Le peuple affecta de se plaindre amèrement aux oreilles du Seigneur. Le Seigneur l'entendit et sa colère s'enflamma, le feu de l'Éternel sévit parmi eux, et déjà il dévorait les dernières lignes du camp.
Le peuple (ha‘am) fut comme des gémissants
Le mot ‘am (« peuple ») désigne les impies (Sifri), comme dans : « Que ferai-je pour ce peuple (la‘am) » (Chemoth 17, 4), et dans : « Ce peuple (ha‘am) mauvais » (Yirmeya 13, 10). Mais lorsqu’ils sont vertueux, on les appelle : ‘ami (« mon peuple »), comme il est écrit : « Renvoie “mon peuple” » (Chemoth 5, 1), « “Mon peuple”, que t’ai-je fait ? » (Mikha 6, 3)
Comme des gémissants (kemithonenim)
Le mot mithonenim a le sens de « chercher prétexte » (Sifri). Ils cherchent un prétexte pour se séparer de Hachem. On trouve le même mot à propos de Chimchon : « … car il cherchait un prétexte (toéna) » (Choftim 14, 4)
Mauvais aux oreilles de Hachem
Une récrimination qui était mauvaise aux oreilles de Hachem. Ils voulaient qu’elle parvienne à Ses oreilles et qu’Il s’irrite. Ils se disaient : « Malheur à nous ! Comme Il nous a fatigués sur ce chemin ! Cela fait trois jours que nous ne nous sommes pas reposés des fatigues du voyage !
Sa colère s’enflamma
« Je voulais, pour votre bien, vous faire entrer immédiatement dans le pays !
Dans l’extrémité du camp
À ceux qui étaient « extrêmes » dans l’indignité. Il s’agit ici du « ramassis » (Chemoth 12, 38). Rabi Chim‘on ben Menassia a enseigné : C’était les nobles et les grands (Sifri)
11,2
Mais le peuple implora Moïse; Moïse pria le Seigneur, et le feu s'affaissa.
Le peuple cria vers Mochè
Cela ressemble à un roi terrestre qui se sera irrité contre son fils. Celui-ci s’adresse à l’ami de son père et lui demande d’intervenir en sa faveur (Sifri)
Le feu s’enfonça
Il s’est enfoncé sur place dans la terre, car s’il avait progressé à l’horizontale, il aurait fini par brûler toute la direction parcourue (Sifri)
11,3
On nomma cet endroit Tabérah, parce que le feu de l'Éternel y avait sévi parmi eux.
11,4
Or, le ramas d'étrangers qui était parmi eux fut pris de convoitise; et, à leur tour, les enfants d'Israël se remirent à pleurer et dirent: "Qui nous donnera de la viande à manger?
Et le mélange (wahaassafsouf)
C’est le « ramassis » qui s’était « réuni » (nèèsfou) à eux lorsqu’ils sont sortis d’Égypte (Sifri)
Ils s’assirent
Les enfants d’Israël ont eux aussi pleuré avec eux
Qui nous fera manger de la viande
Se peut-il qu’ils n’avaient pas de viande ? Il est pourtant écrit : « Et aussi un ramassis monta avec eux, et du menu bétail et du gros bétail… » (Chemoth 12, 38). Se peut-il qu’ils les avaient déjà mangés ? Mais il est écrit, au moment de leur entrée en Erets Yisrael, que « les fils de Reouven et les fils de Gad avaient de nombreux troupeaux » (infra 32, 1). En fait, ils cherchaient un prétexte (Sifri)
11,5
Il nous souvient du poisson que nous mangions pour rien en Egypte, des concombres et des melons, des poireaux, des oignons et de l'ail.
Que nous mangions en Égypte gratuitement
Se peut-il que les Égyptiens leur aient donné du poisson gratuitement ? Il est pourtant écrit : « Et la paille ne vous sera pas donnée… » (Chemoth 5, 18). S’ils ne leur donnaient pas gratuitement la paille, leur auraient-ils donné du poisson pour rien ? Que veut dire alors le mot « gratuitement » ? « Gratuitement » par rapport aux mitswoth (Sifri)
Des concombres
Rabi Chim‘on a enseigné : Pourquoi la manne prenait-elle tous les goûts à l’exception de ceux-là ? Parce qu’ils sont malsains pour les nourrices. On dit à la femme : « Ne mange pas d’ail ni d’oignon à cause de l’enfant. » Cela ressemble à un roi…, comme enseigné dans le Sifri
Concombres
En français médiéval : « cocombres »
Et des melons
En français médiéval : « bodekes »
Et des poireaux
En français médiéval : « porels » (voir Pessa‘him 39a)
11,6
Maintenant, nous sommes exténués, nous manquons de tout: point d'autre perspective que la manne!"
