Suite à un article du Rabbin Sitruk sur le thème de la « parnassa » qui expliquait que le chemin pour obtenir une bonne subsistance était surtout spiritualité, émouna et étude de la Torah… l’équipe Torah-Box a reçu la réaction ci-après, à laquelle nous avons souhaité répondre.
« Une partie du peuple en Israël impose sa subsistance et sa survie à l'autre. Une partie du peuple s'impose en fardeau sur le dos de la classe moyenne, productive, qui croule sous le poids des responsabilités et le cout de la vie.
Une partie du peuple se conduit de manière irresponsable et parasite. Ils font des enfants dont ils n'assument pas les frais. Leurs femmes doivent travailler dans le foyer et a l'extérieur. Ils reçoivent de l'argent des impôts qu'ils ne paient pas eux-mêmes. Ils descendent aux abris avec les femmes et les enfants alors que d'autres hommes se battent et défendent leurs frontières pour eux. Jusqu'a quand le parasitisme ? Jusqu'a quand le monde Haredi ne s'intéressera qu'a son nombril? Tous les Haredim sont des érudits qui sont capables d'étudier du matin au soir ? Jusqu'a quand ce mensonge ? Jusqu'a quand cette inégalité ? Jusqu'a quand cette injustice? Jusqu'a quand le chantage des partis Haredim ? Jusqu'a quand ce Hiloul Hachem ?
Selon ce que vous dites, les bahourei Yechiva devraient étudier et ne rien prendre de l'état. D-ieu pourvoirait à leurs besoins. Je connais et reconnais la valeur de l'étude de la Torah, mais quand les choses se font par la force et le chantage, cela n'est plus de la Torah.
Celui qui n'enseigne pas a son fils un métier, lui enseigne a s'écarter du droit chemin. (Massechet Kidouchin) - Toute étude de Torah qui n'est pas accompagnée de travail entraine l'oisiveté et mène a fauter. (Massekhet Avot) »
Réponse de l’équipe Torah-Box :
Cher monsieur,
1/ Vous parlez des femmes qui travaillent à l’extérieur, en plus de leurs tâches ménagères ou d’éducation des enfants. Certes de nombreuses femmes vertueuses mènent courageusement ces activités, surtout pendant les premières années du mariage, tant elles conçoivent la valeur inégalée de l’Etude. Personne ne les a contraints à ce choix et au contraire, dans le cas où elles ont effectivement épousé un étudiant en Torah, elles l’ont préalablement voulu. En permettant à leur mari d’étudier, elles s’acquièrent une part égale à celle de leur conjoint dans le monde futur. Le Talmud va jusqu’à dire que le mérite de se relever à la résurrection des morts est fonction de l’Etude. Les femmes qui ne peuvent s’y consacrer mais qui aident leur mari, auront donc ce mérite.
De plus, pour de nombreux couples classiques, un seul des deux conjoints travaille, personne ne s’en offusque et si vous m’opposez qu’il s’agit d’une obligation du mari envers son épouse, je vous répondrai qu’elle est susceptible d’un accord entre les époux, ils sont donc les seuls concernés.
2/ Enfin, vous évoquez un chantage des partis religieux ? Vous savez très bien que l’état israélien est démocratique et que les voix des partis religieux (qui ne représentent d’ailleurs dans les dernières élections que 18 sièges/120 soit 15% de l’électorat) sont le résultat d’une liberté de vote absolue.
3/ Mais voici il nous semble, le problème de fond :
Le Midrach expose qu’Hachem a « contemplé » la Torah et créé le monde, à l’instar d’un architecte qui dessine le plan et ensuite construit.
Rien donc d’étonnant que tous les problèmes humains trouvent réponse dans les Mitsvot de la Torah car lorsque l’on suit le plan, on sait trouver la pièce que l’on cherche, ce qui n’est pas forcément le cas lorsque l’on cherche de par soi-même.
Ainsi la Torah a donné des réponses aux questions d’ordre : éducatives, économiques, métaphysiques, relationnelles, etc. la liste est longue. Et aussi, celle d’une juste répartition de la société. Le tout est structuré au moyen de Mitsvot, au même titre que garder le Chabbath, la Cacheroute ou Prier.
Passons par un bref rappel historique : suite à la conquête de la terre d’Israël par nos ancêtres, il est prévu que la tribu de Lévi n’hérite pas de territoire mais habite dans des villes. Leur subsistance ne provenait donc pas du fruit de leur travail agricole mais des dimes que les autres Juifs devaient leur donner. Une partie de ces Léviim, les Cohanim (les descendants d’Aharon) recevaient toutes sortes de dons en nature, 24 au total, sous forme de : céréales, fruits, vin, laine, et viande.
