Au-delà de l’aspect épisodique et particulier d’une évasion spectaculaire et scandaleuse, une réflexion métaphysique s’impose à notre esprit. L’individu peut-il s’évader de lui-même, fuir ses responsabilités ? La Torah nous rapporte deux cas de personnes qui auraient voulu fuir « de devant l’Eternel ». Après le meurtre de son frère, Caïn « est sorti de devant l’Eternel » (Beréchit 4, 16). La même expression est employée pour le prophète Yona : « Yona se leva pour FUIR à Tarchich… de devant l’Eternel » et il est descendu dans le bateau pour aller avec eux à Tarchich, « de devant l’Eternel » (Yona 1, 2). L’expression employée pour Caïn est employée avec Yona deux fois dans le même verset ! Cela est fortement significatif ! Est-il possible de fuir de devant l’Eternel ? Existe-t-il un endroit d’où l’on puisse dire qu’il n’est pas devant l’Eternel ? Que signifie cette fuite ? Il semble qu’il soit nécessaire de voir ici un problème psychologique, qui est en fait un aspect profondément métaphysique. Pendant ces 10 jours de Téchouva, cela doit nous enseigner quelque chose d’essentiel et dépasser l’humain, pour atteindre le Transcendant. Qu’il soit permis ici de citer Victor Hugo qui clôt son poème sur Caïn qui ne peut fuir l’œil qui le poursuit : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ». Cette inclusion de la psychologie dans le domaine proprement religieux est, selon nous, essentielle. L’homme croit pouvoir fuir ses responsabilités, mais celles-ci le poursuivent. Il s’agit d’une réalité profonde de l’être. Dans un piyout (texte liturgique) central, récité à la fois à Roch Hachana et à Yom Kippour, écrit au Moyen-Age, un rabbin de Mayence, Rabbi Amnon, s’exprime de la sorte : « (L’Eternel) ouvre le Livre des événements passés, et le Livre se lit lui-même, les évènements oubliés se présentent d’eux-mêmes, et la signature de chaque individu est apposée à côté des actes » (Texte « Ou-Netané Tokef). « Peut-on fuir ses responsabilités ? » Telle est la leçon de ce texte !
Essayons d’approfondir un peu plus : comment un homme peut-il penser qu’il « fuit l’Eternel » ? Plus qu’une conscience morale, il y a au fond de l’être humain une parcelle de vérité, qui lui vient de la Transcendance. Il peut se cacher, fuir, mais finalement le bateau chavire ! L’illustration du bateau de Yona doit être comprise par nos contemporains. Nous désirons fuir, mais les faits sont têtus et plus forts. La volonté du Tout-Puissant ne peut être occultée.
Ne vivons-nous pas à une époque où l’on pensait pouvoir dominer le monde, la réalité physique ? Mais ce n’est pas cette réalité qui se révolte. C’est le Maître de l’univers Qui nous rappelle que les hommes désirent oublier leurs méfaits, voudraient ne pas reconnaître qu’il y a un Juge Qui connaît nos actes, nos passions, nos artifices pour L’oublier. Mais sachons lire dans ce Livre des événements passés. Voyons vers où l’humanité croit progresser ! Un philosophe contemporain (Roger Pol Droit) a eu le courage d’exprimer la conviction « que l’humanité est au bord d’une rupture imminente » (L’Express, n° 3456-3457). Quelques milliardaires croient privatiser l’avenir de l’humanité avec toutes sortes de rêves de conquérir l’univers ! Il y a Quelqu’un qui saura faire chavirer le bateau de Yona qui voulait fuir ! Sachons au bord de quel précipice l’humanité se trouve, sachons lire le Livre des Souvenirs, et ce n’est que de cette façon que l’humanité peut être sauvée ! La leçon des Yamim Noraïm (Jour où la crainte de D.ieu doit être amplifiée) mérite que nous puissions voir où est le salut, pour l’humanité. On ne peut s’évader de la présence, de l’action d’une Transcendance Qui connaît les projets d’une humanité déboussolée ! Prions en ces jours importants pour une prise de conscience de l’humanité qui puisse retrouver une sérénité avec l’avènement de l’ère messianique !