Vers la manne sont tournés nos yeux
« Manne le matin ! Manne le soir ! » (Sifri)
11,7
(Or, la manne était comme de la graine de coriandre, et son aspect comme l'aspect du bdellium.
Et la manne
Celui qui a dit cela n’est pas celui qui a dit ce qui précède. Israël disait : « Seulement vers la manne sont tournés nos yeux. » Mais le Saint béni soit-Il a fait écrire dans la Tora : « Et la manne, elle était comme la graine de coriandre… », c’est-à-dire : « Voyez, habitants de la terre, de quoi se plaignent mes enfants, alors que la manne est si précieuse ! » (Sifri)
Comme la graine de coriandre
Ronde comme une graine. En français médiéval : « coliandre »
Bdellium
C’est le nom d’une pierre précieuse. En français : « cristal »
11,8
Le peuple se dispersait pour la recueillir, puis on l'écrasait sous la meule ou on la pilait au mortier; on la mettait cuire au pot, et l'on en faisait des gâteaux. Elle avait alors le goût d'une pâtisserie à l'huile.
Se dispersait
Pour une promenade d’agrément. En français médiéval : « esbanier », sans peine
Et moulaient dans la meule…
Sans qu’on eût besoin d’utiliser une meule, ni un mortier ni un chaudron, mais son goût se changeait en celui de mets moulus, pilés ou cuits (Sifri)
Dans le chaudron
La marmite
Pâtisserie à l’huile (lechad hachamen)
Une imprégnation d’huile, d’après l’explication de Dounach. Expression voisine : « Ma vigueur (lechadi) s’est changée en une sécheresse d’été » (Tehilim 32, 4). Le lamed du mot lechad fait partie de la racine : « Ma vigueur s’est changée “comme” en une sécheresse d’été ». Nos maîtres expliquent ce mot comme exprimant l’idée de « mamelles » (chadim), mais les mamelles n’ont rien à voir avec l’huile, et l’on ne peut faire du mot hachamen (« à l’huile ») un adjectif qualifiant lechad, en s’appuyant sur : « Yechouroun s’est engraissé (wayichman)… » (Devarim 32, 15), car la lettre mèm contenue dans le mot serait alors marquée d’un qamats qatan et l’accent tonique serait sur la dernière syllabe, à savoir sur le mèm. Étant donné que ce mèm est marqué d’un sègol et que l’accent tonique est sur l’avant-dernière syllabe, à savoir sur le chin, il s’agit bien du substantif « huile ». Quant au chin, il est marqué d’un qamats gadol au lieu de l’être d’un sègol parce qu’il est en fin de verset. Autre explication (Sifri) : Le mot lechad est formé par les lettres initiales de lich (« pâte »), chèmèn (« huile ») et devach (« miel »), c’est-à-dire une pâte pétrie à l’huile et enduite de miel. La traduction du Targoum Onqelos : « pétrie à l’huile » se rapproche de l’explication de Dounach, car dans une pâte pétrie à l’huile, il y a une imprégnation d’huile
11,9
Lorsque la rosée descendait sur le camp, la nuit, la manne y tombait avec elle).
11,10
Moïse entendit le peuple gémir, groupé par familles, chacun à l'entrée de sa tente. L'Éternel entra dans une grande colère; Moïse en fut contristé,
Pleurant pour ses familles
Ils s’étaient groupés par familles et ils pleuraient pour manifester publiquement leur récrimination. Nos maîtres ont enseigné : « Pour ses familles » – pour les affaires de famille, à cause des unions incestueuses qui leur étaient désormais interdites (Yoma 75a)
11,11
et il dit à l'Éternel: "Pourquoi as-tu rendu ton serviteur malheureux? Pourquoi n'ai-je pas trouvé grâce à tes yeux, et m'as-tu imposé le fardeau de tout ce peuple?
11,12
Est-ce donc moi qui ai conçu tout ce peuple, moi qui l'ai enfanté, pour que tu me dises: Porte-le dans ton sein, comme le nourricier porte le nourrisson, jusqu'au pays que tu as promis par serment à ses pères?
