Maurice et Bill roulent chacun dans leur belle voiture le long de la Route 67 aux Etats-Unis. Captivés par le paysage magnifique, ils en oublient de surveiller leur trajectoire et finissent par se frôler. Un bruit de tôle froissée les fait sursauter, et ils s’arrêtent immédiatement sur le bas-côté. Maurice sort de la voiture le premier et constate les dégâts, mais remercie le Ciel d’être en bonne santé. Bill, sort à son tour de la voiture, et il se rue sur le devant de la voiture pour constater les éraflures.
Il s’écrie « Une si belle voiture ! Quel dommage ! Combien ça va me coûter encore une telle réparation ? »
« Remerciez plutôt l’Eternel d’être en bonne santé ! D’ailleurs vous êtes tellement matérialiste et préoccupé par l’état de votre voiture que vous n’avez même pas réalisé que vous vous êtes blessé au poignet ! » lui fait remarquer Maurice.
« Quoi ? Où ? Aiiie… Ma Rolex… »
Après avoir reçu la Torah au Mont Sinaï, complétée par les principes fondamentaux de la justice qui doivent réguler les relations entre les hommes, le peuple juif se voit confier une merveilleuse mission : construire une résidence sainte pour Hachem. En effet, la Torah ne considère pas que la terre est le lieu des hommes et qu’elle n’est pas digne de recevoir la Présence divine. Au contraire, nos Sages nous rappellent régulièrement que l’essence de la Présence divine est de résider sur terre « Ikar Chékhina Béta'htonim ». Il appartient toutefois à l’homme de faire en sorte que les conditions soient réunies pour rendre possible cette présence de D.ieu au milieu d’eux.
Examinons à présent le verset bien connu qui invite l’homme à construire cette demeure (ch. 25, verset 8) : « Et ils Me construiront un sanctuaire, pour que Je réside au milieu d'eux ». Une première interprétation de ce verset semble indiquer que grâce au sanctuaire qui accueille la Présence divine, D.ieu peut désormais « résider » au milieu des hommes. Toutefois, au-delà de cette première explication, les commentaires nous invitent à aller plus loin et à comprendre que ce dont il est question dans ce verset, c’est avant tout la capacité de l’homme à accueillir D.ieu en lui, et pas seulement dans un sanctuaire extérieur sur terre. En effet, les commentaires soulignent que le pluriel « afin que Je réside au milieu d’eux » (et non « afin que Je réside en lui » qui aurait été plus logique si on souhaitait évoquer le sanctuaire) témoigne que le projet divin est de résider dans l’intériorité des hommes, dans leur cœur.
En effet, la Torah place un espoir infini dans les capacités de l’homme à s’élever, se raffiner, et assumer sa création « à l’image » de D.ieu. La Torah nous y invite explicitement à travers l’injonction bien connue « Soyez saints car Je suis saint ». L’homme a donc la capacité de recevoir D.ieu en lui à condition de se sanctifier, c’est-à-dire à condition de prendre ses distances avec le matériel, à ne pas le considérer comme une fin en soi, comme une source de jouissance personnelle. L’homme doit plutôt rechercher la possibilité qu’offre le matériel de servir D.ieu, de percevoir Sa grandeur à travers la beauté de la nature et les miracles du quotidien. De cette manière, le cœur de l’homme n’est pas occupé par une relation de profit avec le matériel, par une surenchère d’envies insatiables et de calculs personnels, mais il est libre pour ressentir et accueillir le souffle de la présence divine dans le monde.
Ce n’est pas seulement le cœur de l’homme et son rapport au matériel que l’homme doit sanctifier, mais c’est aussi naturellement l’ensemble de son être et de son corps. En effet, les membres de notre corps sont les intermédiaires grâce auxquels nous percevons le monde qui nous entoure et grâce auxquels nous pouvons nouer des relations avec autrui. Or ces membres doivent aussi être contrôlés afin de permettre à l’homme d’atteindre son idéal de sainteté. Voilà pourquoi, notre tradition accorde une importance si grande à la capacité de l’homme à « préserver » certains organes car ils sont les canaux à travers lesquels nous pouvons faire entrer en nous des idées, des pensées, ou des sentiments qui nous élèvent ou bien qui nous rabaissent. Inutile de s’étendre sur les conséquences de ce que nos yeux voient, qui pénètrent en nous en un instant et mettent des années ensuite pour s’effacer quand cela est possible ; pensons également à ce que nos oreilles entendent et qui sont susceptibles de faire naître en nous des pensées qui nous envahissent et nous perturbent ou encore des sentiments négatifs sur autrui à cause de la médisance à laquelle nous aurions, D.ieu nous en préserve, prêté l’oreille. Quant à la bouche, chacun connaît les règles exigeantes que nous devons respecter afin de ne pas porter préjudice à autrui par des paroles inopportunes. De même nous devons nous efforcer de faire régner dans notre esprit et dans notre cœur des pensées de 'Hessed et de Sim'ha propices à l’élévation spirituelle.
