Nos Sages nous disent « Kol Hat’halot Kachot » « Tous les débuts sont difficiles ». Et, de fait, l’exemple de la mission assumée par Moché Rabbénou pour faire sortir les Bné Israël d’Égypte illustre pleinement ce principe.
Dans la Paracha que nous avons lue la semaine dernière, nous avons assisté à l’échec des premières médiations entreprises par Moché Rabbénou auprès de Pharaon. Pire, ses initiatives ont aggravé l’asservissement des enfants d’Israël. En effet, comme nous l’avons vu, ils doivent à présent fabriquer le même quota de briques qu’auparavant, mais ils doivent ramasser eux-mêmes leur propre paille pour former leurs briques, et fabriquer le mortier. "Que le Seigneur vous regarde et vous juge ! Vous nous avez rendus odieux à Pharaon et à ses fonctionnaires et vous avez mis une épée dans leur main pour nous tuer." (Ex. 5:21) dit ainsi le peuple à Moché et Aharon.
Et Moché de manifester son incompréhension à l’Éternel : "Pourquoi, Seigneur, pourquoi as-tu amené le malheur sur ce peuple ? Est-ce pour cela que Tu m'as envoyé ? Depuis que je suis allé chez Pharaon pour parler en Ton nom, il a amené le malheur sur ce peuple, et Tu n'as pas du tout secouru Ton peuple." (Ex. 5:22-23)
Les déceptions de Moché ne vont pas s’arrêter là. Il sera ainsi éconduit par le Pharaon durant 9 épisodes sans parvenir à libérer le peuple de l’asservissement.
Et pourtant, nous constatons que Moché ne baisse jamais les bras. Il échoue mais il recommence, toujours avec la même ardeur et la même confiance dans sa capacité à réussir. C’est d’ailleurs cette persévérance extraordinaire qui lui permettra d’être le leader exceptionnel qu’il a été tout au long de la traversée du désert. Ces quarante années verront se succéder des périodes porteuses d’espoir, de bonnes nouvelles, d’élévation spirituelle inégalée dans notre histoire, mais aussi des périodes décevantes pour ne pas dire désespérantes. Pourtant, Moché ne désespère jamais. Quel que soit les égarements du peuple, Moché ne cesse jamais d’être son avocat auprès du Maître du monde.
Et de fait, cette persévérance est la marque des grands leaders, des grands hommes. Ces derniers savent parfaitement que l’échec n’est jamais le dernier mot d’une histoire, mais qu’il est une étape nécessaire vers le succès. Celui qui n’est pas prêt à connaître l’échec, risque de ne jamais connaître la réussite. C’est ainsi que les grands artistes, les scientifiques, les créateurs d’entreprise ou les hommes politiques ont connu dans leur histoire de nombreux et cuisants échecs avant de parvenir au succès. De ces échecs, ils ont tiré des leçons, appris des enseignements précieux, afin d’être en mesure de repartir, de reconstruire de nouvelles histoires, renforcés par les expériences passées.
Rappelons ces mots du grand maître du vingtième, Rav Its'hak Hutner, rapporté par Rav J. Sacks zatsal, qui écrivait à un élève affecté par un sentiment d’échec dans l’étude de la Torah :
« Un défaut dont beaucoup d'entre nous souffrent est que, lorsque nous nous concentrons sur les réussites extraordinaires des grands hommes, nous discutons de la façon dont ils sont imbattables dans tel ou tel domaine, tout en omettant de mentionner les luttes intérieures qui faisaient rage en eux auparavant. À écouter de tels discours, on pourrait croire que ces individus sont sortis de la main de leur Créateur dans un état de perfection... Le résultat de ce sentiment est que lorsqu'un jeune homme ambitieux et enthousiaste rencontre des obstacles, tombe et s'affaiblit, il s'imagine être indigne d'être "assis dans la maison de D.ieu" (Ps. 92:13)...
Sache cependant, mon cher ami, que ton âme est enracinée non pas dans la tranquillité du bon penchant, mais dans le combat du bon penchant...
L'expression anglaise, "perdre une bataille et gagner la guerre", s'applique. Certes, tu as trébuché et tu trébucheras encore, et dans de nombreuses batailles, tu tomberas boiteux. Je te promets cependant qu'après ces campagnes perdues, tu sortiras de la guerre avec les lauriers de la victoire sur la tête...
Le plus sage des hommes a dit : "Un homme juste tombe sept fois, mais se relève." (Proverbes 24:16) Le langage populaire croit que l'intention de ce verset est de nous apprendre que l'homme juste tombe sept fois et que, malgré cela, il se relève. Mais les Sages savent que l'essence de la renaissance de l'homme juste est obtenue « grâce » à ses sept chutes. » (Rabbi Its'hak Hutner, Sefer Pa'had Its'hak : Iguérot Ouketavim )
C’est ainsi que l’échec est consubstantiel à la réussite. Il ne s’agit pas d’une erreur de parcours regrettable, d’un égarement dans le chemin du succès, mais l’échec est le chemin vers la réussite.
Voilà pourquoi, une qualité fondamentale pour être un grand leader, et un grand homme, chacun à son échelle, est d’être doté d’une grande capacité d’endurance, de persévérance, et de résilience.
C’est ainsi que le président américain Calvin Coolidge avait eu cette belle formule (rapporté par le Rav J. Sacks) : "Rien dans ce monde ne peut remplacer la persévérance. Le talent ne le fera pas : rien n'est plus commun que des hommes de talent qui ne connaissent jamais le succès. Le génie ne le fera pas : les génies incompris sont légion. L'éducation ne le fera pas : le monde est plein de marginaux instruits et bien éduqués. La persévérance et la détermination seules sont des clefs pour la réussite."
Les grands hommes ne sont pas ceux qui ne sont jamais tombés, mais plutôt ceux qui tombent et se relèvent sans jamais perdre espoir. Cette persévérance, nous la devons au Maître du monde qui, Lui, ne perd jamais espoir en l’homme, et croit dans ses capacités infinies.
Une tendance naturelle des hommes tend à essentialiser des évènements conjoncturels de la vie qui ont pu être des échecs pour réduire l’individu à ses échecs, et dresser une distinction imperméable entre « ceux qui réussissent » et « ceux qui échouent ». Quand l’homme prend de la hauteur et médite sur les voies empruntées par Hachem pour guider l’humanité, il comprend non seulement que l’échec est le chemin vers la réussite, mais en outre qu’il convient de remercier l’Éternel aussi bien pour ses réussites que pour ses échecs. En effet, rien de la vie de l’homme n’est livré au hasard, mais tout est pensé par la Providence pour donner à chacun d’entre nous ce qu’il y a de mieux dans son parcours de vie personnel.
Puisse l’Éternel nous permettre de développer en nous cette vertu de la persévérance et nous permettre ainsi de connaître de grands succès dans nos vies spirituelles et matérielles.