Que tu me dises
Pour que tu me dises : « Porte-le dans ton sein ! » Et où l’a-t-il dit ? « Et maintenant va, conduis le peuple… » (Chemoth 32, 34), et aussi : « Il leur ordonna pour les fils d’Israël… » (Chemoth 6, 13), même s’ils doivent vous jeter des pierres et vous injurier
Sur la terre que tu as juré de donner à ses pères
Tu me demandes de les porter dans mon sein
11,13
Où trouverai-je de la chair pour tout ce peuple, qui m'assaille de ses pleurs en disant: Donne-nous de la chair à manger!
11,14
Je ne puis, moi seul, porter tout ce peuple: c'est un faix trop pesant pour moi.
11,15
Si tu me destines un tel sort, ah! Je te prie, fais-moi plutôt mourir, si j'ai trouvé grâce à tes yeux! Et que je n'aie plus cette misère en perspective!"
Et si tu (at) me fais ainsi
Mochè eut une défaillance comme une femme lorsque le Saint béni soit-Il lui montra la punition qu’Il leur infligerait un jour pour cette faute, et il lui a dit : « Dans ce cas, tue-moi d’abord ! » (Sifri)
Et je ne verrai pas mon mal (bera‘athi)
Le texte aurait dû mettre : bera‘atham (« “leur” mal »). Mais le texte s’est exprimé autrement, et c’est un des euphémismes contenus dans la Tora, employés pour la beauté de la langue (Sifri)
11,16
L'Éternel répondit à Moïse: "Assemble-moi soixante-dix hommes entre les anciens d'Israël, que tu connaisses pour être des anciens du peuple et ses magistrats; tu les amèneras devant la tente d'assignation, et là ils se rangeront près de toi.
Réunis-moi
C’est la réponse à ta plainte : « Je ne puis, moi seul, porter tout ce peuple-ci » (verset 14). Mais où étaient les premiers Anciens, ceux qui étaient déjà avec eux en Égypte, comme il est écrit : « Va, tu rassembleras les anciens d’Israël » (Chemoth 3, 16) ? En fait, ils sont morts par le feu de Tav‘éra (verset 3), et ils avaient déjà mérité la mort au Sinaï car il est écrit : « ils virent ha-Eloqim » (Chemoth 24, 11), ce qui signifie qu’ils se sont conduits avec effronterie comme celui qui s’adresserait au roi tout en mordillant son pain. C’est ce que veulent dire les mots : « ils mangèrent, ils burent » (ibid.). Mais le Saint béni soit-Il n’a pas voulu attrister par un deuil le don de la Tora et ce n’est que maintenant qu’Il les a punis (Midrach Tan‘houma)
Dont tu sais qu’ils sont…
Ceux-là mêmes dont tu sais qu’ils ont été préposés sur eux en Égypte comme surveillants de leurs durs travaux. Ils ont eu pitié d’eux et ont subi des violences à leur place, comme il est écrit : « Ils furent frappés, les policiers des fils d’Israël » (Chemoth 5, 14). Qu’ils soient maintenant à l’honneur comme ils ont été à la peine ! (Sifri)
Tu les prendras
« Prends-les » par des paroles : « Vous avez de la chance d’avoir été nommés dirigeants des enfants de Hachem !
Ils se tiendront là avec toi
Afin qu’Israël les voie et qu’il leur confère de la grandeur et des honneurs en leur disant : « Comme ils sont aimés, ces hommes, pour avoir pu entrer avec Mochè et entendre la parole de la bouche du Saint béni soit-Il ! » (Sifri)
11,17
C'est là que je viendrai te parler, et je retirerai une partie de l'esprit qui est sur toi pour la faire reposer sur eux: alors ils porteront avec toi la charge du peuple, et tu ne la porteras plus à toi seul.
Je descendrai
C’est là une des dix « descentes » [de Hachem] dont parle la Tora (Sifri)
Je parlerai là avec toi
Et non avec eux
Je retirerai (weitsalti)
Comme le rend le Targoum Onqelos : « J’élèverai ». Comme dans : « et vers les nobles (atsilei) des fils d’Israël » (Chemoth 24, 11)
Je mettrai sur eux
À quoi Mochè ressemblait-il à ce moment-là ? À la flamme du haut de la menora, à partir de laquelle on peut en allumer beaucoup d’autres sans que sa lumière s’en trouve amoindrie (Sifri)
Ils porteront avec toi
Impose-leur comme condition qu’ils se chargent des tracas que causent mes enfants, lesquels sont lassants et rebelles
Et tu ne le porteras pas toi seul
Voilà la réponse à ce que tu as dit : « Je ne puis, moi seul, porter tout ce peuple-ci » (verset 14)
11,18
Quant à ce peuple, tu lui diras: Tenez-vous prêts pour demain, vous mangerez de la chair, puisque vous avez sangloté aux oreilles de l'Éternel en disant: "Qui nous donnera de la viande à manger? Nous étions plus heureux en Egypte!" L'Éternel vous en donnera à manger, de la viande.
