A travers la Paracha Béréchit, Rachi nous enseigne plusieurs principes moraux fondamentaux. Arrêtons-nous pour cette étude sur le verset 26 du chapitre 1 de la Genèse, lors du moment fondamental de la création de l’homme.
La première valeur qui nous est rappelée ici est la Anava (la modestie, l’humilité). En effet, Rachi souligne qu’à l’occasion de la création de l’homme, D.ieu énonce : « Faisons l’homme à notre image » (Naassé Adam…). Et Rachi de s’interroger sur le sens de ce pluriel, alors que nous savons bien que D.ieu, Seul, a créé l’homme.
Rachi donne alors le commentaire suivant :
Faisons l’homme : Il est vrai que personne n’a aidé D.ieu dans l’œuvre de la création, et que les hérétiques pourraient être incités [par le pluriel « faisons »] à Le dénigrer. Cependant, le texte n’a pas voulu manquer l’occasion de donner une leçon de savoir-vivre et d’enseigner la valeur de la modestie : le supérieur doit prendre l’avis de son subordonné et lui demander son autorisation (Beréchit Raba 8, 7). S’il avait été écrit : « Je vais faire l’homme », cela ne nous aurait pas appris que D.ieu a consulté son Beth Din, mais nous aurions compris qu’Il a décidé seul. Quant à la réponse aux hérétiques, elle figure au verset suivant : « Elohim créa l’homme », et non : « créèrent ».
Voici donc un avertissement que D.ieu donne à l’humanité avant même la formation du premier homme : cultivez la modestie, et méfiez-vous de l’orgueil. Hachem, Lui-même, qui n’a besoin d’aucun conseil et d’aucune aide, a sollicité l’avis de son « Beth Din », des anges, de l’armée Céleste comme Rachi le rappelle dans son premier commentaire sur ce même verset.
Exercer son pouvoir de manière autoritaire et abrupte n’est pas une marque de grandeur ou de puissance aux yeux d’Hachem. Seul celui qui sait consulter autour de lui, se pencher vers ceux qui lui sont subordonnés, vers ceux qui sont plus « petits » que lui, est digne d’incarner et d’exercer véritablement et durablement le pouvoir et la puissance. Cette capacité à écouter celui qui est plus petit témoigne d’une capacité d’ouverture à l’autre, d’une capacité à concilier différents points de vue et à prendre en compte la complexité des situations, la multiplicité des points de vue. Cette capacité est la garantie la plus sure d’un exercice apaisé et sage du pouvoir.
L’homme moderne gagnerait certainement à méditer cette leçon de sagesse intemporelle inscrite dans le premier chapitre de la Torah. En effet, souvent ivre de sa volonté de puissance ou de son orgueil, l’homme moderne a tendance à mesurer son pouvoir à sa capacité à dominer ses semblables quand il ne cherche pas tout simplement à les écraser. Dans cette quête insensée vers davantage de pouvoir, il perçoit les opinions contraires comme des obstacles à balayer avant même d’avoir analysé leur part de pertinence.
Ces écueils guettent tous ceux qui exercent une forme de pouvoir ou d’autorité, aussi bien les hommes politiques que les managers dans les entreprises, aussi bien les conjoints au sein du couple que les parents ou les éducateurs vis-à-vis des enfants. Pour y échapper, l’homme doit apprendre à effacer le « je » et à préférer le « nous », comme nous y invite le texte de la Torah, c’est-à-dire s’efforcer à faire une place à l’autre dans nos réflexions, accepter la contradiction et cultiver le scrupule, c’est-à-dire le doute de se tromper, ou pire, de fauter.
Ainsi pourrait-on comprendre le verset de Chlomo Hamélèkh (Michlé 28, 14) : « Achré Adam Méfa’hèd Tamid », heureux l’homme qui cultive toujours le scrupule.
Rappelons pour finir cette sentence bien connue des Pirké Avot : « Qui est sage ? Celui qui apprend de tout homme… Qui est honoré ? Celui qui honore les créatures ».