II arriva, après ces faits, qu'on dit à Joseph: "Ton père est malade." Et il partit emmenant ses deux fils, Manassé et Éphraïm.
On dit à Yossef
Un des messagers. La phrase est elliptique, [le sujet du verbe « dit » n’étant pas indiqué]. Certains enseignent que c’était Efrayim, qui avait l’habitude d’étudier auprès de Ya‘aqov. Lorsque Ya‘aqov est tombé malade dans le pays de Gochèn, il s’est rendu chez son père en Egypte pour le lui annoncer (Midrach tan‘houma 6)
Il prit avec lui ses deux fils
Pour que Ya‘aqov les bénisse avant sa mort
48,2
On l'annonça à Jacob, en disant: "Voici que ton fils Joseph vient te voir." Israël recueillit ses forces et s'assit sur le lit.
On raconta
Quelqu’un l’annonça à Ya‘aqov, sans que le texte précise qui. Il existe de nombreux versets ainsi abrégés
Israël rassembla ses forces
Ya‘aqov a dit : Il est mon fils, mais il est un roi. Je lui dois donc des honneurs. D’où l’on apprend que l’on doit des honneurs à la royauté (Midrach tan‘houma Bo 7). Mochè aussi a rendu honneur à la royauté (Chemoth 11, 8) : « tous tes serviteurs que voici descendront vers moi », (manière délicate de lui dire : « Tu seras toi-même forcé de descendre vers moi. »). De même Eliyahou : « Il ceignit ses reins et courut au devant de A‘hav » (I Melakhim 18, 46)
48,3
Et Jacob dit à Joseph: "Le Dieu tout-puissant m'est apparu à Louz, au pays de Canaan et m'a béni.
48,4
Il m'a dit: ‘Je veux te faire croître et fructifier et je te ferai devenir une multitude de peuples; et je donnerai ce pays à ta postérité ultérieure, comme possession perpétuelle.'
Je ferai de toi une assemblée de peuples
Dieu m’a ainsi promis qu’il sortira de moi, de nouveau, une assemblée de peuples. Il est vrai qu’il m’avait déjà annoncé : « un peuple, une assemblée de peuples proviendra de toi » (supra 35, 11). Lorsqu’Il parlait « d’un peuple », il s’agissait de Binyamin. Lorsqu’Il parlait « d’une assemblée de peuples », Il faisait allusion à deux peuples en plus de Binyamin. Or, je n’ai plus eu d’autre fils depuis que cette promesse m’a été faite. C’est donc que Dieu a entendu m’annoncer que l’une de mes tribus sera partagée en deux. C’est ce privilège que je vais maintenant te transmettre
48,5
Eh bien! Tes deux fils, qui te sont nés au pays d'Égypte avant que je vinsse auprès de toi en Égypte, deviennent les miens; non moins que Ruben et Siméon, Éphraïm et Manassé seront à moi.
Avant que je vienne auprès de toi
Avant que je sois arrivé auprès de toi, c’est-à-dire : entre le moment où tu as été séparé de moi et celui où je suis arrivé auprès de toi
Ils sont miens
Ils entrent dans le compte de mes autres fils, de manière à recevoir, chacun séparément, sa part de territoire
48,6
Quant aux enfants que tu engendrerais après eux, ils te seront attribués: ils s'appelleront du nom de leurs frères, à l'égard de leur héritage.
Quant à l’engendrement...
