La première Mitsva donnée à l’ensemble de la nation se trouve dans la Paracha de cette semaine. Il s’agit de la Mitsva de Kiddouch Ha'hodech. Le tribunal rabbinique a l’obligation de déterminer le début du nouveau mois, en fonction de la lune. Cette Mitsva est fondamentale pour le respect de la Torah, car elle permet de fixer le calendrier. Le Arougat Habossem[1] pose une question intéressante sur la nature de la lune. Comment se fait-il qu’Hachem, qui, par essence, est éternel et Émet (vérité), ait créé la lune ; un élément céleste qui apparaît comme l’inverse de la constance ? La lune croît et décroît, elle est tantôt ici et tantôt là, elle devient de plus en plus petite, disparaît puis réapparaît. En quelque sorte, elle semble être un « hors sujet » de la création divine. Le soleil est constamment présent, les forces de la nature sont constamment présentes, la force de gravité également. Comment se fait-il que la lune soit parfois présente et parfois pas, qu’elle grossisse puis rétrécisse, qu’elle disparaisse puis réapparaisse ?

Le Arougat Habossem répond que le peuple juif est comparable à la lune. À l’instar de la lune, le peuple juif connaît des phases montantes et descendantes. Mais, à l’instar de la lune qui diminue, disparaît presque et réapparaît toujours, le peuple juif réapparaît aussi toujours. Lorsque la Torah dit : « Ha'hodech Hazé Lakhem », elle fait allusion au renouvellement du Juif. C’est la raison qui explique la création de la lune de cette manière et qui explique son importance dans le calendrier juif.

Le peuple juif a connu des périodes de succès au cours de l’Histoire, comme l’ère du royaume du roi Chlomo ou l’âge d’or en Espagne. Par ailleurs, il a aussi connu des périodes de terribles oppressions et persécutions. Quand on se trouve dans ce genre de situation, on pourrait facilement perdre espoir. La lune nous rappelle notre rétablissement futur, notre ascension proche.

Nous ne pouvons plus accomplir réellement la Mitsva de « Ha'hodech Hazé Lakhem », mais nous avons une Mitsva d’ordre rabbinique qui nous rappelle ce message : la Mitsva de Kiddouch Lévana. Dans cette prière, nous comparons la lune à la nation juive ; les deux sont destinées à se renouveler à l’avenir. La Mitsva de Kiddouch Lévana nous renforce dans les moments les plus difficiles, comme le prouve la remarquable histoire suivante, souvent racontée par le Rav ’Haïm Chmoulewitz quand il récitait le Kiddouch Lévana. Il demanda une fois à un survivant de la Shoah : « Comment avez-vous tenu le coup ? Comment avez-vous réussi à ne pas abandonner ? » Le rescapé répondit que dans les camps, les Juifs ne pouvaient pas accomplir les Mitsvot ; ni Loulav, ni Soucca, ni ’Hanouka – rien. Toutefois, il y avait une Mitsva qu’ils accomplissaient régulièrement. Malgré le risque de mort, ils quittaient leurs baraques pendant la nuit pour l’accomplir. C’était la Mitsva de Kiddouch Lévana. En effet, il y avait toujours une lune. « Nous levions les yeux vers la lune et nous prenions à cœur la leçon suivante : nous allons nous renouveler comme la lune. » C’est ce qui donna de l’espoir à ce Juif. Voilà pourquoi le Kiddouch Lévana et le Kiddouch Ha'hodech sont si cruciaux. C’est l’histoire du peuple juif et c’est l’histoire de chaque être humain pris individuellement. Tantôt on grandit, tantôt on décline.

Même quand un Juif n’a rien avec lui, il a toujours la lune. Même lorsque le peuple juif est en bas, il doit savoir qu’il se remettra et redeviendra grand.

Cet enseignement sur les hauts et les bas dans l’histoire juive s’applique également à chaque particulier. Rabbénou Tam[2] enseigne que chacun passe par des « Yémé Ahava » et des « Yémé Sin’a ». Les Yémé Ahava sont des jours où tout se passe bien, où l’on arrive facilement à se sentir proche d’Hachem, où « la vie est belle ». Quant aux Yémé Sin’a, c’est l’inverse. Ce sont les jours où l’individu se sent déprimé, loin d’Hachem, où il sent que la vie est dure. Quelle est notre 'Avoda pendant ces jours ? Il faut tout d’abord savoir, même dans les bons moments, ne pas être complaisant et se dire que tout restera toujours parfait. D’ailleurs, Rav Dessler rappelle que quand les choses vont bien, il faut se souvenir de prier pour avoir des forces même dans les moments difficiles.[3]

Et lorsque les moments difficiles pointent, il est essentiel de ne pas perdre espoir. Quand la vie semble accablante, quand l’obscurité semble nous entourer, le plus grand danger est le « Yéouch », le désespoir. La Torah enseigne que le désespoir ne nuit pas seulement à notre âme, mais aussi à notre lien avec Hachem. Même dans les moments difficiles, nous devons rester forts, inébranlables et savoir qu’à l’instar de la lune, notre lumière réapparaîtra en temps voulu.

La lune est en constante évolution, et quand nous nous tenons devant la lune pour prier et réciter Birkat Halévana, nous nous souvenons que la vie est pleine de cycles. Durant les périodes de lumière, nous devons nous renforcer pour les moments d’obscurité et dans les moments sombres, nous devons nous accrocher à l’espoir d’illuminer à nouveau. C’est le message de foi du renouvellement de la lune, un message de résilience, de patience et de confiance qui nous guide à travers les marées hautes et les marées basses de la vie.

 

[1] Cité par Rav Issakhar Frand.

[2] Séfer Hayachar, Cha'ar 6.

[3] Mikhtav Mééliahou, ’Hélek 4, p. 226.