Cette semaine, nous lisons deux Parachiot : Tazria et Métsora, mais nous lisons uniquement la Haftara de Métsora. Toutefois, la Haftara de Tazria, comme celle de Métsora, sont issues du même livre, le deuxième livre des Rois. Elles constituent la continuité l’une de l’autre et se déroulent toutes les deux à l’époque du prophète Elicha qui succéda à Eliahou Hanavi.
Elicha était un très grand prophète et est resté célèbre notamment en raison des nombreux miracles qu’il a accomplis. Les premiers, nous les avons vus à l’occasion de la Paracha Vayéra, qui nous conte d’une part le sauvetage miraculeux d’une veuve endettée, et d’autre part l’épisode de la Chounamite qui servait le prophète avec un grand dévouement, mais qui n’avait pas d’enfants. Elicha promit à cette dernière un fils qu’elle enfanta de manière miraculeuse à un âge avancé. En outre, ce fils tomba malade et le prophète le ramena à la vie de manière miraculeuse.
La Haftara de Tazria évoque, pour sa part, la visite d’un général étranger, Naaman, qui vint solliciter Elicha afin de le guérir d’une affection de lèpre qu’il avait contractée. A sa grande surprise, Elicha lui prescrit simplement de se baigner dans le fleuve du Jourdain. Malgré son scepticisme, Naaman se trempe et guérit miraculeusement. Sa reconnaissance est entière à l’égard d’Elicha, et Naaman adopte la foi en l’Eternel. Il propose également des cadeaux somptueux à Elicha, mais le prophète refuse toute compensation matérielle et se soucie uniquement de diffuser la gloire d’Hachem dans ce monde.
Telle n’est pas l’attitude de son serviteur Gué’hazi, pourtant qualifié par ailleurs de « Guibor Ba-Torah » (« Puissant en Torah »). Ce dernier rattrape Naaman, à l’insu d’Elicha, et lui fait croire que finalement, son maître s’est ravisé et lui demande de l’argent pour aider des pauvres. Malgré sa surprise initiale d’un tel revirement, Naaman s’exécute généreusement. Toutefois, Elicha apprend les agissements de son serviteur par inspiration divine. Il le maudit d’être à son tour affecté par la lèpre ainsi que ses enfants qui avaient cautionné ses agissements.
Enfin, alors que la famine sévit avec une intensité particulière autour du royaume de Chomrone et que le désespoir s’est emparé de la population, Elicha prophétise la fin imminente du siège par les armées ennemies et l’abondance de nourriture d’ici seulement 24 heures.
C’est dans ce contexte que survient notre Paracha. Nous trouvons 4 lépreux, Gué’hazi et ses enfants, qui vivent en dehors de la ville et sont désespérés face à la famine intense qui règne à cette époque. En désespoir de cause, ils décident de se rendre dans le camp ennemi qui assiège la ville afin de solliciter de la nourriture pour survivre. C’est alors qu’ils découvrent que le camp est vide : les ennemis ont pris miraculeusement la fuite, laissant derrière eux toutes leurs provisions et leur argent.
Après avoir constaté cela et s’être restaurés, les 4 lépreux décident d’avertir le roi de Chomrone afin de soulager la population. Circonspect au départ, et craignant une ruse des ennemis, Yéhoram envoie des premiers explorateurs pour confirmer les dires de Gué’hazi et sa famille. Ceux-ci confirment que les ennemis ont bel et bien disparu, et que la prophétie d’Elicha s’est à nouveau accomplie.
Lien entre la Paracha et la Haftara
La Paracha de la semaine évoque l’affection de la lèpre qui pouvait atteindre les Bné Israël soit dans leurs biens, soit dans leur corps, en raison de leurs mauvais comportements, par exemple de la médisance. Nous y évoquons également les procédures à respecter pour permettre au « Métsora » (personne atteinte de la lèpre, la Tsaraat) de pouvoir regagner le camp et vivre à nouveau en communauté.
La Haftara nous donne une illustration de ces situations à travers l’exemple de Gué’hazi et ses fils qui étaient effectivement atteints de la lèpre, et devaient vivre en marge de leurs concitoyens à la « porte de la ville ». Elle nous montre également que l’espoir est encore permis même pour ces marginaux à qui il est offert un mérite extraordinaire : annoncer une « bonne nouvelle », la fin du siège et de la famine. Ceci fait écho également aux procédures permettant aux lépreux de réintégrer la société décrite dans la Paracha.
L’écho de la Haftara
Comme nous l’avons vu, la carrière prophétique d’Elicha est jalonnée de miracles prodigieux qui défient la raison humaine. Or, face à ces prodiges, nous constatons que les interlocuteurs d’Elicha ou ses intermédiaires réagissent de façon différente, et ce sera précisément leur réaction face aux miracles qui conditionnera leur capacité à en profiter pour eux-mêmes ou non.
