Alors que nous approchons de Pessa’h, nos mères, nos femmes et nos filles sont affairées à la préparation de la fête. Chaque jour, l’accès à un nouvel endroit parfaitement nettoyé nous est interdit. Le portail de sécurité ne s’ouvrira que lorsqu’une méticuleuse inspection prouvant que l’on ne porte pas sur soi du ‘Hamets aura été effectuée. Bientôt les bonnes odeurs de la cuisine vont flotter dans l’air. Mais au-delà du nettoyage et de la cuisine, on voit que le public féminin est spécialement investi dans cette fête au niveau des commandements. En effet, si pour les autres fêtes, la femme est dispensée des Mitsvot du jour (Loulav, Soucca, Chofar, veillées de Chavou’ot et de Hocha’ana Raba, danser avec le Sefer Torah à Sim’hat Torah), à Pessa’h elle a reçu l’ordre au même titre que l’homme de manger la Matsa et le Maror (ainsi que le sacrifice pascal au temps du Temple), de boire les 4 coupes de vin et de raconter la Haggada.
La raison rapportée par nos Sages est la suivante : les femmes ont pris une part active dans ce moment unique de l’Histoire. C’est en effet grâce aux femmes méritantes que nos ancêtres ont pu sortir d’Egypte (Sota 11b). Qu’y avait-il donc de particulier dans la conduite des femmes lors de la sortie d’Egypte pour que nos Sages le relève ?
Le Talmud rapporte que les hommes, épuisés par le travail qui leur était imposé, et découragés par les décrets cruels de tuer les bébés mâles, ne voulaient plus de relations avec leurs femmes. Leurs épouses vertueuses, qui croyaient fermement à une délivrance imminente, allaient tout faire pour réaliser cette Mitsva essentielle, qui incombe en général à l’homme : celle de procréer. Pour arriver à leurs “fins”, dans des conditions effroyables, elles comprirent qu’il fallait en urgence s’occuper du bien-être de leurs maris, en leur préparant à manger, en leur remontant le moral et ce, jusqu'à les amener à un état d’esprit propice à l’intimité. En d’autres termes, les femmes allaient prendre sur elles une Mitsva qui a priori n’était pas la leur, réalisant l’importance cruciale qu’elle représentait pour l’avenir du peuple d’Israël.
Nous avons beaucoup d’exemples dans l’histoire juive de personnes qui vont réaliser des actes de bravoure qui ne leur incombaient pas, car “l'heure” les réclamait. Par exemple, Rei’ha Sternbuch de Suisse (sœur du Rouv, Rav Rottenberg de Pavée) qui va sauver de nombreux juifs des griffes nazies en effectuant des “deals” très risqués avec le Satan et ce avec un sang froid incroyable, délibérant en tête à tête avec les Nazis hauts gradés. Plus tard, elle siégera avec les grands Rabbanim d’après-guerre pour essayer de reconstruire ce qui pouvait l’être dans le chaos qui régnait à cette époque, pressentant, en toute humilité, qu’elle était l’”homme” de la situation. De même, Dr Charles Merzbach va créer le premier lieu d’étude de la Torah à Paris dans les années cinquante et y amener un grand Rav (Rav Westheim) pour le diriger. C’est lui, “tout médecin qu’il était”, qui donna l’impulsion du premier centre de Limoud à Paris. Plus proche de nous, les dirigeants des sites de Torah en Israël et dans le monde vont révolutionner la Téchouva en utilisant les dernières inventions de la technologie moderne et en les mettant au service des vrais messages de Torah.
Le point commun de ces personnes est d’avoir eu, à un moment clef de l’histoire juive, l’intuition aiguë que leurs aptitudes pourraient contribuer au “sauvetage” ou à la renaissance du judaïsme. A priori, rien ne les prédisposait à ces gigantesques réalisations d’ordre spirituel et pourtant... Femme, médecin, jeunes ingénieurs en informatique, ils ont été les révolutionnaires de leur époque.
Il y a évidemment ici un message qui doit nous interpeller : peut-être nous aussi, dans notre communauté, nous pouvons contribuer à un réveil du judaïsme, quel que soit notre niveau de connaissance, notre âge, notre sexe, notre appartenance ethnique ou sociale. Aujourd’hui plus que jamais, l’heure est à l’esprit d’entreprise. Le talent est important, mais il est subordonné à la bonne volonté, au don de soi, à la sincérité de nos intentions et surtout à l’amour indéfectible pour ‘Am Israël et Torat Emet.
A ce propos, nos Sages nous enseignent : “Dans un lieu où il n’y a pas d’homme, essaie toi-même d’être l’homme de la situation” (Pirké Avot 2, 5).
A bon entendeur !