Question d'une internaute : "Je suis une femme traditionaliste et, chez moi, nous avons toujours gardé certains principes : par exemple, nous faisons le Kiddouch du vendredi soir, nous avons 2 vaisselles (lait et viande), nous ne cuisinons pas à Chabbath etc.

Mais mon fils a décidé de faire Chabbath depuis qu'il est étudiant à la fac, puis s'est marié avec une femme encore plus religieuse que lui. Alors, au début, ça a été (mais je sentais qu'ils mangeaient du bout des doigts lui et sa femme), et il y a quelques semaines, il m'a annoncé qu'ils ne pourraient plus manger chez moi, parce que ce n'est pas "assez Cachère". Je lui ai demandé : "Quoi par exemple ?”, et il m'a répondu : "Chez toi, il y a du beurre Président". "Mais c'est sur la liste !!!", lui ai-je répondu.
Il m'a dit que, même si c'était sur la liste, ça ne correspondait plus à leurs standards de Cacheroute. Je suis perdue... Pour moi, la religion a toujours été un moyen de se réunir en famille et voilà que ça devient quelque chose qui nous sépare ! Il m'a quand même proposé de venir, mais que ça soit sa femme qui ramène à manger. Mais je trouve ça frustrant de les recevoir et de plus avoir la joie de lui faire des petits plats comme avant... Je suis perdue et triste. Aidez-moi !"

Réponse de Mme Nathalie Seyman

Durant toute la période d’éducation, les enfants se laissent naturellement guider par leurs parents. Lorsque, devenus adultes, ils prennent leurs propres décisions, leur propre chemin, la relation peut parfois devenir difficile ou carrément houleuse, malgré l’amour et le respect des uns envers les autres. Comment la gérer au mieux et retrouver l’équilibre qui permette de vivre parents et enfants  en harmonie ?

La relation Parent/Enfant adulte

Pour beaucoup de parents, un enfant, quel que soit son âge, reste « leur bébé  ». Ils ont du mal à accepter l’idée que ce petit a grandi, vit sa propre vie et fait ses propres choix. Or, devenir adulte, c'est être capable non seulement de se différencier, mais de trouver la bonne distance par rapport aux désirs et aux peurs de nos parents. C’est loin d’être facile, mais c’est nécessaire. Et hélas, souvent, les parents voient en cela une attaque personnelle : « S’il se différencie de nous, c’est qu’il n’accepte pas la façon dont on l’a élevé. » Or, rien n’est plus faux, car l’enfant que vous avez élevé a déterminé l’adulte qu’il est devenu ! Si, quelque part, votre fils a choisi de se renforcer dans la Torah, c’est que vous lui avez transmis cet amour d’Hachem et, cela, vous pouvez en être fière !

La Cacheroute et le respect des parents

Le respect que l’on doit à ses parents ne doit pas connaître de limite. Il s’agit d’un commandement de la Torah, et rien n’est plus au-dessus. Mais, en tant que parents, il y a certaines choses que l’on ne peut pas demander à nos enfants, et ne pas respecter ce qu’ils souhaitent pratiquer de la Halakha en est une. Il y a différentes pratiques de la Torah, et certains suivent la liste du Beth-Din, pour d’autres, elle ne correspond pas à leurs critères de Cacheroute. Le plus important est que, comme vous le dites, la religion ne sépare pas les familles. Car ce n’est évidemment pas le but. Je dirais même que c’est le contraire ! Ce n’est pas dans l’esprit de la Torah de séparer les enfants des parents ! Les valeurs familiales sont des valeurs primordiales dans le judaïsme. Vous devez faire chacun un pas l’un vers l’autre : votre fils doit profondément respecter votre façon de vivre, car vous êtes ses parents, mais vous devez aussi accepter son choix de vie. Si sa santé exigeait un régime spécial, ne vous efforceriez-vous pas de ne faire aucune erreur en préparant tous les plats de régime prescrits par la médecine ? Ce n’est finalement pas différent, tout est une question de volonté.

