Hesped prononcé par le Dayan de Strasbourg, Rav Michaël Szmerla, le 13 Octobre 2013 à la Synagogue Rambam de Strasbourg.
“Rav ‘Ovadia Yossef zatsal était un véritable Séfer Torah vivant.
En effet, certains Guédolim sont spécialisés dans le Talmud, d’autres dans les Décisionnaires ou dans la Kabbale, d’autres encore dans la diffusion de la Thora ou même dans la direction de Communautés. Rav ‘Ovadia Yossef zatsal était tellement grand qu’il assumait seul toutes ces fonctions, pour lesquelles il aurait fallu réunir des dizaines de Rabbanim…
Prenez son œuvre maîtresse, le Séfer Yabi’a Omer : dans chaque responsa, vous trouverez des centaines de références ! Il avait une connaissance de la Torah incroyable, du jamais vu depuis des dizaines d’années !
Lorsqu’il était Grand Rabbin d’Israël, il donnait chaque semaine une émission à la radio, durant laquelle les auditeurs lui posaient des questions de Halakha. La compilation de ces émissions a fait l’objet d’un ouvrage en six volumes : le séfer Yé’havé Da’at. Un jour, au cours d’une de ces émissions, où le Rav répondait aux questions en citant des dizaines de références d’affilée et en détaillant les sources et les adresses de ces dernières, le présentateur, abasourdi par ce flot de connaissances, s’est exclamé devant les auditeurs : sachez que le Rav n’a aucune feuille devant lui. Il récite tout cela par cœur.
Rav ‘Ovadia Yossef zatsal s’adonnait à l’étude de la Torah avec une assiduité sans pareille : il était si concentré dans son limoud qu’il n’entendait même pas le bruit et l’agitation qui pouvaient se produire autour de lui ; lorsqu’il prenait l’avion, il fallait l’avertir quand ce dernier avait atterri, car, n’ayant pas décollé les yeux de son séfer depuis le début du voyage, il ne s’était pas rendu compte que l’avion était arrivé à destination et que les passagers étaient descendus.
Il commençait à étudier la Torah très tôt, vers cinq heures du matin, et étudiait celle-ci jusque très tard dans la nuit sans discontinuer. Il ne passait guère plus d’un quart d’heure ou vingt minutes après la Téfila du matin pour recevoir les gens et résoudre les problèmes d’actualité brûlants auxquels pouvait être confronté le Peuple d’Israël.
Cette assiduité dans l’étude résultait de son amour infini pour la Thora.
Le Rav ‘Ovadia Yossef zatsal était l’exemple même de cet amour de la Torah, qui se traduit par le souci d’enseigner aux autres et de faire en sorte que la Thora soit étudiée par tous.
Lorsqu’il était jeune, il donnait chaque Chabbat douze cours de Halakha et de Moussar dans douze synagogues de Jérusalem. Chacun de ces douze cours était différent car les fidèles le suivaient d’un Beth Haknesset à l’autre pour écouter ses enseignements !
Lorsqu’il devint Grand-Rabbin de Tel Aviv, avant d’être nommé plus tard Grand-Rabbin d’Israël, il recensa les Batei Knessioth et les maisons d’étude de la ville et de son agglomération, et en compta 700. Il se promit de visiter chacun de ces lieux et d’y donner un chi’our de Torah...
Sa grandeur se mesurait par le fait que, malgré son niveau extrêmement élevé dans la Thora, il savait rendre ses discours et ses chi’ourim compréhensibles à tout un chacun et même au plus ignorant.
Lorsqu’on lui demanda un jour si le fait de donner des cours de Torah aussi simples et accessibles à des gens si peu érudits ne constituait pas pour lui du bitoul Torah, il répondit : « Si les ba’alei batim (les gens qui n’étudient la Torah que très peu d’heures dans la semaine) ne sont pas conscients de la valeur de la Torah, comment enverront-ils leurs enfants à la Yéchiva ? ».
Un jour cependant, il réalisa que le fait de donner autant de cours lui prenait beaucoup de temps et de forces, et il était sur le point d’arrêter lorsque, le soir même, le Kaf Ha’haïm lui apparut en rêve et lui dit : « Est-ce que tu étudies la Torah ? ». Rav ‘Ovadia lui répondit : « Bien sûr ». Le Kaf Ha’haïm lui demanda alors : « Mais est-ce que tu continues à être marbits Torah (à diffuser la Torah) ? ». Rav ‘Ovadia comprit alors qu’il ne devait surtout pas arrêter ses cours de Torah.
Rav ‘Ovadia Yossef zatsal avait également une très grande ahavath Israël.
Lorsqu’on venait lui demander une bérakha, des larmes coulaient de ses yeux…
Un jour, il rencontra le Premier ministre israélien et il lui demanda en pleurs de ne pas réduire les aides de l’Etat aux indigents et aux familles nombreuses...La détresse des couches pauvres de la population ne cessait de le poursuivre et il a énormément œuvré pour elles.
Si tant de personnes ont assisté à sa lévaya (plus d’un million, du jamais vu !), c’est parce que toutes ont ressenti envers lui de la reconnaissance.
Les statistiques révèlent qu’au début des années 80 et avant la création du mouvement Chass, la proportion de juifs d’origine séfarade en Israël qui envoyaient leurs enfants dans les écoles toraniques n’atteignait pas 10%.
Aujourd’hui, grâce au réseau d’écoles toraniques et de Yéchivot qu’a créé ce mouvement dans tout Israël, sous l’impulsion du Rav ‘Ovadia Yossef zatsal, cette proportion a dépassé les 50% !
La disparition de Marane Harav ‘Ovadia Yossef crée un vide immense dans le Peuple d’Israël. Mi yitène lanou temourato ! – qui pourra le remplacer ? Personne n’a atteint un tel niveau de Thora et de Ahavat Israël !
Chacun d’entre nous se doit de faire l’effort de combler, même un tant soi peu, ce vide.
Faisons l’effort de nous renforcer dans l’étude et l’assiduité dans la Thora. Que celui qui étudiait auparavant une page par jour, en étudie dorénavant deux ! Et surtout, tâchons de rester concentrés sur ce que nous étudions, en faisant attention à ne pas faire de pauses inutiles au milieu de l’étude.
Soucions nous également d’amener d’autres juifs à l’étude et à l’accomplissement de la Thora.
Nos ‘Hakhamim disent que la disparition d’un Tsadik apporte l’expiation à l’ensemble du Peuple d’Israël.
Que la volonté du Tout Puissant soit de nous faire bénéficier des mérites immenses de ce Gadol, et que ceux-ci soient source de bénédictions et de guérisons pour tout le Peuple d’Israël, afin de nous amener ensemble à la Guéoula cheléma (l’ultime rédemption) et de pouvoir un jour retrouver ce Tsadik lors de la Té’hiat hamétim (la résurrection des morts), où son visage rayonnera à tout jamais.”
Retranscription : Melle Léa Marciano / Relecture : Rav Emmanuel Boukobza pour Torah-Box