La Paracha Emor nous permet d’approfondir les principes de pureté rituelle de la Torah, et en particulier, ceux qui concernent les Cohanim dans le cadre du service du Temple. Notre Sidra nous rappelle ainsi qu’en miroir des droits et des honneurs éminents qui leurs sont dévolus, les Cohanim ont aussi des responsabilités et des devoirs spécifiques et très exigeants.
Le Cohen a vocation à incarner des vertus éminentes telles que la « grandeur », la « sagesse », la « pureté » et la « majesté ».
Toutefois, nous aurions tort de penser que tous ces versets de la Torah ne concernent que les familles de Cohanim. À travers eux, notre tradition s’adresse également, symboliquement, à tous ceux qui sont amenés au cours de leur vie à exercer de hautes responsabilités, et une forme de magistère moral sur autrui.
Aussi, dès le début de la Paracha, Rachi écrit un commentaire qui pose les enjeux du problème. Il commente notamment, la triple répétition du terme « dire » dans le premier verset « L'Éternel dit à Moïse: "Parle aux pontifes, fils d'Aaron, et dis-leur : Nul ne doit se souiller par le cadavre d'un de ses concitoyens". (chap. 1, verset 1)
Dis aux pontifes : « Dis […] tu leur diras » : pour que les adultes en avertissent les enfants (Yébamot 114a).
Cette répétition du verbe « dire » a ainsi vocation à éveiller les Cohanim à leur responsabilité, afin qu’ils assurent la transmission des lois de pureté rituelle d’une génération à l’autre et que les plus âgés les enseignent aux plus jeunes.
Au-delà du cas particulier des Cohanim, ce verset s’adresse naturellement à chacun d’entre nous et nous rappelle à nos obligations, en matière de transmission, d’éducation, et de sollicitude à l’égard d’autrui.
La Torah nous rappelle que la transmission ne peut pas s’improviser, elle est un art qui requiert une habileté toute particulière. Nos Sages soulignent ainsi le verbe employé notamment par Rachi pour évoquer l’avertissement que les « grands » doivent faire aux « petits », il s’agit du verbe « Léhizaèr » qui trouve sa racine notamment dans la racine « Zohar » qui désigne la lumière, l’illumination.
C’est donc évidemment à dessein que ce verbe a été employé dans un contexte de transmission, alors que de nombreux autres termes auraient pu être employés (ordonner, exiger, enseigner…). En effet, une transmission n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle vise non pas à « contraindre », à « formater », ou pire à « dresser », mais simplement à « éclairer » autrui pour lui permettre d’adhérer lui-même à l’information transmise.
Ainsi, tous ceux qui disposent d’une maturité supérieure à leur prochain dans un domaine ont le devoir d’éclairer ceux qui n’ont pas la même maturité et de leur donner les moyens à eux aussi d’accéder à plus de lumière, à plus de sagesse et, en l’occurrence, à plus de proximité avec Hachem.
La sagesse n’est pas une prérogative que l’homme doit vivre seul, elle doit lui permettre de s’ouvrir à autrui, de la partager avec ses proches pour que la lumière puisse s’étendre au plus grand nombre, et emplir progressivement la terre. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, l’homme ne gagne rien à vivre sa sainteté de manière solitaire et à la protéger jalousement ; la sainteté est un projet collectif qui rejaillit sur chacun.
Il convient d’être attentif également au choix du verbe « Emor / dire » employé dans ce verset à trois reprises. En effet, il y a essentiellement deux manières de s’adresser à son prochain dans la vocabulaire biblique : soit à travers le verbe « Emor » « dire », soit à travers le verbe « Daber » « parler ».
Le premier évoque un langage de douceur, alors que le second est plus sévère. Ici, le choix, martelé à trois reprises, s’est porté sur le verbe « Emor » qui donne son nom à notre Paracha. Cela nous enseigne une règle précieuse en matière d’éducation et d’intelligence émotionnelle. Pour être entendu de son prochain, il faut commencer par parler la langue de la douceur, lui témoigner de l’affection, de la sollicitude. Ce rappel est d’autant plus important que notre Paracha évoque des notions très importantes, les plus importantes peut-être pour un Cohen, les notions de pureté et de sainteté. Or, pour des notions aussi importantes, l’homme peut être tenté de signifier l’exigence qui leur sied à travers un langage plus sévère et plus impératif. Notre Paracha vient nous rappeler que seul un langage de douceur et d'affection est susceptible d’entrer véritablement dans le cœur de nos interlocuteurs et pourra les amener à évoluer dans la bonne direction.
Nos Sages nous mettent en garde notamment contre les excès de zèle, et plus particulièrement contre la colère ou la peur que l’on peut susciter chez ceux que l’on souhaite éduquer. Celles-ci peuvent produire des effets à courte durée, dans le meilleur des cas, mais n’offrent aucune garantie sur le maintien de la pratique et la conviction que l’on crée chez ceux à qui l’on s’adresse. Le Talmud exhorte ainsi l’homme à ne jamais « faire régner une crainte excessive dans sa maison ».
Comme nous l’enseignent les Sages, ce que Hachem recherche est avant tout l’expression du cœur. Celui-ci se manifeste, dans ce premier verset, d’une part à travers le souci de partager la connaissance et de diffuser la sagesse auprès de nos proches, et d’autre part dans la capacité à employer à leur attention un langage de douceur et d’affection.