Des inondations en Europe ? Et alors ? En quoi sommes-nous concernés ? Près de 200 victimes ? Est-ce à nous de réfléchir à cela ? Est-ce un fait divers banal qu’il faut lire et oublier ? Assurément, nous croyons fermement que rien ne se passe dans l’univers, qui ne dépende pas de l’Autorité absolue, Qui dirige chaque détail. Alors, pourquoi réfléchir spécialement à ce phénomène ? Encore une preuve de l’intervention de la Providence ? Cette intervention ne cesse jamais de s’exprimer, alors que cherche-t-on à prouver ici ?
Il existe une réponse à cette réflexion : il faut apprendre à lire, à voir clair, non à interpréter, ce n’est nullement notre droit, mais à nous insérer dans une Histoire qui ne saurait être absurde. L’auteur du commentaire « Sia’h Its’hak » (Rav Melstein, 1854-1916) sur la prière dans le Sidour Ha-Gra explique ainsi le verset de Divrei Hayamim (1,11 et 14) rapporté dans la Prière du matin : « Il est l’Eternel notre D.ieu ; Ses jugements s’appliquent à toute la terre » : « Assurément, Il est notre D.ieu, et Sa sollicitude s’applique au peuple dont Il est proche. Mais il ne faut pas s’imaginer qu’Il n’exerce pas une attention particulière sur les autres nations, et qu’Il ne s’occupe d’elles que de façon générale. La vérité est que Ses jugements couvrent tout l’univers : chaque nation est sanctionnée en fonction de sa conduite, ainsi que la Torah le rapporte pour Sodome et Gomorrhe. Les raisons de la destruction de ces villes dans ce cas sont rapportées, grâce à Avraham, mais généralement les véritables causes ne sont pas toujours connues, et souvent on attribue ces phénomènes au hasard, ce qui est une hérésie. Donc, si nous apprenons que des maisons sont dans certains endroits en proie aux flammes, ou si l’on entend qu’un ouragan s’abat sur une ville…, ou qu’un tremblement de terre cause la mort de milliers d’individus, enterrés sous les ruines de leurs maisons, dans tous ces cas, il est hors de question d’attribuer ce phénomène au hasard, et c’est le sens du verset : « Ses jugements s’appliquent à tout l’univers ». Toutes les causes naturelles ne sont en fait que des moyens entre les mains du Créateur, comme de la matière première entre les mains de celui qui la façonne ». Ce texte admirable nous interdit de voir les graves inondations en Europe, comme un fait divers banal. Il nous faut apprendre – c’est une leçon essentielle – à comprendre ce qui se passe dans le monde. Il ne nous est pas possible d’exprimer un avis, mais il faut être éveillé et ne pas rester dans la banalité et la routine. Le fait divers est toujours un signe de l’action de la Providence, et c’est dans cette perspective qu’il faut réfléchir.
Il n’est pas dans notre intention de parler de sanction, car il ne faut jamais oublier l’interrogation de Moché Rabbénou, après la faute du Veau d’or : il demande à l’Eternel : « Fais-moi comprendre Ta conduite (dans le monde) » (Chemot 33,13). Les ‘Hazal expliquent : « Moché demande à D.ieu de lui expliquer pourquoi le juste doit souffrir et le méchant être heureux » (Berakhot 7a). Il n’est pas question de répondre à cette question ici, car c’est un sujet de discussion entre les Sages. Quoi qu’il en soit, une réponse générale peut être donnée : D.ieu répond à Moché : « Tu ne peux pas voir Ma Face, car l’on ne peut pas Me voir et vivre… Je te couvrirai de Ma main… et quand Je retirerai Ma main, tu Me verras par derrière, mais Ma face est invisible » (Chemot 33, 22-23). Les sages expliquent l’expression « par derrière » comme « conséquence » des faits. On peut – quelquefois, pas toujours – comprendre les conséquences des évènements, mais les expliquer de façon évidente ne nous concerne pas. Ce qu’il est nécessaire de relever, c’est qu’il n’y a pas de « faits divers » qui échappe à la Hachga’ha.
Les inondations en Europe, le Tsunami en Asie, ou encore les ouragans aux Etats-Unis, sont toujours liés à une Transcendance ; le refuser, c’est renoncer à reconnaître que Quelqu’un a créé l’univers à partir du néant. C’est cette rencontre entre les faits concrets et la Source spirituelle qui explique l’Histoire universelle. De plus, c’est ici le secret de la Mitsva, c’est-à-dire de l’observance, car le concret, le matériel, c’est l’Acte du créé, et la volonté de l’Infini, c’est elle qui donne son SENS au cosmos. Certes intervient, à ce stade, la liberté de la créature, et donc l’acte apparemment indépendant de l’individu pensant. C’est dans cette indépendance apparente que s’insère le Fait-divers, et cette apparition risque d’occulter la Source. Ne nous trompons pas : l’Histoire n’est qu’une compilation de Faits-divers, mais c’est ici que s’infiltre la Mitsva, c’est-à-dire la reconnaissance d’une Force supérieure. L’inondation transcende l’anecdotique pour s’inscrire dans l’universel. Le remarquer dans l’Histoire d’Israël est plus évident à nos yeux, mais cela concerne incontestablement le déroulement de l’Histoire du cosmos.