Si tu devais engendrer d’autres enfants, ils n’entreront pas dans le compte de mes fils, mais ils seront intégrés aux tribus d’Efrayim et de Menachè, sans pouvoir porter, aux côtés des autres tribus, un nom particulier qui leur donnerait droit à une part d’héritage. Il est vrai que le pays sera partagé au prorata du nombre de têtes, ainsi qu’il est écrit : « à celui qui est nombreux tu augmenteras son héritage, à celui qui est peu nombreux tu diminueras son héritage » (Bamidbar 26, 54). Il est vrai aussi que chacun, sauf les aînés, recevra part égale, [les descendants de Yossef recevant, qu’ils aient constitué une seule ou deux tribus, la même part de territoire]. Cependant, seuls ces enfants-là, [descendants d’Efrayim et de Menachè] porteront le nom d’une tribu spécifique, avec les conséquences que cela comporte : participation au tirage au sort, désignation d’un chef de tribu et attribution d’un drapeau
48,7
Pour moi, quand je revins du territoire d'Aram, Rachel mourut dans mes bras au pays de Canaan pendant le voyage, lorsqu'une kibra de pays me séparait encore d'Éphrath; je l'inhumai là, sur le chemin d'Éphrath, qui est Bethléem."
Et moi
Ce désagrément de devoir transporter mon corps pour l’enterrer au pays de Kena‘an, je te l’impose alors que moi-même ne l’ai pas fait pour ta mère. Elle est morte tout près de Beith Lè’hem, [et je n’ai pas pris la peine de l’enterrer ailleurs qu’au lieu de son décès]
Une kivra de pays
Le mot kivra désigne une mesure de longueur, égale à deux mille coudées, comme la distance maximum qu’il est permis de parcourir le chabath. C’est ce qu’enseigne rabi Mochè Hadarchan. Et ne crois pas que ce sont les pluies qui m’ont empêché de la transporter jusqu’à ‘Hèvron pour l’y enterrer : C’était la saison sèche, et le sol était percé et garni de trous comme une passoire (kevara)
Je l’ai enterrée là
Je ne l’ai même pas transportée jusqu’à Beith Lè’hem, pour l’amener en pays habité. Et je sais que tu m’en fais intérieurement le reproche. Mais sache que c’est sur ordre divin que je l’ai enterrée à cet endroit, afin qu’elle vienne au secours de ses descendants lorsque Nevouzaradan les enverra en exil et qu’ils passeront près de son tombeau (Pessiqta rabathi 3). Ra‘hel sortira alors de sa sépulture et elle implorera pour eux, en pleurant, la miséricorde divine, ainsi qu’il est écrit : « une voix est entendue à Rama... ». (Yirmeya 31, 14). Et le Saint béni soit-Il répondra : « ton acte aura sa récompense, parole de Hachem, et tes enfants retourneront dans leur frontière » (versets 15 et 16). Le Targoum Onqelos traduit le mot kivra par « un labour de terre », c’est-à-dire ce que l’on peut labourer en un jour. Je pense qu’ils avaient une mesure fixe qu’ils appelaient : « pour un seul labour ». En français médiéval : « charuede ». Tout comme nous disons : « il laboure (kariv) et recommence » (Baba Metsi‘a 107a), « autant qu’en emporte un renard d’un champ labouré (bé karba) » (Yoma 43b)
48,8
Israël remarqua les enfants de Joseph et il dit: "Qui sont ceux-là?"
Israël vit les fils de Yossef
Il voulait les bénir, mais la chekhina s’est retirée de lui, parce que d’Efrayim allaient un jour sortir Yerov’am (Jéroboam) et A‘hav (Achab), et de Menachè Yéhou (Jéhu) et ses fils (Midrach tan‘houma 6, Pessiqta rabathi 3)
Il dit : Qui sont ceux-là
D’où sont sortis ceux-là, qui ne sont pas dignes de recevoir une bénédiction
48,9
Joseph répondit à son père: "Ce sont mes fils, que Dieu m'a donnés dans ce pays." Jacob reprit: "Approche-les de moi, je te prie, que je les bénisse."
Ici (bazè – littéralement : « par ceci »)
Il lui a montré son acte de fiançailles et son acte de mariage. Yossef a imploré la miséricorde divine, et l’esprit saint est revenu reposer sur Ya‘aqov (Midrach tan‘houma 6)
Il dit : Prends-les vers moi
Voici à quoi fait allusion le texte : « Et moi, j’ai été un guide pour Efrayim, pour qu’il “les” prenne (qa‘ham) sur ses bras » (Hoché‘a 11, 3), c’est-à-dire : J’ai dirigé mon esprit en Ya‘aqov, à cause d’Efrayim, afin qu’il « les » prenne [Efrayim et Menachè] sur ses bras
48,10
Or, les yeux d'Israël, appesantis par la vieillesse, ne pouvaient plus bien voir. Il fit approcher de lui ces jeunes gens, leur donna des baisers, les pressa dans ses bras;
48,11
et Israël dit à Joseph: "Je ne comptais pas revoir ton visage et voici que Dieu m'a fait voir jusqu'à ta postérité".