Sanctifiez-vous
Préparez-vous à la punition, comme dans : « Prépare-les pour le jour de la tuerie » (Yirmeya 12, 3)
11,19
Ce n'est pas un jour ni deux que vous en mangerez; ce n'est pas cinq jours, ni dix jours, ni vingt jours,
11,20
mais un mois entier, tellement qu'elle vous ressortira de la gorge et vous deviendra en horreur; parce que vous avez outragé l'Éternel qui est au milieu de vous, et que vous avez pleuré devant lui en disant: Pourquoi sommes-nous sortis de l'Egypte?"
Jusqu’à un mois de jours
Cela pour les bons, qui ont dépéri sur leurs lits, après quoi leur âme les a quittés. Quant aux impies, il est écrit : « La viande était encore entre leurs dents… » (verset 33). Voilà ce qu’enseigne le Sifri. Mais la Mekhilta enseigne le contraire : Les impies ont mangé et souffert pendant trente jours, tandis que chez les bons « la viande était encore entre leurs dents »
Jusqu’à ce qu’elle sorte de vos narines
Comme le rend le Targoum Onqelos : « que vous en ressentirez du dégoût ». Il vous en semblera comme si vous en aviez trop mangé, au point qu’elle se répandra et se déversera au-dehors par le nez
Et qu’elle vous soit en nausée (zara)
Et que vous la repoussiez plus fortement que vous ne l’aviez approchée (Sifri). J’ai lu dans les écrits de Rabi Mochè Hadarchan qu’il existe une langue où le mot zara signifie « épée »
Hachem qui est au milieu de vous
Si je n’avais pas établi parmi vous ma chekhina, vous n’auriez pas eu l’audace d’émettre toutes ces prétentions (Sifri)
11,21
Moïse repartit: "Six cent mille voyageurs composent le peuple dont je fais partie, et tu veux que je leur donne de la viande à manger pour un mois entier!
Six cent mille hommes de pied
Il lui importe peu de compter les trois mille de plus (voir supra 1, 46 et 2, 32). Rabi Mochè Hadarchan explique que seuls ont pleuré ceux qui étaient sortis d’Égypte
11,22
Faudra-t-il leur tuer brebis et bœufs, pour qu'ils en aient assez? Leur amasser tous les poissons de la mer, pour qu'ils en aient assez?"
Leur sera-t-il égorgé du menu bétail et du gros bétail
C’est là un des quatre passages sur l’interprétation desquels Rabi ‘Aqiva et Rabi Chim‘on sont en désaccord. Rabi ‘Aqiva enseigne : Les mots : « six cent mille hommes de pied […] et toi tu as dit : Je leur donnerai de la viande, ils mangeront un mois de jours. Leur sera-t-il égorgé du menu bétail et du gros bétail… » sont tous à prendre au sens littéral et veulent dire : « Qui pourra leur en fournir à suffisance ? », dans le sens de : « et qu’il trouve de quoi [c’est-à-dire : « à suffisance »] faire son réméré » (Wayiqra 25, 26). Et lesquels de ces propos sont-ils les plus blâmables, ceux-là ou bien ceux-ci : « Écoutez donc, les rebelles ! » (infra 20, 10) ? Cependant, étant donné qu’il n’a pas ici parlé publiquement, le texte ne lui tient pas rigueur et ne le punit pas, tandis que les paroles prononcées à Meriva ont été émises publiquement, de sorte que le texte lui en tient rigueur. Quant à Rabi Chim‘on, il enseigne : « Loin de moi l’idée qu’une telle pensée ait pu jamais habiter l’esprit de ce juste, de celui dont il est écrit : “ il est fidèle dans toute ma maison” (infra 12, 7) ! Aurait-il pu dire de Hachem qu’Il ne peut pourvoir à nos besoins ? Mais voici ce que veulent dire les mots “Six cent mille hommes de pied […] et toi tu as dit : Je leur donnerai de la viande, ils mangeront un mois de jours” : Se pourrait-il que tu tues ensuite un si grand peuple ? “Leur égorgera-t-on du menu bétail et du gros bétail” pour qu’ils soient ensuite mis à mort et que ce repas soit pour eux le dernier ? Serait-ce pour toi un honneur ? Dit-on à un âne : “Avale ce kor d’orge, après quoi nous te couperons la tête.” ? Le Saint béni soit-Il lui a répondu : “Si je ne leur en donne pas, ils diront que ma main « s’est raccourcie ». Préférerais-tu qu’il en soit ainsi à leurs yeux ? Mieux vaut qu’ils périssent et qu’en périssent cent fois plus plutôt que ma main leur paraisse trop courte, même un instant” » (Sifri)
11,23
Et l'Éternel dit à Moïse: "Est-ce que le bras de l'Éternel est trop court? Tu verras bientôt si ma parole s'accomplit devant toi ou non."
