Peu de temps après la fermeture de ma synagogue en mars, quelqu'un m'a dit, à moitié en plaisantant : "Imaginez si les choses sont toujours comme ça à Roch Hachana." Je me souviens très bien avoir rejeté cette idée, me disant qu'il n'y avait aucun risque, cette fermeture ne durera que quelques semaines au plus, et cela sera très certainement derrière nous pour Roch Hachana.
Eh bien, nous voilà accueillants le mois d'Elloul et, avec lui, le début de la période des Yamim Noraïm (jours redoutables). Et bien que nous en sachions plus maintenant qu'alors, et que les choses sont un peu plus sous contrôle, cette pandémie continue de s'emparer du globe et d'entraver considérablement nos vies, nos modes de vie et, selon toute vraisemblance, nos fêtes à venir.
Planifier, prévoir et coordonner des cours, des programmes et surtout des Minyanim cette année est extrêmement compliqué et laborieux. Les questions et les dilemmes sur ce qu'il faut faire ne se limitent pas aux décideurs d'institutions, comme les synagogues et les écoles. Ces questions sont également très réelles et présentes pour les parties prenantes de ces institutions qui doivent décider du niveau de confort, du seuil de sécurité, des facteurs de risque personnel, et plus encore, avant de déterminer si, déterminer quoi, où et comment participer.
Je crains qu'en comprenant à quel point cela est difficile, beaucoup de gens n'écartent tout simplement de leur tête ce mois d’Elloul et les Yamim Noraim, supportant cette perte spirituelle et avançant dans l'espoir de la rattraper lorsque tout cela passera. Une telle attitude est compréhensible, voire attrayante. Après tout, qui n'est pas fatigué de ce Corona, qui n'en a pas marre de ce Zoom ? Beaucoup sont seuls, la plupart sont dépassés émotionnellement, tous sont très fatigués de tout cela.
Bien qu'il y ait eu beaucoup d'apprentissage sur Zoom et d'incroyables efforts de ‘Hessed qui ont été coordonnés de manière créative, il existe également un sentiment d'apathie spirituelle, un sentiment d'essayer de survivre religieusement plutôt que de prospérer. Cette complaisance se manifeste de plusieurs manières, y compris dans la participation aux Minyanim - à la fois à l'extérieur qu’à la synagogue.
Même maintenant, certaines personnes continuent à rester à la maison ou à rester dans un Minyan local en raison de véritables problèmes de santé, et ces personnes font exactement ce qu’il faut ! Permettez-moi d’éclaircir les choses : quelqu'un qui prie seul ou à l'extérieur, près de chez lui, pour des raisons de santé, ne doit pas se sentir coupable, honteux ou hésitant et doit continuer jusqu'à ce qu'il estime qu'il est prudent d’agir autrement.
Cela dit, soyons honnêtes. De nombreuses personnes ne viennent plus à la synagogue ou restent chez elles par pure commodité. Cela devient évident lorsque le niveau de confort personnel et de préoccupation en matière de partage de repas, de rendez-vous, de magasinage et de socialisation est radicalement plus permissif et indulgent qu'il ne l'est lorsqu'il s'agit d’aller prier.
Je comprends l’avantage à prier chez soi. Après tout, il est plus agréable de s'habiller dans une tenue confortable, la prière est concise, il n'y a pas de lecture de la Torah ou de la Haftara, pas de discours ni d'annonces. Une personne a récemment déclaré qu'elle n’avait pas de problème pour revenir à la synagogue d’un point de vue médical, mais elle ne le voulait pas parce que la prière chez elle est rapide et facile.
Dedans et dehors, rapide et facile. Est-ce à cela que notre judaïsme a été réduit ? Vivre à travers une pandémie signifie-t-il que nous ne pouvons pas avoir d'ambitions ou d'aspirations spirituelles, que nous ne pouvons pas nous pousser au-delà de notre zone de confort ou nous étirer pour faire ce qui est juste, pas ce qui est facile, ce qui est vertueux, pas ce qui est le plus pratique. Qu'est-ce qui donnera le plus grand Na’hat Roua’h (satisfaction) à Hachem ? Pas nécessairement ce qui est le plus opportun ou le plus pratique pour moi.
Certains diront que prier à la synagogue n'est pas non plus "normal". Nous faisons des compromis dans les Minyanim à la synagogue : nous commençons à un endroit différent dans la prière, chantons moins, ne fréquentons personne, la Dracha (discours) est raccourcie, il n’y a pas de Kiddouch, pas de place pour les jeunes enfants. Pour certaines personnes, toutes ces choses-là, ou une partie d’entre elles, contribuent à cette volonté de ne pas revenir. Honnêtement, j'entends ça, je comprends. Ces mêmes choses me manquent terriblement et je souffre de leur absence.