Je n’avais pas pensé (lo filalti)
Mon cœur ne s’était même pas hasardé à imaginer que je reverrais encore ton visage. Le mot filalti a le sens de « penser », comme dans : « apporte un conseil, produis une pensée (felila) » (Yecha’ya 16, 3)
48,12
Joseph les retira d'entre ses genoux et se prosterna devant lui jusqu'à terre.
Yossef les retira
Après que Ya‘aqov les eut embrassés, Yossef les retira d’entre ses genoux pour les placer l’un à droite, l’autre à gauche, afin qu’il pût poser ses mains sur eux et les bénir
Il se prosterna devant lui
Dans un mouvement de recul, face à son père
48,13
Puis Joseph les prit tous deux, Éphraïm de la main droite, à gauche d'Israël et Manassé de la main gauche, à droite d'Israël; et il les fit avancer vers lui.
Efrayim à sa droite
Quand on se présente devant quelqu’un, on a sa droite face à la gauche de l’autre. Menachè étant l’aîné, il aurait dû être à sa droite pour recevoir sa bénédiction
48,14
Israël étendit la main droite, l'imposa sur la tête d'Éphraïm, qui était le plus jeune et mit sa main gauche sur la tête de Manassé; il croisa ses mains, quoique Manassé fut l'aîné.
Il plaça (sikél) ses mains
Traduction du Targoum : Il mit de l’intelligence (sékhèl) dans ses mains. Il a intentionnellement, avec réflexion et intelligence, placé ses mains à cet effet, en connaissance de cause. Il savait que Menachè était l’aîné, et malgré cela il n’a pas mis sa main droite sur lui
48,15
Il bénit Joseph, puis dit: "Que la Divinité dont mes pères, Abraham et Isaac, ont suivi les voies; que la Divinité qui a veillé sur moi depuis ma naissance jusqu'à ce jour;
48,16
que l'ange qui m'a délivré de tout mal, bénisse ces jeunes gens! Puisse-t-il perpétuer mon nom et le nom de mes pères Abraham et Isaac! Puisse-t-il multiplier à l'infini au milieu de la contrée."
Que l’ange qui m’a délivré
L’ange qui m’est envoyé habituellement dans ma détresse, ainsi qu’il est écrit : « un ange de Eloqim me dit dans le rêve... Je suis le Qél de Beith-El » (supra 31, 11 et suivants)
bénisse les enfants
Menachè et Efrayim
Et qu’ils se multiplient (weyidgou)
Comme les poissons (daguim) qui fructifient et se multiplient sans que le mauvais œil ait prise sur eux
48,17
Joseph remarqua que son père posait sa main droite sur la tête d'Éphraïm et cela lui déplut; il souleva la main de son père pour la faire passer de la tête d'Éphraïm sur la tête de Manassé
Il soutint la main de son père
Il la souleva de dessus la tête de son fils, et la soutint dans sa propre main
48,18
et il dit à son père: "Pas ainsi, mon père! Puisque celui-ci est l’aîné, mets ta main droite sur sa tête."
48,19
Son père s'y refusa et dit: "Je le sais, mon fils, je le sais; lui aussi deviendra un peuple et lui aussi sera grand: mais son jeune frère sera plus grand que lui et sa postérité formera plusieurs nations."
Je sais
Qu’il est l’aîné
Lui aussi deviendra un peuple
Car c’est de lui que sortira Guid’on (Gédéon), par l’intermédiaire de qui le Saint béni soit-Il opérera un miracle (Midrach tan‘houma 6)
Cependant
Car c’est de lui que sortira Yehochou‘a, qui donnera sa terre à Israël et qui lui enseignera la Tora (ibid.)
