L’année solaire, qui est inscrite dans l’année civile, et qui représente le temps du cycle annuel de la terre autour du soleil, inclut, on le sait, 365 jours. En hébreu, le terme Hassatan (השטן) – qui représente le Satan, c’est-à-dire les forces négatives – a une valeur numérique de 364. Il y a ainsi, selon les sages, un jour de l’année où les forces négatives ne fonctionnent pas. Ce jour-là, dépourvu du « Yetser Ha-ra », du mauvais penchant, c’est, selon cette lecture rabbinique, Yom Kippour. Cela est rapporté à l’année civile, solaire, de laquelle dépendent les saisons, et qui est donc l’année universelle, reconnue généralement dans le monde entier.
Une journée sans les forces négatives, sans les pulsions physiques, naturelles, qui habitent l’homme, cela semble presque irréel. Mais cela est réalisable pour le peuple d’Israël à Yom Kipour au niveau subjectif. Cependant, la portée spirituelle de cette journée est aussi objective, c’est-à-dire qu’elle a une signification cosmique. Cette situation est liée au fait, décrit plus haut, que la journée s’inscrit dans le total numérique de l’année solaire (364 + 1). Journée unique, mais valable pour tout l’univers. Le Rav Moché Chapira, de mémoire bénie, résume ainsi cette idée essentielle : « Il apparaît clairement que Yom Kippour est un jour de Jugement pour tous les êtres humains qui sont tous concernés par ce jugement. Le verdict concernant les justes, les méchants et les êtres « moyens » est inscrit à Roch Hachana, mais est scellé définitivement à Yom Kippour » (Chiouré Rabbénou 419). Il en conclut : « Yom Kippour est le jour où le mal disparaît, où la négativité dans le monde n’apparaît plus… » Il précise ainsi cette idée : « Le concept de Chana (année) s’inscrit dans une suite, dans un ordre qui se répète, qui continue. Par contre, Yom Kippour est un événement unique. Il ne s’inscrit pas dans un ordre continu, mais est signifiant par sa singularité, en existant une fois dans l’année » (Ibid. p. 322). Sa singularité le définit, mais, à partir de ce principe, apparaît une responsabilité cosmique, universelle. Dans le quotidien, on se répète, on vit dans la routine. Cependant, qu’il y ait dans le cycle annuel un moment de vérité, une sorte de « purification » des scories de l’ordinaire. C’est le rôle de Yom Kippour. Le monde vit dans le quotidien, c’est cela l’idée de l’année solaire, suivant les lois fixes de la nature, dans le cadre de laquelle l’homme vit, sans sortir du naturel. Vient dans la grisaille du quotidien un jour de clarification, de vérité – ainsi qu’on le dit dans la prière : « Car Tu es D.ieu de Vérité, et Ta parole est éternelle » (Fin de la bénédiction centrale de la prière du matin).
Ainsi faut-il comprendre et vivre Yom Kippour, en prenant conscience de la spécificité de cet instant dans notre vie quotidienne. Regardons par-delà nos actions quotidiennes. Relions-nous à une perspective plus générale et espérons voir bientôt le jour où « Ta royauté s’affirmera sur l’univers entier… où Ta gloire se répandra sur tous les habitants du globe, où chaque individu reconnaîtra que Tu l’as créé, et où chaque être vivant doué d’une âme s’écriera : ‘L’Eternel, D.ieu d’Israël, est Roi, et Sa royauté s’étend sur tout l’univers’ » (Bénédiction centrale de la prière du matin des Yamim Noraïm, les jours redoutables). Puissions-nous voir bientôt se réaliser cette promesse, dépasser les difficultés d’aujourd’hui, et voir le Règne de l’Eternel s’appliquer à toute la création.