La paracha Vayétsé nous dit : « Lorsque Yaacov vit Ra’hel, fille de Lavan, frère de sa mère, et les brebis de Lavan, frère de sa mère, il s’avança, fit glisser la pierre de dessus la margelle du puits et il fit boire les brebis de Lavan, frère de sa mère. Yaacov embrassa Ra’hel, il éleva la voix et il pleura. » (Beréchit, 29:10 -11)
Rachi commente, sur les mots « Et il pleura » :… Autre explication, [il pleura] car il arriva les mains vides… [Parce que] Élifaz, le fils d’Essav, le poursuivit, sous l’ordre de son père, dans le but de le tuer. Il le rattrapa, mais du fait qu’Élifaz avait grandi chez Its’hak, il se retint [de le tuer]. Il [Élifaz] lui dit [à Yaacov] : « Que puis-je faire concernant l’ordre de mon père ? » Yaacov lui dit : « Prends tout ce qui est en ma possession, car le pauvre est considéré comme mort. »
Rachi nous explique pourquoi Yaacov arriva les mains vides chez Lavan. Son neveu, Élifaz lui déroba tous ses biens. Le midrach détaille les pensées et les réflexions d’Élifaz lors de sa rencontre avec son oncle et il nous informe qu’il était confronté à un grand dilemme – il se dit : « Que puis-je faire pour ne pas le tuer [Yaacov] tout en exécutant la volonté de mon père ? » Sa solution fut de dépouiller Yaacov de tous ses biens (y compris ses vêtements). Étant donné qu’un indigent est considéré comme mort, il sentit qu’il avait, en quelque sorte exaucé la requête de son père. [1]
On pourrait penser qu’Élifaz agit ainsi seulement par crainte vis-à-vis de son père. D’après ce midrach, il était manifestement pris dans un dilemme moral. D’un côté, il savait qu’il ne fallait pas tuer un innocent, mais d’autre part, il se sentait obligé de respecter l’ordre de son père.
S’il avait réellement voulu accomplir la volonté d’Hachem, il aurait compris que dans ce cas, il n’y avait aucune raison d’obéir à son père puisque cette injonction était neutralisée par le ratson Hachem (la volonté divine). Avec une approche superficielle, on pourrait comprendre cette contradiction, mais les actions de son arrière-grand-père, Avraham Avinou, prouvent que le raisonnement d’Élifaz était complètement faux.
Avraham dut également affronter un dilemme similaire, quand la volonté de D. était totalement opposée à celle de son père Téra’h.
Le célèbre midrach nous raconte comment Avraham détruisit toutes les idoles de son père sauf une, et il prétendit ensuite que la plus grande idole avait détruit les autres, exposant ainsi la bêtise du système de pensée de son père. Nous savons que l’honneur des parents est un concept fondamental de la Thora. Comment Avraham put-il alors agir de manière si irrespectueuse ? Honorer ses parents ne signifie pas être obligé d’adopter leur mode de vie, si celui-ci est incompatible avec le respect de la volonté divine.
En effet, la loi juive stipule clairement qu’un enfant est tenu d’obéir à ses parents, sauf dans le cas où ils lui demandent de faire une action qui va à l’encontre des lois de la Thora. Ainsi, Avraham avait raison de rejeter les valeurs de son père et d’exposer leur sophisme, parce que telle était la volonté d’Hachem.
Élifaz, en revanche, ne réalisa pas que quand son père lui enjoignit de commettre un meurtre, il n’avait aucune obligation de lui obéir. Nous apprenons de cette différence entre Avraham et Élifaz que le seul et unique guide de moralité est le ratson Hachem qui, après le don de la Thora, était visible dans les lois de la Thora.
Nous ne devons être soumis à aucune autre source d’influence – que ce soit celle des parents, de la société environnante ou de nos supérieurs hiérarchiques – si elle est en désaccord avec le but ultime.
[1] Midrach Agada, Beréchit, 28.