Maintenant tu verras si ma parole s’accomplira
Raban Gamliel fils de Rabi Yehouda le prince a enseigné : Il est impossible de discuter avec un chercheur de querelles. Ils ne font que chercher des prétextes, et on ne pourra jamais leur donner satisfaction car ils ne cesseront de te contredire. Si tu leur donnes de la viande de bœuf, ils diront qu’ils voulaient du veau. Si tu leur donnes du veau, ils diront qu’ils voulaient du bœuf, de la volaille, des poissons ou des sauterelles. [Hachem] lui a dit : « Ils diront dans ce cas que ma main “s’est raccourcie”. » Mochè a répondu : « Je vais aller les calmer ! » Hachem reprit : « “Maintenant tu verras si ma parole s’accomplira”, car ils ne t’écouteront pas. » Mochè partit les calmer et leur dit : « “Est-ce que la main de Hachem s’est raccourcie ? Voici, Il a frappé le rocher, et les eaux ont coulé, […] pourrait-il aussi donner du pain ? ” (Tehilim 78, 20). Ils lui rétorquèrent : « Tu cherches à trouver un compromis, parce qu’Il n’a pas la force de satisfaire à notre revendication ! » C’est ce que veulent dire les mots : « Mochè sortit, déclara au peuple… » (verset suivant). Et comme ils ne l’écoutèrent pas, « il réunit soixante-dix hommes… » (Sifri)
11,24
Moïse se retira, et rapporta au peuple les paroles de l'Éternel; puis il réunit soixante-dix hommes parmi les anciens du peuple et les rangea autour de la tente.
11,25
L'Éternel descendit dans une nuée et lui parla, et, détournant une partie de l'esprit qui l'animait, la reporta sur ces soixante-dix personnages, sur les anciens. Et aussitôt que l'esprit se fut posé sur eux, ils prophétisèrent, mais ils ne le firent plus depuis.
Et ils ne continuèrent pas
Ils n’ont prophétisé que ce jour-là, ainsi que l’explique le Sifri. Quant au Targoum Onqelos, il traduit par : « et ils ne cessèrent pas », en ce sens que le don prophétique ne les abandonna pas
11,26
Deux de ces hommes étaient restés dans le camp, l'un nommé Eldad, le second Médad. L'esprit se posa également sur eux, car ils étaient sur la liste, mais ne s'étaient pas rendus à la tente; et ils prophétisèrent dans le camp.
Restèrent deux hommes
Parmi ceux qui avaient été choisis. Ils disaient : « Nous ne sommes pas dignes de cet honneur ! » (Sifri)
Et ils étaient dans les inscrits
Parmi ceux qui avaient été choisis pour siéger au Sanhèdrin. Ils avaient tous été inscrits nominativement et désignés par le sort. Les calculs effectués attribuaient six membres à chacune des douze tribus, sauf à deux d’entre elles où il n’y en avait que cinq. Mochè s’est dit qu’aucune tribu n’allait accepter d’être moins bien représentée que les autres. Qu’a-t-il fait ? Il a pris soixante-douze bulletins. Sur soixante-dix il a écrit : « Ancien », et il en a laissé deux en blanc. Sur quoi il a choisi six hommes par tribu, soit soixante-douze, et il leur a dit : « Retirez chacun un bulletin de l’urne ! » Ceux qui avaient retiré un bulletin portant l’inscription « Ancien » ont été nommés, et à ceux qui avaient retiré un bulletin blanc il déclara : « Hachem n’a pas voulu de toi. » (Sifri)
11,27
Un jeune homme courut l'annoncer à Moïse, en disant: "Eldad et Médad prophétisent dans le camp."
