La Torah prescrit au Juif qui voit un proche en détresse de lui procurer son aide dans la mesure du possible. Nous apprenons de là à quel point la Torah oblige l’homme à être sensible à son entourage et à ne pas rester indifférent lorsqu’un ami traverse une phase difficile.
Dans l’ouvrage Kinyan Hatorah Chel Maran (dont l’auteur est le Rav 'Ovadia Yossef Tolédano chlita, petit-fils du Rav 'Ovadia Yossef), on trouve une histoire à ce sujet, relatée par un des premiers élèves de Maran (en l’an 5720 -1960), un homme animé de crainte du Ciel qui travaillait pour sa subsistance dans son petit magasin et participait aux cours du Rav.
« Un soir, relate l’élève, Rav 'Ovadia achevait son cours régulier à la synagogue Chaoul Tsédaka dans le quartier Beth Israël de Jérusalem. Cette synagogue a deux entrées et Maran avait l’habitude de quitter l’édifice par la sortie de la rue Reichman, mais cette fois-ci, contrairement à son habitude, il emprunta l’autre sortie en direction de ma maison. Il posa sa main sur mon épaule et me demanda : "Méïr, comment ça va ?" "Grâce à D.ieu, tout va bien", répondis-je. "Non, mais comment ça va à la maison ?", insista Maran. Je soupirai, puis répondis : "Grâce à D.ieu, grâce à D.ieu, ça va." Maran n’était pas tranquille et reprit : "J’ai remarqué que ces derniers jours, tu n’es pas très joyeux. Aujourd’hui, j’ai raconté une histoire, tout le monde a ri, et toi, tu n’as même pas souri…"
J’étais abasourdi : comment le Rav avait-il fait attention à moi ? Comment m’avait-il remarqué parmi tous les nombreux participants au cours et m’avait repéré ? J’ouvris alors mon cœur et lui avouai, le cœur brisé : "Rabbénou, que puis-je vous dire ! Cela fait six mois que je n’ai plus de vie, depuis que mon épouse, grâce à D.ieu, a accouché. Elle n’a malheureusement pas retrouvé sa forme antérieure, je ne sais pas ce qu’elle a, elle est tout le temps triste et pleure. Je fais tout mon possible pour la réjouir, mais en vain. Je suis brisé, je n’ai plus de force…"
Le Rav écouta et en fut très affligé. Je me rendis soudain compte que je lui avais fait faire un détour, le Rav aurait dû depuis longtemps prendre la direction opposée. Je m’arrêtai et dis au Rav : "Pardonnez-moi Rav, je vous ai fait faire un détour, nous pouvons peut-être reprendre le chemin inverse." "Non, non, ça va", répondit Maran. Il continua à marcher à mes côtés jusqu’à ce que nous arrivions à proximité de mon appartement, rue Rabbénou Guerchom. J’aperçus les fenêtres de chez moi du haut du trottoir. Nous nous arrêtâmes, puis le Rav me demanda : "Méïr, ton épouse est à la maison ?", "Oui", répondis-je, étonné de la question. "Je peux entrer pour la bénir ?" Je fus tout ému, je n’avais pas pensé à un tel mérite : Maran venait en personne chez moi pour bénir mon épouse !
J’entrai immédiatement et annonçai à mon épouse que Maran était arrivé et voulait la bénir.
Je n’oublierai jamais ces instants, l’émotion vive que nous avons ressentie... Rav 'Ovadia nous posa quelques questions de Halakha en expliquant que si on ne les respectait pas convenablement, on pouvait avoir des peurs, etc. Il lui demanda si elle veillait à se couvrir la tête, à faire Nétilat Yadaïm le matin au réveil, etc., et lui demanda de se montrer scrupuleuse sur ces questions. Il plaça sa main en l’air au-dessus de sa tête et pendant une minute entière, il récita plusieurs versets contre la peur, la bénit, et déclara pour finir : "Avec l’aide de D.ieu, puisses-tu avoir une guérison complète." Puis, il quitta notre appartement.
En dehors du fait que la Brakha du Rav s’accomplit, grâce à D.ieu, je m’émus fortement de l’amour d’autrui qu’il avait manifesté, ayant ressenti ce que je ressentais, bien que je fusse un élève parmi des milliers. »