Ces recommandations de nos Sages maintes fois répétées dans la Torah concourent sans aucun doute à sanctifier l’homme, à l’immuniser contre les influences négatives de la société et à faire de son corps une demeure adéquate pour Hachem. L’homme qui s’engage dans cette voie témoigne d’un profond amour de D.ieu et de la Torah et d’une capacité à s’effacer et effacer ses pulsions pour un idéal supérieur : servir D.ieu.
Rappelons que Rachi commente le verset « Et ils Me construiront un sanctuaire, pour que Je réside au milieu d'eux. » de la manière suivante : « Ils feront à Mon intention une maison de sainteté. » Rachi rappelle ainsi opportunément que cet effort de sanctification doit être fait exclusivement « lichemi » - à Mon intention - c’est-à-dire de manière désintéressée. L’homme ne doit pas rechercher une reconnaissance de son niveau spirituel, il ne doit pas chercher à vivre « un moment d’élévation spirituelle » ou à prouver quoi que ce soit. Il doit essayer de se raffiner pour D.ieu « Bétemimout » avec intégrité, modestie et humilité, en connaissant ses limites mais aussi la grandeur à laquelle il est appelé à s’élever.
C’est ainsi que la seule demeure qui sied à Hachem est celle que l’homme se construit dans l’intériorité de son cœur et de son âme, en raffinant son être par amour pour D.ieu. Les mots de notre Paracha prennent un relief particulier en ce début de mois de Adar. En effet, Les Sages décomposent parfois « Adar » comme « Alef-dar », « l’Unique, le Maître du monde réside parmi le peuple juif », et c’est précisément cette présence qui donne à ce mois une joie intense (Rav Rozenberg). Ce contexte particulièrement favorable doit permettre à l’homme de se rapprocher de son Créateur, de s’engager dans la voie du repentir par amour afin de permettre à D.ieu de résider pleinement en lui. Nous ne trouverons probablement pas de meilleure conclusion que ces mots du Prophète Isaïe (ch.66, 1-3) :
« Ainsi parle l'Eternel : "Le ciel est Mon trône et la terre Mon marchepied : quelle est la maison que vous pourriez Me bâtir, le lieu qui Me servirait de résidence ? Mais, tout cela, Ma main l'a créé ! Tout cela est né d'une parole de l'Eternel ! Voici pourtant ce que J'aime à embrasser de Mes regards : les humbles, ceux qui ont le cœur contrit, ceux qui craignent Ma parole.” »
Maurice et Albert discutent à la sortie de la synagogue samedi matin.
« Alors, Maurice comment ça va ? Cette semaine écoulée, rien de particulier ? »
« Bé’ézrat Hachem tout va bien ! Bon, on ne va pas en parler pendant Chabbath, mais je t’appellerai dans la semaine car je songe vendre ma voiture… »
« Ah oui, très bien, écoute parlons-en après Chabbath car ça peut m’intéresser…tu me diras ton prix. »
« Oui, je t’expliquerai tout en détails après Chabbath, mais ça ne devrait pas dépasser 3000 €. »
« Ah ok, j’attends ton appel après Chabbath pour en parler précisément car mon budget maximum était autour de 2500 €. »
Nos deux amis se retrouvent pour l’office de Min'ha.
Maurice s’approche d’Albert et lui dit : « Alors, n’oublie pas de m’appeler après Chabbath pour qu’on discute de ta voiture, on en reparlera mais je peux faire un effort sur ce que je t’ai dit tout à l’heure. »
« Ah Maurice, excuse-moi, je préfère ne pas en parler pendant Chabbath mais en principe c’est Jules que j’ai croisé tout à l‘heure qui s’est porté acquéreur. »