La paracha de cette semaine, Tazria, décrit plusieurs sortes de négaïm (plaies, affections lépreuses) ainsi que le processus grâce auquel la personne peut en guérir. Depuis la destruction du Beit HaMikdach, les lois de négaïm ne s’appliquent plus [1].
Dans ce cas, en quoi cette paracha nous concerne-t-elle, dans la vie quotidienne ? Le Séfer Ha’Hinoukh répond à cette question. Il écrit que l’impureté du métsora (lépreux) provient de ses fautes. La souffrance endurée n’est pas un hasard — elle vient d’Hachem. Le lépreux doit vivre un isolement très difficile durant lequel il est censé s’introspecter et mettre le doigt sur son erreur.
Cet enseignement est très pertinent dans chaque génération [2]. Nous ne souffrons plus des négaïm, mais nous traversons d’autres sortes d’épreuves. L’impureté de ces plaies nous apprend que nous ne devons pas attribuer ces difficultés au hasard, mais plutôt les considérer comme un moyen utilisé par Hachem pour nous faire passer un message.
Il existe une autre mitsva liée aux négaïm qui nous enseigne également comment réagir et comment ne pas réagir aux yissourim. La Thora nous informe que l’un des négaïm est appelé « nézek ». Si quelqu’un trouve un nézek (une teigne) sur son corps, il doit s’isoler puis se faire examiner par un Cohen. Si après une semaine de retranchement, le nézek n’a pas grossi, la personne peut raser la zone qui l’entoure. Il est cependant formellement interdit de raser les cheveux ou les poils qui se trouvent sur le nézek [3].
Le Séfer Ha’Hinoukh nous explique la signification de cette prohibition. « Cette mitsva nous montre que chacun doit accepter l’épreuve ou la punition qu’Hachem lui envoie ; il ne faut pas se révolter contre elles, ni se croire capable de les supprimer et de les camoufler… [4] » Ces deux réactions incorrectes que l’on peut avoir face aux yissourim sont symbolisées par le rasage du nézek envoyé par Hachem. Tout d’abord, la personne peut « se révolter » quand elle souffre, remettant en cause la justice Divine. Et même sans critiquer l’épreuve envoyée par Hachem, elle peut adopter une autre conduite, elle aussi incorrecte. Elle peut essayer de supprimer la plaie sans en tirer la bonne leçon. En outre, elle peut être plus concernée par ce que les gens vont penser et tout faire pour dissimuler sa souffrance, plutôt que de l’utiliser pour grandir.
L’interdit d’enlever le nézek nous enseigne qu’il ne faut pas pratiquer la politique de l’autruche lorsque nous sommes confrontés à une difficulté, mais que nous devons utiliser cette dernière pour nous élever.
Le machguia’h de Slabodka, rav Avraham Grodzinski zatsal développe cette réflexion sur les épreuves dans son ouvrage Thorat Avraham [5]. Il écrit que la prophétie avait pour objectif principal de notifier au peuple ses erreurs. Même quand les Bné Israël ne faisaient « rien de mal », le prophète scrutait leurs cœurs et savait mettre le doigt sur les domaines qui leur faisaient défaut.
De nos jours, comment Hachem nous communique-t-Il nos erreurs ? Il répond que les yissourim remplacent la prophétie. Lorsqu’une personne traverse une épreuve, quelle que soit sa dureté, elle reçoit un message d’Hachem Qui lui montre, par son biais, comment s’améliorer. Les difficultés endurées sont donc un cadeau exceptionnel – elles nous offrent l’opportunité de nous amender. La guemara précise que les difficultés dont on parle ne sont pas forcément de grandes afflictions, mais se présentent parfois comme des ennuis mineurs ; elle nous donne l’exemple d’une personne qui veut retirer trois pièces de sa poche et qui n’en sort que deux. Ainsi, Hachem communique constamment avec nous à travers les yissourim.
Nous pouvons nous poser la question suivante. À l’époque du Beit HaMikdach, tout ceci était très simple ; les gens souffraient de négaïm lorsqu’ils commettaient certaines fautes spécifiques, comme le lachon hara (médisance). Mais de nos jours, comment peut-on savoir quel message Hachem veut nous transmettre à travers les yissourim ? » Le Thorat Kohanim rapporte un principe de ‘Hazal selon lequel Hachem punit l’individu pour ses avérot, mida kénégued mida (mesure pour mesure). Par exemple, la michna dans Sota nous raconte que Chimchon fauta avec ses yeux et, par conséquent, ce sont ses yeux qui furent touchés ; les Pelichtim les lui crevèrent ; Avchalom s’enorgueillissait de sa belle chevelure et ce fut ses cheveux qui entraînèrent sa mort, lorsqu’ils s’entremêlèrent dans les branches d’un arbre [6]. Il est donc recommandé de rechercher une raison quelque peu liée à la douleur subie.
Si, par exemple, quelqu’un souffre de douleurs buccales, il peut se demander en premier lieu s’il a transgressé un interdit lié à la parole. Prenons pour exemple l’anecdote suivante concernant le rav Grodszinski même. Quand on le proposa en chidoukh à la fille de rav Ber Hirsh Heller, ‘Hassia, elle refusa à cause d’un handicap au pied qui le faisait boiter. Peu de temps après, elle tomba dans les escaliers d’une cave et se cassa le pied. Elle conclut que ceci était un signe montrant qu’elle n’aurait pas dû refuser la proposition pour cette raison ; finalement, ils se marièrent [7].
Il est toutefois plus important de se mettre à la recherche d’un point faible que de trouver, ou pas, la avéra concrètement commise. Dans l’exemple rapporté plus haut, si la douleur buccale résulte d’un mensonge, mais que la personne s’efforce de dire moins de lachon hara, elle aura atteint l’objectif principal de l’épreuve : s’efforcer de s’améliorer.
On a naturellement tendance à rechercher toutes sortes de segoulot (remèdes spirituels) pour mettre fin à la douleur. Or, cela va à l’encontre de l’enseignement du Séfer Ha’Hinoukh, à savoir qu’il ne faut pas simplement essayer de supprimer la souffrance. Hachem n’envoie pas des yissourim pour que nous trouvions une segoula appropriée (bien que ce soit un moyen efficace pour neutraliser l’épreuve), mais Il veut plutôt que nous en grandissions. Cela ne signifie pas que toutes les segoulot sont négatives, mais il convient de ne pas oublier quel est l’objectif des yissourim – Hachem nous demande de grandir [8].
La paracha des négaïm s’applique donc à nous tous – elle nous montre comment utiliser les yissourim pour devenir meilleurs. Puissions-nous tous mériter de grandir à travers les épreuves qu’Hachem nous envoie.
[1] Voir Dérekh Si’ha, du rav ‘Haïm Kanievsky chlita, qui en explique la raison.
[2] Séfer Ha’Hinoukh, mitsva 169.
[3] Parachat Tazria, Vayikra 13:31-34.
[4] Séfer Ha’Hinoukh, mitsva 170.
[5] Thorat Avraham, p.14-26. Il était le beau-père du rav Wolbe zatsal et du rav Kreiswert zatsal, ainsi que le beau-frère du rav Yaacov Kamenetsky zatsal. Il écrivit ce livre alors qu’il vivait en Europe, à l’époque où les nazis montèrent au pouvoir. Il fut finalement tué par les nazis.
[6] Sota, 9 b.
[7] Rosenblum, Reb Yaacov, p. 80.
[8] Bien que le fait de recevoir des bénédictions des Guedolim (dirigeants spirituels de la génération) soit parfaitement acceptable, cela ne doit pas nous distraire du but principal des épreuves.