Et sa descendance sera une plénitude de nations
Le monde entier sera fasciné par son prestige et par son renom quand Yehochou‘a arrêtera le soleil à Guiv‘on, et la lune dans la vallée d’Ayalon (Yehochou‘a 10, 12, ‘Avoda Zara 25a)
48,20
Il les bénit alors et il dit: "Israël te nommera dans ses bénédictions, en disant: Dieu te fasse devenir comme Éphraïm et Manassé!" II plaça ainsi Éphraïm avant Manassé.
En toi Israël bénira
Quand on voudra bénir ses enfants, on les bénira en récitant la bénédiction qui leur a été octroyée, et l’on dira à son fils : « Eloqim te fasse devenir comme Efrayim et Menachè !
Il plaça Efrayim
Dans sa bénédiction, avant Menachè, lui donnant ainsi préséance dans l’ordre des drapeaux (Bamidbar 2, 18 et 10, 22) et pour l’inauguration du tabernacle (Bamidbar 7, 48 et 54, Beréchith raba 97, 5)
48,21
Israël dit à Joseph: "Voici, je vais mourir. Dieu sera avec vous et il vous ramènera au pays de vos aïeux.
48,22
Or, je te promets une portion supérieure à celle de tes frères, portion conquise sur l'Amorréen, à l'aide de mon épée et de mon arc."
Et moi
Parce que tu te seras astreint à t’occuper de ma sépulture, je te donne moi aussi en héritage un lieu où tu seras inhumé. Et quel est-il ? C’est Chekhem (Sichem), ainsi qu’il est écrit : « Et les ossements de Yossef que les enfants d’Israël avaient ramenés d’Egypte, ils les inhumèrent à Chekhem » (Yehochou‘a 24, 32)
Une part (chekhem) au-dessus de tes frères
Le mot chekhem (« part ») est à prendre à la lettre : il s’agit effectivement de la ville de Chekhem, qui te sera attribuée en supplément par rapport à tes frères
Par mon épée et par mon arc
Lorsque Chim‘on et Léwi ont tué les habitants de Chekhem, toutes les populations environnantes se sont liguées contre eux. Aussi Ya‘aqov a-t-il dû prendre les armes pour les combattre (Beréchith raba 80, 10). Autre explication [de la « part “au-dessus” »] : La part au-dessus, c’est celle dévolue à l’aîné (Beréchith raba 97, 6). Or, ses fils ont reçu deux parts, et le mot chekhem signifie « part », ainsi qu’il résulte de nombreux exemples dans le texte : « car tu les mettras en parts (chèkhèm) » (Tehilim 21, 13), c’est-à-dire : tu feras en sorte que mes ennemis soient éparpillés devant moi. « Je vais partager la part (chekhem) » (Tehilim 60, 8). « En route ils tueront pour sa part (chèkhma) » (Hoché‘a 6, 9), c’est-à-dire chacun sa part. « Pour Le servir d’une seule part (chekhem) » (Tsefania 3, 9), c’est-à-dire d’un même esprit
Que j’ai prise de la main du Emori
De la main de ‘Essaw, qui a agi comme un Emori. Autre explication : qui trompait mon père par les paroles (imré) de sa bouche (voir Rachi supra 25, 28)
Par mon épée et par mon arc (ouveqachti)
(Par mes armes spirituelles, à savoir) ma sagesse et ma prière (baqachathi) (voir Targoum Onqelos et Baba Batra 123a)
Un des messagers. La phrase est elliptique, [le sujet du verbe « dit » n’étant pas indiqué]. Certains enseignent que c’était Efrayim, qui avait l’habitude d’étudier auprès de Ya‘aqov. Lorsque Ya‘aqov est tombé malade dans le pays de Gochèn, il s’est rendu chez son père en Egypte pour le lui annoncer (Midrach tan‘houma 6)