Pourquoi cette répartition ? Parce que les Léviim devaient se consacrer à l’étude de la Torah et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils n’avaient pas de territoire. Quant aux Cohanim, ils devaient en plus servir au Temple, ils approchaient les sacrifices de leur frères et leur apportaient ainsi expiation, le texte parle carrément de salaire.
Voici un extrait du livre des Nombres (chap.18) qui décrit ces prélèvements :
« Tous les prélèvements que les Israélites ont à faire sur les choses saintes en l'honneur de l'Éternel, je te les accorde, ainsi qu'à tes fils et à tes filles, comme revenu perpétuel. C'est une alliance de sel, inaltérable, établie de par l'Éternel à ton profit et au profit de ta postérité."20 Dieu dit encore à Aaron: "Tu ne posséderas point sur leur territoire, et aucun lot ne sera le tien parmi eux: c'est moi qui suis ton lot et ta possession au milieu des enfants d'Israël.21 Quant aux enfants de Lévi, je leur donne pour héritage toute dîme en Israël, en échange du service dont ils sont chargés, du service de la tente d'assignation ».
Les membres de la tribu de Lévi sont donc présentés comme des fonctionnaires au service du peuple mais ils étaient aussi des cadres, érudits en Torah et capables de l’enseigner à toutes les couches de la société, autrement prises par leurs activités rémunératrices.
En vérité, toutes les sociétés évoluées ont, depuis, copié ce modèle d’organisation sociale en répartissant les rôles selon des métiers qui tendent à fournir les moyens de subsistance, de défense, d’éducation, de politique, voire de développement culturel.
Personne, pourtant, ne remet en cause le fait que les pompiers, la police, les membres du gouvernement, de l’administration, y compris le ministre de la culture, soient payés par les contribuables. Car il est évident qu’une société doit avoir ses cadres et ses fonctionnaires. Pourquoi donc ceux qui étudient la Torah et par conséquent, l’enseignent, seraient-ils blâmables ? De plus, qui guidera nos descendants si nous n’élevons pas la jeune génération à connaitre notre héritage en profondeur ?
4/ A la fin de votre intervention, vous avez cité ces versets :
1. « Celui qui n'enseigne pas à son fils un métier, lui enseigne à s'écarter du droit chemin » (Talmud, traité Kidouchine)
2. « Toute étude de Torah qui n'est pas accompagnée de travail entraine l'oisiveté et mène a fauter » (Maxime des Pères)
Quant à votre citation du traité Kidouchine, il est écrit que c’est comme s’il lui apprenait le métier de voleur. La nuance est de taille et elle concerne ceux qui ne peuvent dépasser le stade de l’adolescence dans l’Etude. Dans leur cas, effectivement, ils doivent apprendre un métier, en veillant à garder leurs barrières, en particulier en ce qui concerne les problèmes de mixité auxquels le monde du travail les expose. Mais pour les autres, ils doivent continuer à se construire pendant leur jeunesse, même s’ils ne sont pas extrêmement brillants, voire plusieurs années après leur mariage.
Le monde moderne est empli d’écueils, de séductions, de chemins tortueux ; si, pendant des siècles, le foyer juif suffisait à édifier des individus caractérisés par une identité forte, de nos jours, il faut plus de temps pour y parvenir.
Au sujet de votre citation des Maximes des Pères, le Rambam (Maïmonide) la reproduit dans son ouvrage, le Michné Torah, mais précise la pensée juive authentique dans le chapitre sur les lois de Yovel et Chémita (chap. 13, loi 13) en expliquant :
« Ce n’est pas un privilège exclusif de la tribu de Lévi, mais chaque Juif qui est volontaire pour se tenir devant Hachem pour Le servir, Le connaitre, se comporter avec droiture comme D.ieu l’a fait, se désintéresse de la poursuite des futilités qui occupent les hommes — il est saint parmi les saints, Hachem sera son héritage à tout jamais et il verra ses besoins satisfaits comme c’était le cas des Cohanim et Léviim ».
Il en ressort une fois de plus, que l’idée de mener Etude et activité professionnelle est conseillée pour ceux qui ne peuvent se consacrer uniquement au service divin.
Pour finir, il faut avoir l’honnêteté de reconnaitre que sans les étudiants en Torah, plus ou moins accomplis, le peuple juif aujourd’hui serait menacé d’assimilation galopante, en Erets Israël ou en dehors. Tant que l’on n’est pas prêt à accepter cette évidence, on risque de rester piégé par ses à-priori négatifs.
Bien cordialement,
L’équipe Torah-Box