Le garçon courut
Certains disent que c’était Guérchom, le fils de Mochè (Midrach Tan‘houma)
11,28
Alors Josué, fils de Noun, serviteur de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole et dit: "Mon maître Moïse, empêche-les!"
Enferme-les (kelaém)
Oblige-les à s’occuper des affaires publiques, et ils cesseront d’eux-mêmes. Autre explication : « Mets-les en prison (kèlè), parce qu’ils ont prophétisé que Mochè va mourir et que c’est Yehochou‘a qui fera entrer Israël dans le pays. » (Sanhèdrin 17a)
11,29
Moïse lui répondit: "Tu es bien zélé pour moi! Ah! Plût au Ciel que tout le peuple de Dieu se composât de prophètes, que l'Éternel fit reposer son esprit sur eux!"
Es-tu jaloux pour moi
Te fais-tu le soutien de ma jalousie
Pour moi (li)
À ma place (bichvili). Le mot qina (« jalousie ») correspond toujours à l’idée de « prendre quelque chose à cœur », soit pour venger soit pour aider. En français médiéval : « enprenment » – prendre la partie lourde d’un fardeau
11,30
Et Moïse rentra dans le camp, ainsi que les anciens d'Israël.
Mochè réintégra
Depuis l’entrée du tabernacle
Vers le camp
Chacun est rentré sous sa tente
Réintégra (wayèèssof)
Ce terme exprime l’idée d’un retour chez soi, comme dans : « tu le recueilleras (waassafto) vers le milieu de ta maison » (Devarim 22, 2). L’exemple-type est : « il amasse des biens, et il ne sait qui les recueillera (osfam) » (Tehilim 39, 7). Cela nous apprend qu’Il ne les a punis qu’après que les justes sont tous rentrés chez eux (Sifri)
11,31
Cependant un vent s'éleva de par l'Éternel, qui suscita des cailles du côté de la mer, et les abattit sur le camp dans un rayon d'une journée de part et d'autre, autour du camp, et à la hauteur de deux coudées environ sur le sol.
Il suscita (wayagaz)
Il les fit voler, comme dans : « car [notre vie] s’envole (gaz) vite » (Tehilim 90, 10), ou dans : « ils s’envoleront (nagozou) et ne seront plus » (Na‘houm 1, 12
Il les jeta (wayitoch)
Il les répandit, comme dans : « et voici, ils étaient répandus (netouchim) sur la face de tout le pays » (I Chemouel 30, 16), ou dans : « je te jetterai (ounetachtikha) dans le désert » (Ye‘hezqèl 29, 5)
Et comme deux coudées
Elles volaient à hauteur des hommes, face à leurs cœurs, afin qu’ils n’aient aucun mal à les capturer et qu’ils n’aient ni à s’élever ni à se baisser (Sifri)
11,32
Le peuple s'occupa tout ce jour-là, toute la nuit, et toute la journée du lendemain, à ramasser les cailles; celui qui en recueillit le moins en eut encore dix omer. Et ils se mirent à les étaler autour du camp.
Celui qui en recueillit le moins
Ceux qui en ramassèrent le moins de tous – les paresseux et des boiteux – en recueillirent dix ‘homer (Sifri)
Ils s’étalèrent
Ils les ont amoncelées
11,33
La chair était encore entre leurs dents, elle n'était pas encore consommée, lorsque la colère du Seigneur éclata contre le peuple, et le Seigneur frappa le peuple d'une mortalité très considérable.
Avant qu’elle fût coupée
Comme le rend le Targoum Onqelos : « elle n’avait pas encore cessé ». Autre explication : Ils n’avaient pas eu le temps de la mâcher que leur âme les quittait déjà (Sifri)
11,34
On donna à ce lieu le nom de Kibroth-Hattaava, parce que c'est là qu'on ensevelit ce peuple pris de convoitise.
11,35
De Kibroth-Hattaava, le peuple partit pour Hacêroth, et il s'arrêta à Hacêroth.
Le mot ‘am (« peuple ») désigne les impies (Sifri), comme dans : « Que ferai-je pour ce peuple (la‘am) » (Chemoth 17, 4), et dans : « Ce peuple (ha‘am) mauvais » (Yirmeya 13, 10). Mais lorsqu’ils sont vertueux, on les appelle : ‘ami (« mon peuple »), comme il est écrit : « Renvoie “mon peuple” » (Chemoth 5, 1), « “Mon peuple”, que t’ai-je fait ? » (Mikha 6, 3)