de grands Sages. Il avait trouvé le chemin qui le reliait à son passé tout en l’élevant vers un judaïsme actuel et dynamique.
Le terrain dans lequel il avait grandi n’était pas une embûche, mais servait de socle sur lequel il allait bâtir son propre édifice spirituel. Face à un tel rabbin, les fidèles se sentaient en confiance car les références du Rav Sitruk étaient aussi les leurs. Ils avaient devant eux à la fois un chemin tracé et ”praticable” qui pouvait leur permettre d’opérer des changements, mais aussi l’exemple d’un homme qui leur ressemblait, épanoui dans sa Torah.
La deuxième particularité du Rav d’ailleurs liée à la première, est que lorsqu’il découvrait un beau commentaire de la Torah ou une approche du service de D.ieu, il ne pouvait pas le garder pour lui tout seul. Il fallait qu’il le partage, comme un père partage les bonnes choses qu’il a achetées avec ses enfants. C’est avec tout l’engouement qui le caractérisait qu’il “offrait” ses trésors à ceux qui l’écoutaient. D’ailleurs le choix de quitter Marseille, où il résidait avec toute sa famille dans la tranquillité, pour monter à Paris et prendre le rôle de grand rabbin de France avec toutes les difficultés que cela représentait - et dont il était bien conscient - provenait de ce même point : “Pourquoi se limiter à faire connaitre la beauté de la Torah dans une seule ville, quand on peut le réaliser à échelle nationale ?”.
Le Rav a ouvert avec beaucoup d’abnégation la voie à des milliers de Juifs et même frappé par la maladie, il a continué sans relâche à enseigner et conseiller jusqu’au jour où lui a été accordé le repos éternel afin de pouvoir jouir du fruit de ses actes au Gan ‘Eden.
Que son souvenir soit une source de bénédiction ; que sa détermination, son sentiment de responsabilité envers ses fidèles et son amour indéfectible des Juifs et de la Torah soient pour nous source d’inspiration.
Rav Daniel Scemama