Tout d’abord, lorsque le fils de la Chounamite tombe malade et perd connaissance, Elicha demande à Gué’hazi de se rendre à son chevet et de poser la canne du prophète sur le visage de l’enfant. Il prescrit également à son serviteur de ne pas s’attarder en chemin et de ne pas parler aux habitants s’ils l’interrogent au sujet de sa venue. Gué’hazi se rend auprès de l’enfant, mais évoque auprès des habitants l’objet de sa venue : « Je viens pour ressusciter les morts », prétend-il d’un air à la fois orgueilleux mais aussi ironique et peu convaincu, nous disent nos Sages. Sa mission échouera et Elicha devra se déplacer en personne pour redonner vie, avec l’aide d’Hachem, au jeune homme.
Ensuite, à propos de Naaman, nous voyons que le général est déçu lorsque le prophète lui conseille de se tremper dans le fleuve, car il a le sentiment qu’Elicha s’appuie uniquement sur des éléments naturels. Or, l’espoir de Naaman résidait dans l’invocation d’Hachem par le prophète, comme il le dit lui-même : « Certes, m'étais-je dit, il va sortir, s'arrêter, invoquer le nom de l'Eternel, son D.ieu ; puis il aurait passé sa main sur la partie malade et guéri le lépreux. »
Naaman ne doute pas que D.ieu peut le guérir, il est surpris que le prophète n’ait pas recours à une procédure plus ésotérique. Toutefois, il accepte la procédure prescrite par Elicha, et lorsqu’il guérit, il remercie immédiatement Hachem.
Enfin, lorsqu’Elicha prophétise la fin imminente de la famine et le retour, sous 24 heures seulement, d’une abondance inouïe de nourriture au point que les céréales seront à un prix dérisoire, les réactions sont mitigées. L’écriture mentionne notamment la réaction d’un intendant du roi Yéroham qui prétend que cela est impossible : « Même si D.ieu ouvrait des cataractes au Ciel, pareille chose serait-elle possible ? »(Rois 2, 7-2).
Elicha lui confirme que ce miracle va se produire et lui précise qu’il pourra constater le miracle, mais qu’il n’en profitera pas directement : « Tu le verras de tes yeux, lui répondit le prophète, mais tu n'en jouiras point. »
Tous ces exemples nous permettent de comprendre un secret profond des miracles : la condition essentielle pour pouvoir en jouir est d’être persuadé en notre for intérieur que le miracle peut avoir lieu. La confiance dans la toute puissance d’Hachem, dans Sa capacité à suspendre les lois naturelles pour faire place au « surnaturel », doit être totale. La force de la prière et de la bénédiction tient notamment à la conviction des hommes qu’elles vont se réaliser. Cette attente et cette foi ardentes des hommes « obligent », si l’on peut s’exprimer ainsi, Hachem à agir dans le sens souhaité.
Bien qu’il eût épuisé tous les recours naturels ou scientifiques, Naaman avait gardé espoir et ne doutait pas de la capacité d’Hachem à le guérir, et il fut effectivement sauvé. En revanche, Gué’hazi était sceptique sur ces chances de redonner vie à l’enfant, et de même que l’officier de Yéhoram ne croyait pas en la prophétie d’Elicha, ces deux personnages n’ont pu ni être les acteurs du miracle pour le premier, ni en bénéficier pour le deuxième.
L’homme est ainsi responsable de la confiance qu’il place en Hachem et qui peut déterminer l’intensité avec laquelle D.ieu se dévoilera à lui. Mais il est aussi responsable de sa lucidité face aux miracles : il doit savoir les identifier et en tirer toutes les conséquences. Notre tradition reproche au roi Yéhoram de n’avoir pas changé d’attitude suite aux miracles qu’Elicha avait accomplis.
De même, notre tradition reproche aux quatre lépreux d’avoir commencé par se servir copieusement avant de prévenir la population qui souffrait atrocement. Un mérite extraordinaire s’offrait à ces lépreux de réparer leurs torts en sauvant toute une population, en accomplissant une Mitsva de manière pleine et entière, sans penser à leurs intérêts personnels en priorité.
Cette réflexion doit également nous faire réfléchir à la manière dont nous réagissons face aux Mitsvot qui se présentent à nous. Les accomplissons-nous avec cœur de manière intègre ? Ou bien écoutons-nous tous les arguments du Yétser Hara pour nous en détourner ou, tout au moins, les amoindrir ? (Rav. Rozenberg)
Puissions-nous avoir le mérite de savoir déceler dans notre quotidien les nombreux miracles qui le jalonnent, et en faire autant d’occasions de nous rapprocher d’Hachem !