Mais laissez-moi vous demander une chose : si votre proche était en convalescence et qu'on vous disait que vous pouvez recommencer à lui rendre visite, mais que vous devez porter un masque, ne pas lui tenir la main ni vous approcher trop près, ne pas rester longtemps et ne lui parler que depuis l'embrasure de la porte, diriez-vous : "Eh bien, ce n'est pas la manière normale ou la manière idéale de le visiter, alors je vais simplement continuer à le saluer par la fenêtre" ? Bien sûr que non. Vous prendriez ce que vous pouvez prendre, rempli de reconnaissance de l'opportunité de vous rapprocher un peu plus, de vous sentir plus en sa présence, et de lui faire savoir à quel point vous voudriez vous rapprocher encore plus.
Oui, cette année est radicalement différente de toutes les autres. La plupart des années, nous pouvons compter sur les autres pour générer notre inspiration. Nous assistons à la conférence de l'orateur qui nous motive, écoutons le ‘Hazan (ministre officiant) qui nous inspire, rejoignons le Tsibour (l’assemblée) qui nous élève. Cette année, pour ceux qui doivent prier seuls, et même pour ceux qui peuvent se rendre à la synagogue, nous n'aurons pas le même système d'accompagnement, les mêmes moteurs extérieurs d'inspiration. Mais je vous en supplie, n’écartez pas de vous cette période. Ne perdez pas les Yamim Noraim de cette année.
L'inspiration, la motivation, la croissance et le changement sont tous facilement accessibles pour nous cette année, autant que toutes les autres, lorsque nous réalisons qu'en fin de compte, ces choses doivent venir de nous-mêmes. Ils ne dépendent pas des autres et nous pouvons en faire l'expérience, si seulement nous y sommes déterminés.
En effet, même en temps normal, beaucoup de ceux qui n'ont pas encore apporté les changements nécessaires à leur santé émotionnelle, physique ou spirituelle disent : "Si seulement j'avais quelqu'un pour m'inspirer", "Si seulement je lisais le livre qu’il faut", "Si seulement j’assistais au bon séminaire", "Si seulement mon conjoint était sur la même longueur d'onde", "Si seulement mes enfants étaient plus obéissants et dociles", "Si seulement mon Rav était plus disponible", "Si seulement mon patron était plus solidaire", "Si seulement mes parents étaient plus encourageants", "Si seulement"…
Mais ce sont des excuses. Bien sûr, un environnement favorable nous aide, mais si nous ne sommes pas motivés, inspirés ou boostés pour apporter des changements, ils ne se produiront jamais, peu importe avec qui nous sommes mariés, comment nos enfants se comportent, quel ADN nos parents nous ont donné, ou quel virus sévit sur le globe.
Elloul et les ‘Haguim (fêtes juives) nous présentent une liste de questions à considérer - qui sommes-nous, qui voulons-nous être, quelle différence sommes-nous censés faire, comment sommes-nous considérés par les autres et par Hachem, comment voulons-nous, en fin de compte, que l’on se souvienne de nous ? Le mot Téchouva signifie littéralement une réponse ou des réponses, comme dans "Chéélot Outechouvot" - questions et réponses.
La vérité est que, chaque année, les réponses que nous recherchons ne se trouvent pas chez les autres, elles ne sont pas disponibles ou fournies par qui que ce soit ou quoi que ce soit d'autre que nous. Les Yamim Noraim sont un grand miroir qui nous est tendu, couvert de ces questions et d'autres. Parfois, la Techouva est facile, un ajustement mineur. D'autres fois, la Techouva, apportant des réponses significatives, peut impliquer une grande reconsidération. Si nous sommes sincères et authentiques dans le processus de réponses aux questions, alors nous avons fait Techouva, nous avons fourni des Techouvot, des réponses significatives.
Les choses les plus précieuses, les plus satisfaisantes, les plus gratifiantes et les plus significatives de la vie ne sont jamais "dedans et dehors", rapides et faciles. Elles demandent des efforts et de la lutte, elles exigent souvent des sacrifices, mais elles en valent la peine.
Que vous reveniez à la synagogue, priiez dans un Minyan en plein air, ou ayez besoin de prier seul, ne sous-estimez pas ce moment spirituel. Persévérez, combattez et dépassez-vous. Fixez-vous des objectifs et prenez des résolutions pour les atteindre. Inspirez-vous et votre famille, non seulement pour survivre, mais pour prospérer, pour faire des choix maintenant qui vous permettront plus tard de regarder en arrière et de voir combien vous avez grandi, comment vous avez été transformé par les changements significatifs durables que vous avez apportés pendant les Yamim Noraim de cette pandémie.
Pendant les quarante jours du début d'Elloul à Yom Kippour, relevez un défi. Cela peut être de commencer à porter des Tsitsit ou de mettre les Téfilines chaque jour, cela peut être une promesse d'éteindre complètement votre téléphone portable à chaque fois que vous êtes en train de prier, d'écouter un cours de Torah ou d’étudier un peu plus chaque jour. Pensez à vous pousser à faire de l'exercice ou à manger de manière plus saine. Décidez de mieux interagir avec un membre de la famille ou un ami. Vous choisissez le défi, mais comprenez que, quel que soit votre environnement, vous seul pouvez fournir la Téchouva, la réponse.
Si vous acceptez ce défi, ces quarante jours ne seront probablement pas "rapides et faciles", mais je vous garantis que les résultats en valent la peine.
Rabbi Efrem Goldberg