Ne soyez surtout pas triste : c’est juste la mise en place du compromis qui manque. Mais, une fois en place, vous verrez que tout cela sera oublié. Lorsqu’un changement survient au sein d’une famille, il y a toujours le temps d’adaptation qui est difficile. Mais, du moment que l’on ne critique pas les choix de chacun (du moment qu’il s’agit de choix équilibrés, évidemment) et que l’on décide de faire en sorte de tout mettre en place pour que chacun se sente bien, alors tout ne peut que bien se passer. Beaucoup de familles sont dans le même cas et très peu n’ont pas trouvé de solutions satisfaisantes, alors oubliez vos angoisses !

Conseils

- Communiquez !! C’est le maître-mot ! Parlez de vos doutes, de vos craintes, afin que chacun écoute ce qui dérange l’autre et ainsi rester dans le respect de tous.

- Trouvez ensemble des compromis qui contenteront tout le monde. Comme, par exemple, achetez de la vaisselle en plastique ou une vaisselle juste pour lui pour qu’il soit assuré que ce qu’il ne considère pas comme Cachère pour son niveau de pratique n’aura pas touché ses couverts. Mais aussi qu’il vous conseille où faire vos courses lorsque vous l’invitez à manger, ainsi, il ne doutera pas de la Cacheroute.

- Ne prenez surtout pas sa nouvelle façon de vivre pour un choix contre vous. Il a envie d’évoluer en accord avec sa femme et vous ne pouvez qu’être fier d’avoir un fils qui veut construire un foyer en harmonie avec sa femme et dans l’amour de la Torah. Alors oui, il y a quelques obstacles et c’est normal, car ce n’est pas votre choix à vous, mais ils ne seront pas difficiles à franchir avec la motivation et la bonne volonté de chacun.

- Renseignez-vous auprès d’un Rav sur ce qui convient de faire et de ne pas faire. Le fait de connaître les lois de la Cacheroute vous permettra de ne pas vous sentir impuissante lorsque votre fils vous dira que tel ou tel mets est interdit. Peut-être même lui apprendrez-vous que tel n’est pas le cas ? Lorsque l’on est traditionnaliste, en particulier en France, il y a beaucoup de règles qui peuvent passer à travers notre compréhension, comme par exemple certains fruits en provenance d'Israël qui font partie de la Chémita et qui ne sont, par conséquent, pas consommables.

Conseil à votre fils

Tout d’abord, je vous conseillerais de bien vous renseigner auprès d’un Rav sur ce qui est permis ou non, de sorte de ne pas risquer de vexer votre mère pour rien. La chose la plus importante avant d'appliquer les règles de la Cacheroute est le Kiboud Av Vaèm, c’est-à-dire de respecter scrupuleusement celles du respect et de l'honneur des parents. Votre mère serait très malheureuse, et cela se comprend, si elle ne peut plus vous recevoir et vous concocter de bons petits plats. En particulier dans notre culture juive ! Mais si vos parents constatent que votre affection et votre respect pour eux n’ont pas diminué, mais, au contraire, augmenté par votre évolution, puisqu'eux aussi vous aiment et ne veulent que votre bonheur, ils sauront l’accepter avec joie. Ceci implique en particulier qu'ils ne puissent pas croire que votre Téchouva remet en question l'éducation qu'ils vous ont donnée ou que vous les jugez d'une quelconque manière, ce qui serait strictement défendu. Ne vous disputez jamais avec eux pour défendre votre point de vue ou votre décision. Le plus important est de trouver ensemble des compromis qui ne les gêneront pas dans leur vie quotidienne et qu’ils ne prendront pas pour des leçons que vous voudriez leur donner. Vous êtes une famille qui s’aime, vous avez tous les outils entre les mains pour une vie sereine et dans le Chalom (paix).

Béatsla'ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essayera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.